Voir le cardinal Parolin succéder au pape François malgré son absence d’expérience à la tête d’un diocèse ou tout simplement en matière d’écoute, sa gestion pour le moins perfectible de la secrétairerie d’État, l’abandon des catholiques chinois aux communistes et d’autres ratés tant diplomatiques que doctrinaux ne plaît pas à tout le monde. Mais le cardinal Parolin aurait une autre carte dans sa manche pour tirer les ficelles quand même sans être en première ligne. Il s’agirait d’un autre diplomate de la Curie, plus effacé, le cardinal Gugerotti.
« Pour bien comprendre le fort ancrage à gauche du cardinal Pietro Parolin, il faut souligner sa proximité avec le cardinal Marcello Semeraro, Préfet du Dicastère pour la Cause des Saints, un des penseurs du pontificat précédent. Secrétaire du groupe de cardinaux chargés de préparer la réforme de la Curie, Semeraro a été à la manœuvre pour la préparation des synodes sur la Famille et de l’exhortation Amoris lætitia avec des personnages du premier cercle, comme le P. Spadaro, ancien directeur de La Civiltà Cattolica, aujourd’hui Sous-Secrétaire du Dicastère pour la Culture, Victor-Manuel Fernandez, Lorenzo Baldisseri.
Dans La Repubblica du 22 avril, Marcello Semeraro joue son rôle de gardien du Temple en rappelant que le Pontife qui vient de décéder a voulu jusqu’au dernier moment « abattre les murs et les barrières ». Or, on peut constater que le discours-programme que le Secrétaire d’État avait prononcé le 14 novembre 2017, à Washington, à la Catholic University of America, reprenait parfois à la lettre des interventions de Semeraro, qui fut à l’évidence le rédacteur du texte de Parolin. C’était une interprétation maximaliste de Vatican II tel que le comprenait, selon Parolin/Semeraro, le pape François, interprétation « irréversible » scellée par l’introduction de la synodalité.
Le Secrétaire d’État, en ces jours de Congrégations générales, doit essuyer les attaques de deux adversaires décidés : le cardinal Becciu, dont il est toujours plus évident que son procès a été vicié par de nombreuses irrégularités et qui entend bien, contre l’avis de Parolin, participer au Conclave, et le cardinal Zen, qui lui reproche le désastreux accord du Saint-Siège avec la République populaire de Chine, le 22 septembre 2018, renouvelé en 2020, 2022, 2024, qui accorde au pouvoir communiste, persécuteur en acte de l’Église, la nomination des évêques.
Parolin le « chinois » ? Des liens informels existent entre lui et l’ancien président du Conseil italien, Giuseppe Conte, du M5S (Mouvement 5 étoiles). Ils avaient présenté ensemble le livre dirigé par le P. Spadaro, Essere mediterranei. Fratelli e cittadini del « Mare Nostro », Être méditerranéen. Frères et citoyens de la Mare Nostrum, (Ancore, 2020). Sous sa présidence, Conte s’était engagé auprès Xi Jinping de soutenir officiellement le programme d’investissement chinois des nouvelles routes de la soie, que Giorgia Meloni s’est empressée d’abroger. Il est clair que Parolin n’est pas le papable selon le cœur de Donald Trump.
Plus ennuyeux pour lui : il n’est pas évident qu’il parvienne à convaincre les deux tiers des cardinaux électeurs de voter pour lui, d’autant que le cardinal Matteo Zuppi, Président de la CEI, a lui aussi de nombreux partisans. Mais Pietro Parolin et ses soutiens ont un plan B : la candidature de Claudio Gugerotti, bientôt 70 ans, Préfet du Dicastère pour les Églises orientales et cardinal depuis 2023. Gugerotti, comme Parolin, a fait partie jadis de la garde rapprochée du cardinal Achille Silvestrini, chef de file durant des décennies de la Curie de gauche. Pietro Parolin était entré en 1986 dans les services diplomatiques du Saint-Siège alors qu’Achille Silvestrini était Secrétaire des relations avec les États. Claudio Gugerotti avait intégré quant à lui la Congrégation pour les Églises orientales en 1985, Congrégation dont Silvestrini devint Préfet en 1991. Il fit Gugerotti Sous-Secrétaire de la Congrégation en 1997, qui devint lui-même Préfet du Dicastère après une carrière diplomatique.
Achille Silvestrini patronnait une œuvre, la Villa Nazareth, collège universitaire à l’ouest de Rome dirigée par deux association dont Pietro Parolin est aujourd’hui président (et dont Mgr Celli, principal négociateur des accords avec la Chine, dirige le financement).
Claudio Gugerotti arriva dans ce « jardin clos » dans les années 80 où il réussit tout de suite à gagner l’affection et confiance du cardinal Silvestrini, qui le fit incardiner dans la Pieuse Société de Don Nicola Mazza. Gugerotti était tout miel et sourire, selon ses compagnons de l’époque qui l’avaient dénommé don Stambecco (stambecco = le bouquetin des Alpes), en raison de ses capacités ascensionnistes. Don Stambecco grimpera-t-il jusqu’au trône de Pierre ?
Aucun de ces Italiens ne serait un bon pape, à mon humble avis. Ce sont tous des carriéristes qui n’ont pas du tout l’âme d’un pasteur universel et qui, de fait, ont tous des casseroles qui entacheraient dès le début leur pontificat (Parolin étant le pire de tous). Je ne leur jette pas la pierre, on ne peut faire carrière, au Vatican comme ailleurs, en étant un ange, et ils sont utiles (bien que nuisibles aussi), d’une certaine manière, au gouvernement du Vatican, mais on n’a vraiment pas besoin de ce genre de profil pour diriger et guider l’Église, qu’ils restent dans l’ombre.