L’affaire de l’immeuble de Londres – un des nombreux investissements foireux de la Secrétairerie d’Etat gérée par le cardinal Parolin avec l’argent du Denier de Saint-Pierre – avait dévoilé toute une série d’arrangements, de bricolages et de dilapidations au sein de la Curie – mais le cardinal Becciù avait porté le chapeau pour tout le monde, et surtout pour le cardinal Parolin, chef de la secrétairerie d’Etat mais qui a réussi à ne pas se faire inculper.
Bien que mouillé à plusieurs reprises dans des pièces du dossier – notamment une lettre du cardinal Parolin au président de l’IOR en 2019, ou encore les déclarations lors du procès au Vatican de l’un des accusés, le banquier italo-suisse Enrico Crasso, gestionnaire de fonds privés, mais aussi au Crédit Suisse pour le Vatican, qu’il a aussi conseillé financièrement : « sa défense s’appuie notamment sur une lettre de 2016 du cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Saint-Siège, dans laquelle le ›bras droit’ du pape François affirme que les actifs du Vatican gérés par Crédit Suisse pouvaient être investis sans respecter les normes et règlements du Saint-Siège« .
Mais jusque là, si un faisceau de preuves pointait vers le cardinal Parolin, rien n’était sorti qui permettait de le lier directement à l’immeuble de Londres, et à la validation de la vente par celui-ci – le laissant libre d’affirmer que ses subordonnés faisaient ce qui leur plaisait avec l’argent des fidèles sans lui rendre compte. C’est chose faite.
Comme l’indique Il Tempo, « Le dernier document […] porte la signature du secrétaire d’Etat Parolin, le favori parmi les papabili du Conclave qui va s’ouvrir. Une signature au bas du mémorandum, daté du 25 novembre 2018, qui décrit en détail l’opération financière et patrimoniale que le Vatican avait jusqu’ici nié connaître en détail. Dans le mémorandum, Parolin a écrit un commentaire de sa propre main qui, au contraire, semble confirmer que le Saint-Siège n’était pas seulement informé de l’affaire de Sloane Avenue, mais que le Secrétariat d’État, dans sa plus haute position représentée par Parolin, avait personnellement autorisé l’opération. « Ayant reçu des assurances sur la solidité de l’opération (qui apporterait des avantages au Saint-Siège), sa transparence et l’absence de risques de réputation (qui, en effet, dépassent ceux liés à la gestion du Fonds Gof) », écrit Parolin, « je suis favorable à la signature des contrats.»
Il Tempo n’a pas eu à chercher loin – tout était dans le dossier, enfin dans les documents remis en 2021 par la défense du cardinal Becciu : « ce document, contenu dans le dossier du procès mais jamais divulgué, se trouve à la page 97 de la pièce jointe intitulée « All 15 Annotation of PG Squillace with attachments », qui fait partie du deuxième dossier de documents déposé par le bureau du promoteur de justice, Alessandro Diddi, le 20 août 2021« .
Il Tempo conclut : « ce mémorandum qui montrerait une autre version de l’histoire de ce grand scandale sur les fonds extrabudgétaires du Denier de Saint-Pierre, qui étaient destinés aux pauvres et qui ont été utilisés pour faire des affaires. Et maintenant, ces nouvelles révélations pourraient rouvrir la question du cardinal Becciu, qui semblait close après les lettres controversées du pape François, qui ont exclu le cardinal du conclave, et avec la renonciation du cardinal [à y participer], officialisée ces derniers jours« .
Le pape François au courant ?
Il Tempo a enfoncé le clou sur le sujet le 6 mai, en revenant sur un épisode de l’affaire où la secrétairerie d’Etat rompt avec un intermédiaire, Mincione, pour se mettre dans les mains d’un autre, Gianluigi Torzi, pour tenter de limiter les pertes – résultat, des millions d’euros de pertes supplémentaires puisque le Vatican, lié par les contrats, a du grassement rémunérer les intermédiaires.
« Au Vatican, certains affirment qu’il y a eu un mémorandum, présenté au pape François, grâce auquel Bergoglio aurait pris conscience du risque de cette opération et aurait donné à Parolin le mandat de se désinvestir du Fonds de Mincione. En bref, le secrétaire d’État aurait simplement obéi à un ordre du pape. Bien que le seul document qui existe concrètement, qui porte une signature papale sur la « rupture » des contrats avec le financier [Mincione] et le début de la collaboration avec le courtier [Torzi] est postérieur de deux ans, en novembre 2020, lorsque l’administration des fonds de l’Église a été retirée du Secrétariat d’État et transférée à l’APSA, l’Administration du Patrimoine du Siège Apostolique, sous le contrôle et la supervision du Secrétariat pour l’Économie.
Bergoglio, selon une communication du Saint-Siège, aurait exprimé ce désir dans une lettre à Parolin. Il s’agirait donc d’une ordonnance confidentielle, d’une décision résultant de l’étude de ce mémorandum avec tous les détails de la vente, expliqués non seulement dans les aspects critiques de l’opération, mais aussi par rapport aux « risques de réputation » que le Vatican aurait pu encourir. Cet ordre de Bergoglio est cependant resté dans les salles secrètes de Saint-Pierre, car il n’est pas inclus dans les actes du procès contre le cardinal Becciu« .
Bref, plus les jours passent, et plus les questions s’accumulent sur le premier procès, le rôle réel du cardinal Parolin dans cette dilapidation de l’argent donné par les fidèles catholiques du monde entier et le rôle du cardinal Becciu – ou tout au moins celui qu’on lui a fait jouer pour sauver le papabile Parolin.
Autre question dérangeante, soulevée par Infovaticana : « un homme qui a permis que son propre collaborateur soit sacrifié pour sauver son image peut-il désormais s’ériger en garant de l’unité et de la transparence dans l’Église ? Est-ce le « moindre mal » ou simplement un autre chapitre du cléricalisme le plus impitoyable ? ».
Un article sur les réseaux d’influence du cardinal Parolin censuré dans l’Espresso ?
Visiblement, d’autres sujets sensibles demeurent puisque selon InfoVaticana le journal italien l’Espresso a trappé ces jours-ci, suite à une décision prise par son rédacteur-chef, la veille de la parution du journal, un article consacré à la « diplomatie invisible » du cardinal Parolin – notamment à ses réseaux d’influence.