Interviewé par Cathobel, le nonce apostolique en Belgique Mgr Franco Coppola s’est exprimé sur de nombreux sujets, notamment la retraite quasi-concomitante de la quasi-totalité des évêques belges dans les années à venir, le procès de béatification du roi Baudouin ou encore la polémique autour du Pape et de son rappel du magistère de l’Eglise sur l’avortement lors de sa visite à l’université dite ”catholique” de Louvain. ll a aussi fait visiter la nonciature.
Au sujet de la polémique à l’université de Louvain, le nonce s’est attardé sur la lettre ouverte adressée au pape François, ” il y a peut-être eu certaines difficultés comme, par exemple, la lettre ouverte au Saint-Père. Cette lettre a été rédigée par des professeurs et des étudiants de l’université, mais elle a vu le jour – m’a-t-on rapporté – sans la participation ou l’implication des professeurs et des étudiants de la Faculté de théologie. Vous concèderez que cette démarche est un peu étrange… Pourquoi exclure la Faculté de théologie ? Avec la conséquence que ce qui était dit dans cette lettre se caractérisait par un manque d’éclairage théologique. Le minimum était certainement de tenir aussi compte du message de l’Église.
Il y a donc eu là une confrontation entre une mentalité aujourd’hui médiatiquement très répandue dans le monde sécularisé, qui considère que la différenciation entre les hommes et les femmes relève exclusivement de la culture et du choix individuel de chacun. Et qu’il ne faut dès lors plus parler de caractéristiques originelles parce qu’il y aurait une égalité totale entre hommes et femmes. Au contraire, la vision chrétienne reconnaît dans les corps la spécificité d’être un homme ou une femme. Mais aussi la vocation particulière d’être l’un ou l’autre. Avec une égale dignité entre eux mais aussi en tenant compte de la complémentarité des vocations respectives. Ce qui est de l’homme n’est pas tout nécessairement de la femme et inversement…
Le roi Baudouin peut-il être proposé comme un modèle à suivre ?
Autre sujet qui suscite la polémique en Belgique – et en Afrique, notamment en lien avec la mort de Patrice Lumumba, la volonté du pape François de béatifier le roi Baudouin. Le nonce s’est exprimé longuement pour expliquer la démarche : “une autre initiative personnelle du Pape fut sa volonté d’aller prier sur le tombeau du roi Baudouin. Avec aussi – sinon surtout – la déclaration qu’il y a faite devant la famille royale belge, exprimant toute son admiration pour le geste de feu le souverain qui, au risque de perdre son poste, n’a pas voulu signer personnellement le texte de la loi dépénalisant partiellement l’avortement, estimant qu’il ne pouvait pas le faire pour un texte qui légalisait le meurtre des fœtus. Et dans la foulée de cela, le Pape a précisé qu’il voulait voir lancé le procès de béatification du roi Baudouin.
Bien sûr, ce sera alors le moment de se pencher sur sa décision d’avril 1990 et d’étudier et d’apprécier soigneusement si ce fut un geste héroïque. On ne devient pas bienheureux et saint, simplement sur base d’un geste. L’objectif du procès est de se pencher sur toute la vie du roi Baudouin pour voir s’il a été cohérent et s’il peut être proposé comme un modèle à suivre. C’est pour cette raison que le processus a été suggéré par le Pape François, puis récemment lancé officiellement au Vatican.
Le Saint-Père voulait aussi marquer le fait que dans la société contemporaine partout dans le monde, et donc pas uniquement en Belgique, on était un peu orphelins de vrais leaders politiques. Vous comme moi en avons connu pendant notre jeunesse… Je pense par exemple aux pères fondateurs de l’Union européenne… les Schuman, Adenauer, de Gasperi… Voilà des responsables publics qui avaient des idéaux et qui savaient les transmettre à leurs peuples… Le Pape a voulu souligner cette dimension du roi Baudouin d’avoir été un leader et un inspirateur qui avait le soutien de son peuple. En ce compris après son décès inopiné, puisqu’une immense majorité de Belges a participé au deuil au lendemain et dans les jours et les mois qui ont suivi sa mort inopinée en Espagne, le 31 juillet 1993… On n’est pas près d’oublier la présence de centaines de milliers de vos compatriotes devant le Palais royal pour aller le saluer une dernière fois avant ses funérailles.
Pour moi, cela a été la démonstration que quand on est cohérents dans et avec sa foi chrétienne, on ne se sépare pas nécessairement des autres qui ne partagent pas les mêmes convictions. On n’en est pas moins apprécié pour sa cohérence. Selon moi, c’est aussi le sens du message que le Saint-Père a voulu donner lors de sa présence en Belgique. À l’intention sans doute des Belges mais aussi à l’ensemble des citoyens en Europe occidentale et bien-au-delà, quand on voit l’évolution politique et sociétale de la planète. Quand on est fidèle et cohérent avec ses valeurs, je constate que les valeurs évangéliques ne divisent pas, ne suscitent pas d’autres séparations. En réalité, même s’ils ne les partagent pas, les citoyens savent apprécier la cohérence à ses idées et à ses valeurs d’un haut responsable mû par ses convictions profondes“.
Limite d’âge : vers un renouvellement de tous les évêques belges ?
Enfin le nonce est revenu sur le déclin de l’Eglise en Belgique et sur le remplacement à venir des évêques : “presque tous les évêques en fonction vont pratiquement atteindre en même temps l’âge de la retraite“. Pour les remplacer, le pape François ne se précipite pas : “il veut que les nouveaux évêques soient habitués aux défis de la société contemporaine“.
Il a aussi laissé entendre que le déclin de l’Eglise en Belgique et la sécularisation étaient irréversibles : “continuer à comparer le fonctionnement de l’Église belge aux données d’hier voire d’avant-hier n’a plus de sens. Certes, les catholiques deviennent minoritaires mais tout rapporter au passé n’a plus de sens. Oui, on vient d’un monde où les baptêmes étaient presque généralisés et où les assemblées dominicales faisaient le plein et où on observait les rites de passage et les sacrements qui y sont liés souvent par habitude, par tradition culturelle. On ne peut plus se comparer à cette période où tout le monde était baptisé, faisait sa communion, se mariait et était enterré après un détour par l’Église. Force est de reconnaître que, dans les dernières décennies, ce n’étaient pas souvent des choix assumés mais le fruit des us et coutumes d’une époque où le christianisme imprégnait la société, par habitude plus qu’au nom de convictions pleinement assumées !”
Il y a trois mois il avait fait visiter la nonciature en vidéo – contrairement à celle de Paris, il ne semble pas y avoir d’oeuvres du controversé mosaïste et ami du Pape François Mgr Rupnik, auteur de nombreux abus sur des religieuses et des membres de sa communauté.
Maintenant les canonisations sont bâclées et faites à la chaine (Jean-Paul II a plus canonisé durant son pontificat que ses prédécesseurs en 4 siècles).
Le roi Baudouin était opposé à titre personnel à l’avortement mais cette opposition a été contournée. On a dit que le roi ne régnait pas durant une journée et la loi est passée.
Depuis l’avortement se pratique en Belgique dans l’indifférence générale et le silence des évêques.
Quant au discours du nonce qui entérine la sécularisation de la Belgique c’est absolument lamentable.
Il semble que Beaudouin avait provisoirement abdiqué pour ne pas promulguer la loi, la promulgation étant même endossée symboliquement par le monarque dans une monarchie dite constitutionnelle.
M Vaas vous avez entièrement raison. Dans une monarchie constitutionnelle le roi est tenu de promulguer toutes les lois et il faut rendre hommage au roi Baudouin d’avoir refusé de promulguer la loi sur l’avortement (ce que n’ont pas fait les autres rois européens).
On a donc trouvé un subterfuge et on a décrété que le roi ne règnerait pas durant un jour le temps de faire passer la loi. C’était un tour de passe- passe. Mais ensuite sauf erreur de ma part le roi Baudouin n’est plus revenu sur ce sujet.
La loi sur l’avortement est donc passée.
Il faut aussi souligner que Baudouin était un fervent partisan des réformes de Vatican II, dont certaines sont problématiques, et assez proche des charismatiques.
En toute franchise sa béatification me parait un peu prématurée.