Le sermon du 8 décembre de l’abbé Eric Jacquinet, récemment transféré de Bordeaux pour reprendre la cure de saint Nizier, une paroisse de l’Emmanuel à Lyon, après de fort remous internes et une enquête canonique dont les conclusions en mars dernier, ont innocenté le précédent curé, Charles Rochas, mais ont recommandé son transfert – effectif à Toulouse début septembre – ont suscité une forte polémique à Lyon après qu’il a invité sans façons ses fidèles à se taire et à cesser de discourir sur les divisions de la paroisse. Seulement, il y avait certainement des façons plus fines de le faire.
Des propos contestables relayés dans la presse locale
Les propos les plus polémiques du sermon se sont en effet retrouvés dans la presse locale : « si, depuis six mois, vous êtes tentés de reparler des événements qui se sont passés ici, le 2 juin en particulier, sachez que vous risquez fortement d’être pris par l’orgueil et l’œuvre du Malin […] Taisez-vous. Au nom du Seigneur, taisez-vous. En clair, langues de vipères, taisez-vous, une bonne fois pour toutes », a répété le prélat avant d’asséner : « l’heure est au silence […] Après six mois de murmures, maintenant, ça suffit, taisez-vous. Sinon, comme les arbres qui ne portent pas de bons fruits, vous serez coupés, et jetés au feu. Sous peu ».
Un écart individuel ou l’état d’esprit d’une communauté ?
L’abbé Clément Barré poursuit ses propos sur X (ex-Twitter) :
ce qu’il dit est faux et c’est une instrumentalisation scandaleuse et profanatoire de la Sainte Vierge Marie et de l’Ecriture Sainte. Car si l’Ecriture Sainte ne rapporte pas les paroles de la Vierge, elle ne reste pas silencieuse. L’évangile dénonce le mal aussi bien du massacre des innocents que de la Passion du Christ. Et le silence d’un protagoniste ne signifie pas pour autant le silence du texte sacré. Enfin parce que ce propos est contradictoire, puisqu’il faudrait garder le silence face au mal au risque de commettre un péché d’orgueil et de se damner, pourquoi lui n’imite-t-il pas la Saint Vierge en se taisant ? Les murmures seraient-ils plus graves que ce qu’ils dénoncent ? (spoiler : non).Car c’est là le scandale ultime de ce discours. Il rend coupable ceux qui dénoncent le mal pour protéger ceux qui le commettent. C’est le ressort pervers de la règle de la non-critique, règle essentielle au sein de la communauté de l’Emmanuel. Elle impose une communion factice qui se fait au dépend de la vérité. Celui qui exprime une critique (à savoir tout avis divergent exprimé publiquement) est un danger pour l’unité du corps et doit donc être tu ou exclu. Or ce qui blesse la communion c’est bien celui qui commet le mal, pas celui qui le dénonce, quel que soit la forme que prend cette dénonciation. C’est sur le terreau de l’injustice que fleurissent les murmures, et c’est parce que la justice n’a pas été faite qu’ils persistent“.
L’homélie complète est juste un peu ennuyeuse, à l’exception de ses 5 dernières minutes qui sont un condensé alchimique des pires formes de perversion pastorale de ces 40 dernières années. C’est tellement brut que ça a une sorte d’intérêt pédagogique. En quelques minutes, le père Jacquinet illustre de la façon la plus frontale qui soit l’injonction au silence, la conception perverse du scandale, le néant moral et intellectuel sur la violence et la justice, l’incapacité à distinguer son intérêt clérical et la volonté divine. Son brillant parcours, son aplomb et sa situation présente permet de comprendre l’enracinement profond de ces perversions morales, intellectuelles et spirituelles dans les plus hautes sphères de l’Eglise, notamment celles en charge de la pastorale des plus jeunes et, il faut bien le dire, dans les sphères décisionnaires de la Communauté de l’Emmanuel, qui ne se confondent pas avec l’ensemble des membres de la communauté“.
Rappel du communiqué du diocèse de Lyon sur la situation de la paroisse Saint-Dizier
Message du diocèse de Lyon et de la Communauté de l’Emmanuel concernant la situation de la paroisse Saint-NizierL’annonce du changement de l’équipe des prêtres de la paroisse de Saint-Nizier de Lyon a suscité des réactions diverses.L’archevêque de Lyon et les responsables de la Communauté de l’Emmanuel ont reçu des messages d’incompréhension, d’opposition, voire d’insulte mais aussi de remerciement et de soutien.Les personnes exprimant leur incompréhension rapportent des informations qui sont partielles voire fausses. La critique principale se résume ainsi : « calomnié par des paroissiens, le Père Charles Rochas a demandé une enquête canonique qui l’a totalement innocenté. Malgré cela, il est injustement condamné et doit quitter la paroisse ».Afin de permettre à la paroisse de retrouver la sérénité nécessaire à sa mission ecclésiale et éviter les prises à partie non constructives, il est rappelé les éléments suivants
- Cela fait plusieurs années que la paroisse de Saint-Nizier connait des dissensions qui ont entrainé le départ de plusieurs personnes. En 2020, le Père Rochas a reçu la charge de cette paroisse dans des conditions difficiles.
- Malgré un beau dynamisme pastoral qu’il est juste de reconnaitre, les difficultés et les blessures n’ont pas disparu. Après avoir écouté, consulté et tenté des médiations, l’archevêque de Lyon et les responsables de l’Emmanuel ont dû constater l’existence d’une situation de blocage persistante. Le Père Charles Rochas a alors été invité à recevoir une autre mission.
- Se considérant victime d’une atteinte à sa réputation, puisqu’il était accusé par certains d’abus de pouvoir, il a demandé à l’archevêque d’ouvrir une enquête canonique préalable.
- Une enquête canonique préalable a alors été menée afin d’apprécier d’une part si un abus de pouvoir pouvait être reproché au curé et d’autre part s’il avait fait l’objet de cabale et d’atteinte à sa réputation.
- En mars 2024, l’enquête préalable concluait à l’absence d’éléments suffisamment objectifs selon le droit canonique pour établir d’un côté un abus de pouvoir et de l’autre une atteinte à la réputation d’autrui,
- Parallèlement, l’enquête confirmait la profondeur des divisions et recommandait, pour le bien de tous, le départ simultané du curé et du vicaire.
- Le risque d’une atteinte à la réputation du Père Charles Rochas étant écarté, il a été décidé, dans un esprit d’apaisement, le changement de l’ensemble de l’équipe des prêtres.
- Il a alors été demandé au Père Rochas de remettre sa charge de curé, ce qu’il a accepté. Cette décision demande maintenant à être respectée.
Sous le coup d’une incompréhension que l’on peut comprendre, certaines protestations ont dépassé le cadre de la bienveillance. II convient maintenant d’œuvrer à l’apaisement. Avant leur départ, il sera bien sûr légitime de remercier le Père Rochas, le Père Tertrais et le Père de Lafforest pour ce qu’ils ont fait de beau au sein de cette paroisse, sans pour autant remettre en cause les décisions qui ont été prises pour la continuité du service pastoral. Implorons le Seigneur pour que les paroles et prises à parties excessives cessent, pour que les blessures guérissent et pour que la paix revienne durablement dans la paroisse de Saint-Nizier.
Mise à jour 17/12/2024 : on nous signale que le père Jacquinet a apporté des éléments de réponse à la polémique dans son homélie du dimanche suivant. Nous la mettons en ligne :
Les ignominies des uns, fussent-ils prêtres, ne peuvent justifier les propos publics outrés, les médisances et les calomnies. Il est d’un devoir d’un bon pasteur de le rappeler, même si ça fait mal aux oreilles. C’est ce qu’a fait ce prêtre, on ne peut que saluer ce courage. L’illusion du droit à la parole continuelle est le pire ennemi de la vérité, il est bon de s’en souvenir. Ce curé aurait sans doute été blâmable s’il avait demandé aux victimes de se taire, ce qu’il n’a absolument pas fait. Une écoute attentive, avec un peu de recul permet de comprendre facilement ses propos.
Y en a qui sont murs ici pour la dictature. Ce curé confond tout… s’abandonner à la volonté du Seigneur ne signifie pas laisser faire le mal, et promettre l’enfer aux auteurs de médisance n’a aucun sens.
Dire que ce curé a organisé deux JMJ…
Lorsqu’il était curé de Talence, le père Jacquinet a accueillit le père Ronan de Gouvello, mit au vert par son eveque pour péché de chair
Hors, Éric Jacquinet ne s’est pas gêne pour dire à des paroissiens , émus de la présence de ce prêtre avec les faits que l’on sait, que tout cela était faux et qu’il n’y avait rien à reproché au père de Gouvello !
Ben voyons !
Les trois passoires de Socrate.
Est-ce que ce que je veux dire est vrai ?
Est-ce que ce que je veux dire est bon ?
Est-ce que ce que je veux dire est utile ?
Merci d’avoir rappelé le contexte de ce dossier compliqué, qui au delà de la maladresse peut expliquer le sens pastoral de la fin de cette homélie. En effet, il y a un temps pour dénoncer et un temps pour se taire. Mais il faut une certaine maturité pour el comprendre, ce que n’ont pas tous les laïcs et prêtres qui ont commenté cette homélie.
Le P. Eric Jacquinet a apporté des éléments de réponses suite à cette polémique lors de l’homélie suivante. ce serait bien que Riposte Catholique la publie également, car c’est une forme de droit de réponse qui apporte des précisions nécessaires.
https://www.youtube.com/watch?v=cvaTTmcySxE
Merci.