Au printemps, le retentissement de l’affaire Bétharram a réveillé de nombreux autres cas d’abus enfouis sous la chape de plomb et dans les mémoires; ainsi à Oullins, où un professeur laïc décédé du lycée Saint-Thomas d’Aquin, en poste entre 1972 et 2001, est accusé par plusieurs anciens élèves, dont quatre avaient porté plainte en 2001. Il n’a jamais été jugé.
Noël Vallin, en poste de 1972 à sa mise à pied en 2001 dans l’établissement de la banlieue lyonnaise, a commis des attouchements sur ses élèves, y compris en plein cours, ainsi que dans des « cours privés » qu’il donnait sous les toits de l’école ou dans son logement. Des anciens élèves ont créé un groupe Facebook pour recenser les témoignages.
« Le premier à fissurer la chappe de plomb fut Arnaud, «thomiste» à la fin des années 1980, par un message en forme de bouteille à la mer lancé sur le groupe des anciens de «Saint-Thom» le 25 mars. Comme les autres, il avait été méthodiquement isolé par le prédateur. Comme les autres, il recherchait depuis des années d’anciens lycéens ayant subi les agressions et viols de la part de cet enseignant en français et latin« , explique le Figaro. « «Tout commençait en classe, puis il y avait ces fameux cours privés – à la fois à l’école dans de petites salles sous les toits, puis chez lui – où ça allait beaucoup plus loin», se souvient Denis. Plusieurs anciens thomistes ont raconté au Figaro comment le professeur invitait ses proies au tableau et demandait au reste de la classe de se retourner pendant qu’il passait ses mains sous leurs vêtements, leur touchait le torse, se frottait contre elles. Si une tête se retourne, une craie vole ».
La direction, au courant depuis des années – notamment quand des élèves décident de ne plus suivre les cours de ce professeur, ou en 1994 lorsqu’un élève vient avec sa mère dénoncer les faits qu’il a subi au directeur – n’agit qu’en 2001 lorsque quatre élèves portent plainte. Il est alors mis à pied. Noël V, qui aurait tenté de s’immoler par le feu en 1989, est retrouvé mort en 2002, vraisemblablement suite à un suicide, et n’a jamais été jugé. Selon les victimes, « le poids de l’institution – qui dispose d’établissement à Saint-Genis, Mornant et Givors – et d’une époque, où «on ne parlait pas de ces choses-là», ont longtemps protégé le professeur« .
En 2025, un quart de siècle après la plainte de 2001, le procureur de Lyon a rouvert une enquête « pour agression sexuelle sur mineur et viol sur mineur »; le diocèse de Lyon a condamné les faits et reçu le lanceur d’alerte. Plus récemment, la CGT d’Oullins – Pierre Bénite a alerté sur le harcèlement subi par une salariée de l’établissement, ainsi qu’un cas d’attouchement sexuel dans l’équipe encadrante.
Un ministre surveillant à Saint-Thomas d’Aquin quand sévissait Noël V ?
D’après Lyon Mag, le ministre François-Noël Buffet aurait été surveillant dans l’établissement au moment où Noël V. y exerçait; les victimes s’interrogent s’il était au courant, comme bien d’autres, et n’a rien dit : « François-Noël Buffet est aussi une figure de premier plan. Ancien sénateur-maire, il avait fait ses gammes comme élève dans la commune au sud de Lyon, évidemment à Saint Thomas d’Aquin. C’est tout logiquement qu’une fois devenu étudiant en droit, celui qui est aujourd’hui ministre auprès du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau est retourné à Saint-Thomas d’Aquin pour y travailler comme surveillant. Un job étudiant anodin en l’apparence, mais qui lui donnait potentiellement un accès plus ample que les lycéens aux informations dont disposaient la direction ou les professeurs sur M. Vallin.
Car selon nos informations, François-Noël Buffet était pion à STAV au début des années 1980. Période devenue récemment tristement célèbre à Oullins, puisque c’est celle où aurait sévi M. Vallin, professeur de français à la réputation effroyable. Contactés, ni le ministre, ni son ministère n’ont répondu à nos sollicitations ces derniers jours. Comme les élèves, François-Noël Buffet avait-il eu vent de la réputation sulfureuse, largement commentée déjà à l’époque, de M. Vallin ? »