Le rapport écrit par le dominicain Paul-Dominique Marcovits sur la FMRI, à la demande de Mgr de Germay, archevêque de Lyon, s’attarde dans sa partie 1 sur les apparitions dont Clémence Ledoux, fondatrice de la communauté, dit avoir été le témoin, et conclut que ces révélations “ne sont pas authentiques“.
Clémence Ledoux est une ex-religieuse, qui a été chassée des Soeurs Réparatrices du Sacré Coeur en 1935 après avoir désobéi à son évêque, le cardinal Liénard… et même être allée à Rome sans son accord. Précédemment, peu de temps après être entrée en 1920 chez les Humbles Filles du Sacré Coeur, elle se retrouve au coeur de la séparation des deux maisons de la communauté, à saint Amand et Tourcoing, et où ” des documents découverts ultérieurement indiquent qu’elle était bien intervenue. C’était, selon elle, une demande du Christ lui-même, que le noviciat soit déplacé de Saint-Amand à Tourcoing“, où elle était. Le diocèse de Lille et celui de Cambrai valident la scission, d’où nait la congrégation des Réparatrices du Sacré-Cœur de Jésus, approuvée par Rome, le 2 décembre 1921, dont les Règles reçoivent l’imprimatur de l’ordinaire le 28 mars 1923.
Le rapport liste un certain nombre de sources, d’abord positives :
- Il y a les deux biographies, de 2004 et 2019, écrites en l’honneur de Clémence Ledoux. Les auteurs valorisent la présentation, comme une future canonisée, de Clémence Ledoux faite habituellement aux membres de la Fraternité ou à d’autres, et la promotion du culte de Marie Reine Immaculée par la Fraternité.
- Il y a les rapports positifs sur Clémence Ledoux : Le rapport du père Grébert, écrit entre 1931 et 1933 au moment où les sœurs Réparatrices du Sacré-Cœur cherchaient un directeur. Les difficultés exposées ci-après n’étaient pas apparues.
- Le rapport du père Léthel, rédigé en 1996, soit 30 ans après la mort de Clémence Ledoux, à la demande de Mgr Bagnard (évêque protecteur à ce moment-là), avec un temps limité dans la rédaction (un mois) et une documentation réduite choisie par la Fraternité de Marie Reine Immaculée. Il évoque une possible béatification.
- Un rapport rédigé en 2022 qui est d’abord une réponse à l’enquête négative de Joachim Bouflet (voir infra).
Puis négatives :
- les deux rapports (1935) du cardinal Liénart, témoin essentiel de la crise qui a secoué la communauté de sœurs Réparatrices du Sacré-Cœur en 1934-1935. Dans son second rapport, le cardinal montre comment il a pu y rétablir la vie régulière. La teneur principale de ces deux textes est de justifier les sanctions dont Clémence Ledoux a fait l’objet.
- Le rapport de l’archiviste du diocèse de Lille (2009) décrit factuellement, selon ses archives, les causes du renvoi de Clémence Ledoux de la communauté des Réparatrices du Sacré-Cœur. Le texte, objectif et précis, avec celui du cardinal, ne peut que servir de référence pour toute enquête sur Clémence Ledoux.
- Le rapport de Joachim Bouflet (2013) décrit également tous les faits qui ont amené le cardinal Liénart à prendre des sanctions contre Clémence Ledoux. L’historien a découvert une Clémence Ledoux bien différente de celle que l’on montrait habituellement.
- Les rapports du frère Étienne-Marie du Sacré-Cœur (1934), carme, et d’un ancien abbé de la Trappe (2011), sont plus succincts mais se rejoignent dans leur appréciation critique sur le mysticisme de Clémence Ledoux.
La vie mystique de Clémence Ledoux commence, selon elle, à l’âge de six ans : « Depuis l’âge de six ans, elle [Clémence Ledoux] jouit de la présence continuelle de son ange gardien, qui l’enseigne, la conseille, la réprimande, et souvent de rude façon. ‟Avec lui, j’ai appris à mourir à moi-même ; j’ai eu des moments bien pénibles ; mon ange voyait bien que cela me coûtait, mais il ne cédait pas ; je me débattais parfois comme je pouvais, mais en vain.” Elle aimerait ressembler à tout le monde, elle trouve la vie de renoncement beaucoup trop difficile et répond quelquefois à l’ange : ‟Toi, tu es au Ciel, moi, je suis sur terre. Non, je te dis que c’est trop. Et lorsque j’avais bien accepté, il mettait une bonne note sur sa banderole qu’il déployait pour y inscrire chaque bonne action.” […] L’ange lui soufflait à l’oreille qu’elle devait devenir la petite confidente de Jésus et de Marie qui voulaient disposer d’elle. Le jour tant désiré se leva, le 19 mars 1899 (jour de sa première communion) : ‟Ce fut le plus beau jour de ma vie, l’amour a été si fort ! (…) Nous ne faisons plus qu’un maintenant, tu vis en moi et moi en toi.” »
La multiplication des pains et des saucisses
Certaines visions rapportées par Clémence Ledoux interrogent : “Il arrive fréquemment que Jésus, la Sainte Vierge, son ange [gardien] et Jean, son petit ange messager qui lui a été dépêché depuis le séjour en Belgique, l’instruisent sur son âme, le Ciel, les âmes de ses sœurs ou des pécheurs, la vie ou les nécessités spirituelles ou matérielles de la maison. Il arrive que se multiplient du pain, des légumes, des saucisses, quand le garde-manger est vide, ou encore que des donatrices offrent des sommes très importantes ; il arrive aussi que des donateurs fassent apporter un argent qui faisait cruellement défaut“.
“Dieu a porté ses vues sur la famille Ledoux”
Depuis toute petite, Clémence Ledoux se sent investie d’une mission. Voici ce qu’elle écrit en tête de ses notes auto-biographiques : “« Dieu a porté ses vues sur la famille Ledoux. Pendant que le monde s’agitait, le Très Haut agissait dans la petite âme de Clémence. Le monde plus tard sera bouleversé de voir les grandes choses que Dieu a faites dans cette âme, sans que l’homme n’y ait jamais mis la main. C’est pourquoi les hommes se tournèrent contre cette âme. Mais Dieu qui la dirigeait déjoua les projets des méchants. Dieu a voulu établir une Œuvre qui fut vraiment sienne. Il veut la réaliser par elle. Le triomphe et le salut de la France doivent venir par elle. Tout espoir doit venir de cette enfant que Dieu a choisie“.
Et un peu plus loin : “« C’est le 18 décembre 1888 que Jésus fit naître Sa petite privilégiée. Il avait de grands desseins sur moi ; j’étais Sa petite gâtée ; Il me destinait pour une Œuvre qui était sienne, qu’il n’abandonnerait jamais, et sur laquelle II veillerait sans cesse. Jésus, la Sainte Vierge, mon Ange, se penchèrent sur mon berceau. La lumière du Saint-Esprit descendit sur moi. Messagère du Ciel, je devais transmettre les ordres de Dieu, au prix du sacrifice, de la souffrance, de la persécution. Je devais faire renaître la foi, la charité dans les âmes en même temps que la droiture et la justice.
Pour m’aider dans cette mission, Dieu me donna un grand Ange que j’ai toujours vu près de moi. Le jour de mon baptême, les Anges ont chanté : ‟Elle est née pour servir Dieu, son prochain, sa patrie, et défendre l’Église.’’ Le Saint-Esprit a désigné mon Ange en disant ‘‘C’est toi qui guideras sa vie, et c’est par toi qu’elle travaillera“.
Un ange avec des préoccupations très matérielles
Un certain nombre de ses visions et conversations tournent autour d’argent : “11 mai 1925. Dialogue avec son ange. Je m’arrangerai avec le charpentier après en avoir sollicité la permission à ma Mère [La Vierge Marie]. II faudra que tu me donnes des planches, elles commencent à diminuer… Je vais numéroter les miennes, comme cela, je verrai combien tu en as mis en plus. Le bois coûte cher.
Tu as apporté des billets… montre-moi ta boîte, mon ange. II y aura encore quelque chose pour nous… je n’en dirai rien. Compte-les [les billets] devant moi… Cette fois-ci c’est la bonne, cela complètera mes dépenses. Encore pour nous. Regarde ‘‘ta pauvre petite misère’’ [c’est le nom qu’elle se donne], mon Ange. […] Je dois payer les carottes, les haricots… tu vas me mettre les 10.000. Je dois payer Monsieur rue de menin, presque 2.000… Je t’en prie mets tout dans mon petit coffre. Oui, je paierai toutes mes dettes. Écoute mon Ange… Puis-je encore te demander quelque chose… Je ne suis pas satisfaite… Tu es riche. Peux-tu aller chez une bienfaitrice qui pourrait m’en donner 10.000 encore. Le veux-tu… C’est entre toi et moi que se passent toutes ces choses… Demain à mon réveil, j’irai prendre mon petit coffre et je ferai semblant de rien. Cela fera 20.000… Que tu es gentil. Dis-moi ce que tu veux que je fasse faire. Montre-moi bien le détail“. »
Consolée par la Vierge Marie (ou pas?)
D’autres visions rapportées par Clémence Ledoux surprennent. Ainsi : “« La Sainte Vierge : ‟Viens sur mes genoux, viens… Je veux préparer ton cœur… Mon divin Fils désire venir se reposer en toi. Tu Lui offriras tes prières, tes sacrifices et tes souffrances pour consoler Son Cœur si affligé.
Je veux te faire belle pour que ton cœur soit toujours Sa demeure préférée. Je veux que tous les traits de tout ton être Le ravissent. Je désire que tu sois pour Lui mon vrai trésor. Enfant, réponds à mon appel. Viens, oh ! viens… Je veux t’offrir ce soir à mon Bien-Aimé Jésus. L’Amour te veut… L’Amour t’aime… L’Amour te comprend… Oh ! viens… L’Amour désire te marquer de Son amour. Quel mystère… Petite hostie cachée, je t’aime tant.” »
L’auteur du rapport doute franchement de la véracité de cette vision : “Que la Vierge Marie parle ainsi à Clémence Ledoux est surprenant. « Je veux t’offrir à mon bien aimé Jésus » et ensuite « Petite hostie cachée, je t’aime tant ». La Vierge Marie n’emploie-t-elle pas là des mots utilisés à la messe ? Il y a ambiguïté. La Vierge Marie n’est pas prêtre. Clémence Ledoux a-t-elle bien entendu ces paroles ?”
Et de constater : “Clémence Ledoux est intelligente. Elle parle constamment de la volonté de Dieu à accomplir et de ses desseins pour nous sauver. Dieu veut passer par elle, mais, par touches, par des signes d’une trop grande familiarité, par des paroles déroutantes mises sur les lèvres de la Vierge Marie ou du Seigneur, par une affectivité trop grande donnée à Jésus et à Marie. Tout cela, mis à la suite, ne semble pas convenir. L’histoire des saints ne nous a pas habitués à tout cela.
Dans les textes de Clémence Ledoux le mystère de la Croix est présent sous l’aspect de la consolation qu’il apporte à Clémence Ledoux. L’incarnation est présente par allusion, par le récit de sa propre naissance. L’Église, les apôtres, l’exemple des saints, tout cela est presque absent. Il y a beaucoup d’affectivité dans ses écrits“.
Troubles dans la congrégation et “escroquerie par le surnaturel”
Alors que Clémence Ledoux est encore religieuse, des troubles se produisent dans sa congrégation : “en 1928, nouvelles agitations internes. L’archiviste de Lille rapporte qu’une religieuse décide de quitter la congrégation, « parce qu’il se passe des choses trop graves ». Une enquête locale fait alors apparaître que plusieurs sœurs externes ont fait de même car, depuis mars 1925, toutes les décisions se prennent sous l’influence de révélations de Clémence Ledoux“.
Puis une “escroquerie par le surnaturel” est signalée par les Barnabites de Bruxelles : sous emprise et en lien avec Clémence Ledoux, une donatrice verse un million de francs or à sa congrégation : “en 1928 encore, se produit « une escroquerie par le surnaturel », selon l’expression que le cardinal Liénart va employer plus tard. C’est « un tournant », c’est un exemple important et grave des habitudes d’emprise de Clémence Ledoux – « Je suis chargée par le Seigneur de vous dire… » – qui va compter pour le nouvel évêque de Lille, Mgr Liénart. En novembre, il reçoit une lettre du père Schot, supérieur des Barnabites de Bruxelles, dans laquelle il décrit Clémence Ledoux comme une « voyante fort surprenante » de Tourcoing dont les révélations auraient été authentifiées par une commission d’ecclésiastiques. Or, il n’en est rien. Il s’inquiète du fait que la fondatrice-directrice de l’Œuvre de l’Enfant Jésus à Bruxelles, promue par sa congrégation, ait cédé sous l’influence de Clémence Ledoux : en un seul semestre, la somme d’un million de francs fut donnée aux Réparatrices du Sacré-Cœur. Le père Schot parle dans sa lettre des liens entre la directrice et la mère Marie du Calvaire qui a des entretiens réguliers avec le Christ lui-même“.
Dans ses rapports, le cardinal Liénart donne d’autres faits inquiétants :
- À plusieurs reprises, quand la communauté avait besoin d’argent pour agrandir le couvent ou bâtir la chapelle, elle apporta mystérieusement les sommes nécessaires en déclarant les avoir reçues de son ange. Elle envoya même une fois au cardinal Liénart un don de 10 000 francs pour le séminaire, en disant l’avoir reçu de cette manière.
- Le cardinal Liénart indique dans son rapport que la communauté étant en formation, elle prétendait recevoir de son ange des ordres pour l’achat d’immeubles voisins, pour le plan des constructions, pour les modifications du costume des sœurs, pour l’emploi de leur temps, pour les conférences des novices, les formules de prières spéciales et même la composition de
chants religieux. - Elle réclamait de toutes les sœurs une obéissance absolue, mais il n’y avait, pour régir la maison, aucune loi établie et l’obéissance consistait à se soumettre en toutes choses à ses ordres. Aucune autre influence ne pouvait s’exercer dans la maison.
- à l’égard de l’évêque et de ses représentants, la mère Marie du Calvaire mettait la communauté en défiance en les présentant comme hostiles ; et les Sœurs étaient à ce point subjuguées par elle qu’elles obéissaient à ses consignes de dissimulation.
- Une autre [donatrice] aidait son neveu dans une œuvre au Maroc et elle l’a détachée de cette œuvre en lui déclarant calomnieusement qu’elle savait par son petit ange que le neveu du Maroc menait une vie de débauches.
- Elle en a gagné d’autres en leur offrant de les renseigner sur le sort de leurs défunts et en leur déclarant : celui-ci est au Ciel, celui-là est au purgatoire, il y a été moins longtemps que tel autre, etc. Un monsieur a été conquis en lui révélant ses péchés cachés, sans songer que la mère Marie du Calvaire, étant en relation étroite avec sa femme, pouvait avoir appris d’elle bien des choses.
Des révélations troublantes et un vrai culte de la personnalité
Il relève, à l’appui de sa démonstration, d’autres faits troublants :
La Sainte Vierge ne manque pas non plus de manifester de grandes délicatesses, parfois avec une surprenante simplicité :
− La multiplication des pains, des légumes, des saucisses… quand le garde-manger est vide. Ces détails sont étonnants.
− La Sainte Vierge lui porte la communion, le Christ aussi. Le père Castelain, heureusement, précise bien : « ce n’est pas une communion régulière, mais comme une faveur supplémentaire du Ciel ». Cependant, arriva un temps où elle ne vint plus à la messe. Que penser de l’attachement normal que doit avoir toute religieuse pour l’Eucharistie ?
− « La Sainte Vierge m’a prise sur ses genoux. » Quelle parole lui est alors donnée ? « Le Seigneur t’a désignée messagère de son Cœur, et confidente de son Fils, pour révéler aux Nations qu’il faut des âmes réparatrices dans tout l’univers. » On note une place importante donnée à l’affectif.
− La Vierge Marie signe « de sa main, avec le sang du Christ » sur le registre des prises d’habit, le nom : Marie du Calvaire ! Comment la Vierge Marie peut-elle signer avec le sang de son Fils Rien ne suggère quelque chose d’approchant dans les évangiles. N’y a-t-il pas, de la part de Clémence Ledoux, un grave détournement du sacré pour son profit, pour la création de son personnage ?
− « La Sainte Vierge m’a dit : ‟Jésus a un perpétuel amour pour toi et pour moi ; et à mon tour, je suis un perpétuel secours pour ta petite âme.” » Que Jésus ait un amour perpétuel pour Clémence Ledoux, semblable à celui qu’il donne pour sa Mère, est compréhensible car il n’y a pas de mesure dans l’amour de Dieu ! Mais n’est-ce pas osé de le dire ainsi, de se mettre au même niveau que la Mère de Dieu, même si elle se décrit comme « petite misère » ?
Le père Marcovits apporte encore d’autres faits troublants :
- des cantiques sur Clémence Ledoux, composés lorsqu’elle était religieuse chez les Réparatrices, ont été encore chantés dans les maisons de la Fraternité de Marie Reine Immaculée
- Des reliques de toutes sortes – dans le sens habituel du terme – de Clémence Ledoux /Mère Marie du Calvaire, ont été conservées de son vivant au couvent de Tourcoing, chez les Réparatrices, puis à Bois-le-Roi, dans la Fraternité de Marie Reine Immaculée, et enfin déposées à Issy-les-Moulineaux, aux Archives de l’Église de France. Ce sont des reliques préparées en vue d’une béatification ou d’une canonisation. Ces reliques sont nombreuses. Ce processus de conservation de reliques a été initié par les sœurs Réparatrices de Tourcoing, signe de l’emprise que Clémence Ledoux / Mère Marie du Calvaire exerçait sur la communauté. On trouve, par exemple, une tresse, référencée comme « reliques faites au temps du couvent ». Pourquoi cette tresse ? Parce que le Seigneur le lui demande.
- Le « Monument aux anges » fait à la demande de Clémence Ledoux pour le couvent des Réparatrices de Tourcoing, représentait les deux anges qui l’accompagnaient ; une place était libre pour elle… lorsqu’elle serait béatifiée.
- Un magnifique buste d’elle est conservé aux Archives de l’Église catholique en France
- Bien des photos ont été gardées où Clémence Ledoux se trouve en prière, en méditation, comme dans certaines images pieuses.
- Depuis son temps à Tourcoing, il y a des photos édifiantes d’elle, très bien composées, comme une nouvelle Jeanne d’Arc, par exemple
De Clémence Ledoux à Pierre-Marie Faye
En révolte ouverte contre son évêque, elle est finalement excommuniée car elle refuse d’obtempérer, mais “Clémence Ledoux s’arrangea pour ne jamais recevoir la notification d’excommunication ferendae sententiae (qui ne devient effective que lorsqu’elle est reçue par la personne : ce qui explique ses dérobades). Clémence Ledoux ne répondit pas aux lettres du cardinal, ni ne voulut recevoir les délégués du cardinal. Elle se réfugie chez sa bienfaitrice, puis chez une amie. Après ces dérobades, Clémence Ledoux ne renonce pas à répandre le culte de Marie Reine Immaculée”, bien que Rome l’interdise.
En fin de compte, elle continue à vivre aux crochets d’une bienfaitrice, puis de son petit fils, qui renonce à devenir prêtre pour suivre Clémence Ledoux. Ce dernier a deux amis séminaristes, qui deviennent prêtres en 1948 – ce sera l’acte de naissance de la nouvelle communauté. Après la proclamation par Pie XII de la fête de la bienheureuse Vierge Marie Reine, en 1954, Clémence Ledoux déménage à Bois le Roi en 1955 – c’est toujours la maison mère de la communauté. La petite communauté anime à partir des années 1950 la famille des Messagers de Marie Immaculée, qui compte en 1986 1200 membres, dont 50 prêtres et 250 religieuses – c’est alors que la FMRI est érigée en association diocésaine cléricale. Pierre-Marie Faye, un des premiers disciples de Marie-Dominique Philippe, vient y prêcher des retraites puis devient en 1989 modérateur général.
Beaucoup de turn-over et encore plus de départs depuis 2011
“La Fraternité grandit et, à partir de 1995, compte environ quatre-vingt-dix membres. Entre 1995 et 2008 près de vingt frères feront leur séminaire à Ars, Rome ou Toulouse, et seront ordonnés prêtres. Des fondations sont créées dans plusieurs villes de France, en Irlande, en Argentine, au Liban. Le premier évêque référent de la Fraternité était Mgr Cornet, évêque de Meaux dont dépend Bois-le-Roi. En 1994, prétextant des incompréhensions épiscopales quant à son charisme et sa manière de vivre en communauté, la Fraternité cherche et obtient son transfert sous l’autorité de l’évêque de Belley-Ars, Mgr Bagnard. En 2009, le même scénario se reproduit et la Fraternité obtient que l’archevêque de Lyon, le cardinal Barbarin, devienne son évêque référent.
Les évêques successifs ont soulevé des questions voire des critiques sur la gouvernance, les statuts de la Fraternité, son charisme et la référence à Clémence Ledoux, le lien avec les diocèses, la formation des prêtres et des sœurs, le mode de vie entre hommes et femmes… En 2011, pour clarifier ces points, l’archevêque de Lyon nomme un commissaire épiscopal. L’ancien modérateur général, retiré en ermite, quitte alors la Fraternité, suivi par une quinzaine de membres”. En 2013 la FMRI ne compte plus qu’une vingtaine de membres et vivote depuis.
“Ces chiffres s’accompagnent d’un roulement important :
– L’accroissement de 66 membres entre début 1986 et fin 1996 correspond à 107 arrivées et 41 départs.
– L’accroissement de 13 membres entre fin 1996 et fin 2010 correspond à 71 arrivées et 58 départs.
On entre facilement dans la Fraternité et on est appelé à renouveler chaque année ses promesses. On sort facilement et certains ne restent que très peu de temps“.