D’après un livre-enquete sur l’abbé Pierre des journalistes Marie-France Etchegoin et Laetitia Cherel, qui ont eu accès aux archives du Vatican, le Saint-Siège était au courant des agissements de l’abbé Pierre depuis 1955.
« Dès l’automne 1955, non seulement le haut clergé français connaissait la face noire et la dangerosité de l’abbé Pierre mais le Saint-Siège aussi », écrivent les deux journalistes. «
Les deux journalistes s’appuient sur le compte-rendu d’une réunion plénière de la Suprême congrégation du Saint-Office, sur le cas de l’abbé Pierre, le 18 mars 1957, qui se trouve dans les archives du dicastère pour la doctrine de la foi. Ce « document de dix pages dresse la chronologie des agissements sexuels de l’abbé Pierre de 1955 à 1957, détaille les courriers d’alerte des cardinaux américain et canadien en 1955, et les décisions du Saint-Office« , précisent les auteures. Le document rapporte que Paul-Émile Léger, l’archevêque de Montréal, ville où l’abbé Pierre s’est rendu en mai 1955, a eu connaissance des « accusations d’immoralité » à l’encontre du prêtre.
En 1958 c’est en pleine connaissance de cause que le cardinal Feltin demandait au ministère de l’intérieur de l’époque de ne pas décorer l’abbé Pierre, qu’il qualifiait de « grand malade« .
Mais comme pour Betharram, les responsabilités du gâchis sont partagées avec l’État – la personnalité de l’abbé Pierre, déjà figure de la lutte contre le mal-logement d’après guerre et héros de la Résistance ont fait échec à la justice canonique, voire celle des hommes, aussi bien que l’éclipse du droit canonique pendant le Concile et jusqu’aux années 1990-2000.