Les réactions se multiplient quant à la décision de Mgr Kerimel de nommer comme chancelier du diocèse de Toulouse l’abbé Spina, condamné à de la prison ferme pour viol sur mineur il y a 30 ans, alors qu’il était dans le diocèse de Bayonne, et les piteuses tentatives de l’archevêque toulousain de justifier son choix.
Dans les colonnes de la Croix, Mélanie Debrabant Présidente de l’association Fraternité Victimes, s’interroge sur le suivi des prêtres condamnés pour abus par la justice canonique ou civile et qui ne quittent pas l’état clérical. La question est pertinente – certains diocèses ou communautés exfiltrent ces prêtres, qui sont maintenus dans des aumôneries ou des emplois loin des regards le temps que s’achèvent les mesures judiciaires complémentaires d’interdiction de contact avec les mineurs ou les mesures canoniques les visant.
L’ex-doyen de Vendôme (diocèse de Blois), mis en cause pour agression sexuelle, a été interdit d’exercer un ministère pastoral pendant dix ans par le TPCN. Selon nos informations il a été « recasé comme bibliothécaire » dans un diocèse voisin. Un curé du diocèse de Nîmes qui se faisait passer pour des adolescents sur les réseaux sociaux afin d’obtenir des photos dénudées d’adolescents, condamné en 2021 à trois ans de prison dont 18 mois de sursis probatoire, a été recasé dans le sanctuaire de Rochefort du Gard, où le Vendredi saint 2022 un collectif a collé des affiches remettant en cause la gestion de ce prêtre par le diocèse de Nîmes, qui a du réagir. On nous précise qu’il n’a été au sanctuaire que dans l’attente de son jugement ; il s’est reconverti dans la photographie – le nom de l’entreprise, Deodatus, est hors de tout soupçon. De son temps, Mgr Santier a transporté avec lui, d’abord à Luçon puis à Créteil, un prêtre de sa communauté Réjouis Toi qui avait été condamné à deux reprises, en 2003 et 2013, pour abus sur mineurs. L’ex curé de Rocamadour, l’abbé de Gouvello (diocèse de Cahors), condamné à cinq ans d’interdiction de confession et d’accompagnement spirituel des femmes en 2024, a été recasé dans une aumônerie d’hôpital dans l’agglomération de Bordeaux.
La situation est assez semblable en matière d’abus spirituels, quand ils restent dans l’état clérical. Ainsi, l’ex exorciste du diocèse de Lyon l’abbé Emmanuel Dumont, mis en cause pour emprise, a été condamné à des sanctions canoniques échues fin avril 2025. Il vient d’être à nouveau mis à disposition du diocèse d’Autun où il est présent depuis plusieurs années. A Perpignan, les deux fondateurs de la communauté de la Croix Glorieuse ont été écartés après deux enquêtes canoniques en 2002-2003 qui ont mis au jour des abus spirituels, des membres retenus de vive force – une religieuse enfermée pour qu’elle renonce à partir avait même fui une communauté à Toulouse par la fenêtre, des départs massifs, etc. Ce qui n’a pas empêché un des fondateurs d’être toujours prêtre, dans le diocèse du Havre…
« Dans une récente tribune, Juliette Gaté estimait infondé le scandale suscité par la nomination de l’abbé Spina au titre de chancelier. Rappelons les faits : cet homme a été reconnu coupable de viols durant deux ans sur un adolescent. Au moment du procès, les experts notaient chez lui une absence de sentiment de culpabilité et une structure de personnalité perverse. Il n’a pas reconnu les faits et a cherché au contraire à dénigrer sa victime. Il a été nommé curé dès 2009, soit deux ans après sa sortie de prison. Ce n’est que devant le scandale public, grâce au travail des journalistes, qu’il a démissionné de cette charge en 2016.
Dans ce contexte, peut-on vraiment parler « d’épuration drastique » lorsqu’il s’agit d’éviter que cet homme soit nommé à un poste pour lequel le code de droit canonique lui-même requiert d’avoir une réputation intacte ? La « quête de perfection » est sans doute « illusoire », mais en l’occurrence nous pouvons – tout de même ! – oser espérer un meilleur candidat, avec une réputation moins criminelle.
Que faire des prêtres condamnés ?
Cette affaire souligne à quel point le sort des prêtres auteurs de violences sexuelles est une question délicate. Que faire de ces hommes, notamment lorsqu’ils ne sont pas renvoyés de l’état clérical ? Ce sujet n’est pas nouveau. La commission Christnacht s’y intéresse depuis 2016. En 2021, la première recommandation de la Ciase était de « veiller à ce que les personnes convaincues d’agression ou d’atteinte sexuelle sur mineur ou personne vulnérable fassent dans la durée l’objet d’une prise en charge par des professionnels de santé ». Le premier enjeu est de trouver ces soignants qualifiés, compétents et formés. Le deuxième est celui de la durée : qui décide de la fin d’une prise en charge ? Que faire lorsque le principal concerné interrompt son suivi sans concertation ?
Le rapport de la Ciase demandait aussi de « s’assurer que toute personne ayant été mise en cause dans une affaire d’agression ou d’atteinte sexuelle sur mineur ou personne vulnérable ne puisse pas accéder à des enfants, des adolescents ou des personnes vulnérables dans le cadre d’une mission d’Église ». On le comprend, l’objectif est de protéger d’éventuelles cibles. Est-ce réaliste ? Le taux de récidive des pédocriminels est élevé : de 10 à 40 %, selon un des groupes de travail à Lourdes, en mars 2025.
Si l’on admet que ces prêtres sont à tenir à distance d’éventuelles cibles, qui les surveillera ?
Quelle mission confier à ces hommes ? Le père Patrick Goujon témoignait récemment dans La Croix avoir été agressé dans les années 1980 par l’archiviste du diocèse, nommé à ce poste justement à la suite de plaintes. Certains de ces prêtres sont nommés aumôniers de religieuses. D’une part, les couvents sont souvent des lieux de retraite et de passage, non sans risque. D’autre part, ces femmes qui ont donné leur vie ne méritent-elles pas mieux ? Nous pouvons en tout cas souhaiter que ces consacrées soient averties et libres d’accepter – ou non – cet aumônier ; aujourd’hui encore, c’est loin d’être toujours le cas.
Autre interrogation : si l’on admet que ces prêtres sont à tenir à distance d’éventuelles cibles, qui les surveillera ? Peut-on demander à un curé d’espionner son vicaire ? L’institution ecclésiale a-t-elle les moyens de cette surveillance, quand même l’État disposant de police et de gendarmerie n’y parvient pas ?
Enfin, on ne peut faire croire que la problématique de la réinsertion des prêtres agresseurs tienne en cette seule alternative : chancelier ou mort sociale. Mgr Giraud, unique évêque à avoir réagi publiquement à ce jour, ébauchait dans une interview à La Vie une troisième voie bien plus intéressante : « Je ne vois pas pourquoi un prêtre ayant purgé sa peine ne pourrait pas prendre un emploi ordinaire comme tout citoyen. » Cela n’empêcherait nullement une vie fraternelle avec d’autres prêtres, un soutien humain et spirituel, la célébration de la messe en privé s’il en a le droit… Soyons clairs : il n’est pas question de refuser au père Spina de poursuivre son « chemin de vie ». Il est plutôt question de décence, de compassion et de cohérence.
La priorité, œuvrer à la réparation des victimes
Car on ne peut pas parler de la réinsertion des agresseurs sans avoir d’abord tout fait pour la réparation de leurs victimes. Ces prêtres sont logés, salariés, accompagnés, soutenus pour leurs frais juridiques et médicaux. Comment accepter qu’un prêtre agresseur, même s’il a purgé sa peine, puisse être mieux traité qu’une personne victime qui, elle, en paiera le prix toute sa vie ?
Bien sûr, il y a eu des avancées ces dernières années, c’est indéniable. On peut citer la commission Sauvé, la mise en place des instances de réparation ou la création du Tribunal pénal canonique national. Le sujet des abus spirituels émerge (trop) progressivement.
Et pourtant, notre expérience auprès des personnes victimes témoigne encore de nombreuses insuffisances et incompétences. Aujourd’hui, bien des personnes victimes sont maltraitées, ignorées et réduites au silence. Elles font face à différents interlocuteurs et doivent répéter à chaque fois leur vécu, ce qui peut les mettre en danger. Leur souffrance est négligée, voire tournée en dérision par certains responsables. Des personnes vulnérables contactant une cellule d’écoute pour raconter les crimes subis ne se voient pas conseiller d’avocat. Personne ne les rappelle pour prendre des nouvelles.
Aide financière
Malgré le motu proprio Vos estis lux mundi du pape François, nous ne connaissons personne ayant bénéficié d’une aide financière pour ses frais psychologiques. Il n’existe pas de consultation spécialisée en psychotraumatisme, dédiée et financée par l’institution. Les personnes victimes sont laissées seules ; charge à elles de trouver des soignants compétents et disponibles, et de payer leur prise en charge. Les procédures canoniques restent opaques, laissant régulièrement la personne victime dans l’ignorance du processus, de ses conclusions et des éventuelles sanctions.
Aujourd’hui, différentes associations aident davantage les personnes victimes que l’Église ne le fait. Ne serait-il pas enfin temps pour l’institution de prendre résolument le parti de la Miséricorde : celle qui se tient à genoux devant ces vies brisées et qui fait tout son possible pour réparer ?
Tout prêtre condamné pour les abus avérés doit être réduit à l’état laïc, point!!!
Je suis écoeuré, à qui faire confiance. Je me pose une question, qui pourra me répondre ? Les sacrements prodigués par ces personnes sont-ils valables au regard de Dieu et à celui de l’Église? J’ai vu un jour un jeune prêtre se prêter à un jeu équivoque avec une adolescente. Je lui ai fait une remarque. Il a rougi et est parti. Sur le moment, j’ai regretté mon geste. Aujourd’hui, au vu de ce qui se passe. je ne le regrette plus.
Je me contente de relever ce qui concerne le prêtre de Nîmes. Il n’a été au Sanctuaire de Rochefort du Gard qu’en attente de son jugement (et sans aucun ministère).
Aujourd’hui il a accompli sa peine et n’a pas à être inquiété pour une histoire réglée.
Dans certains cas, le fait de nommer à un poste important au hasard chancelier de diocèse un individu ayant « des casseroles aux fesses: » permet de s assurer de sa fidélité. Les dites casseroles etant bien entendu un moyen de pression.
J ai souvent vu ce genre de choses en politique.
En ce qui me concerne c’est une tempête qui n’a pas lieu d’être. On braque le regard sur ce prêtre, parce qu’il est prêtre. Mais qu’en est-il en général de l’avenir des condamnés? Fait-on les gorges chaudes de l’emploi de chaque violeur condamné ? Le travail serait ardu, tant ils sont nombreux. L’Eglise n’a pas à se substituer à l’Etat et personne n’a à se substituer à la Justice. On ne condamne personne à la mort civile, encore moins les tricoteuses et poissonnières bien-pensantes.
La question à se poser est celle du risque. Ici le risque est nul. On monte en épingle une « promotion » qui n’est qu’un titre, avec une fonction peu avenante mais restant obligatoire à pourvoir. Et quand on est en pénurie de « personnel » on nomme à ces postes – ce n’est pas nouveau! – des profils moins consensuels que pour d’autres postes bien plus sensibles.
Enfin il faut quand même regarder le fond et je sais que je vais choquer mais le côté autruche n’est pas mon genre. Il y a eu « viol » parce que la victime était jeune, trop jeune. Mais la condamnation aurait été bien plus lourde s’il n’y avait pas eu une forme de consentement avéré. Ce sont les « circonstances atténuantes » dûment prises en compte dans la condamnation. La Justice a su temporiser une situation certes inadmissible mais qui n’a pas la gravité qu’on cherche à lui donner. Situation qui plus est qui a trente ans.
Pour des gens qui prêchent la miséricorde, vous êtes bien prompt à la lapidation. Mgr de Kerimel a totalement raison dans son jugement, ses collègues jouent les pharisiens à hurler avec les loups. On voit que le consensuel Moulins a été remplacé. Ça n’a vraiment pas traîné.
Et pour l’anecdote Ameline ÉTAIT bien en Cour. La Raison semblant etre revenue au Trône de Pierre, on peut croire qu’il sera remisé dans sa chapelle dont il n’aurait jamais dû sortir.
Plusieurs remarques
– je ne pensais pas qu’on trouverait ici quelqu’un qui trouve des excuses à un violeur
– il est apparu que la victime a d’abord été agressée à Betharram par un prédateur patenté, qui s’est donné la mort en 2000 (l’abbé Silviet Carricart) qui l’a ensuite mis dans les mains de Spina, alors responsable des vocations dans le diocèse de Bayonne.
– personne ne crie à la mort sociale lorsqu’un professeur ou un animateur périscolaire condamné pour viol sur mineur est condamné à une interdiction définitive d’exercer des activités en contact avec des mineurs, même à titre bénévole.
– l’abbé Spina a été recasé de Bayonne sur Toulouse, et remis en responsabilité à une époque plus permissive, et où le traumatisme à vie des victimes était nié. Époque pas si lointaine d’ailleurs.
– Il aurait dû être renvoyé de l’état clérical. Il n’est pas trop tard pour bien faire (ou qu’il écrive lui même à Léon XIV pour demander à être relevé de ses vœux).
– le diocèse de Toulouse n’est pas en pénurie de personnel et il peut s’appuyer en outre sur les compétences d’une des facultés catholiques les plus réputées du pays – faculté avec laquelle Mgr de Kerimel a engagé un bras de fer plutôt que d’avoir des relations courtoises, mais c’est son problème – et peut être celui d’un futur visiteur apostolique.
– le risque n’est pas nul. Le père Goujon avait expliqué ce qui s’était passé à Verdun avec un curé qui avait été chargé des archives plutôt que d’être renvoyé de l’état clérical – cette époque de laxisme ecclésiastique, d’éclipse du droit canonique, l’Eglise continue d’en subir les conséquences aujourd’hui et les victimes d’en être blessées à vie.
– vos considérations sur le consentement de la victime sont abjectes et ne méritent aucun commentaire, néanmoins elles sont révélatrices d’un certain état d’esprit… Elles discréditent évidemment les leçons de morale que vous vous permettez de donner.
L’idée de mettre le P.Spina à la chancellerie du diocèse de Toulouse n’est pas mauvaise : qu’il fasse le travail mais sans le titre. Car le chancelier siège auprés de l’évêque dans les cérémonies comme le vicaire général. Mgr de Kerimel peut fort bien nommer un laïc chancelier et Spina secretaire de la chancellerie.
Toulouse manque de prêtres à ce point qu’il faille absolument qu’un prêtre condamné pour viol s’occupe d’affaires canoniques et des archives ?!
Tout sacrement administré par un Prêtre, même en état de péché mortel le plus gravissime, est valide, car le Prêtre n’est qu’un instrument, il agit à la place du Christ in persona Christi. La seule limitation à la réception de la grâce est la disposition de celui qui reçoit le sacrement (il ne sert à rien de communier en état de péché mortel…, on reçoit le Christ mais aucune grâce).
Bien sûr, recevoir un sacrement d’un saint permet plus de grâces, non du sacrement lui-même (ex opere operato disent les théologiens), mais par les prières et la sainteté du ministre (ex opere operantis): communier à la Messe du saint Padre Pio ou de saint Jean-Paul II.
Ça c’est un peu trop simple !! En tout état de cause je refuse de recevoir un sacrement des mains de l’un de ceux dont je connaîtrai l’état gravissime. Par exemple il est hors de question de recevoir la sainte communion des mains sacrilèges d’un certain recteur de Cathédrale fusse t-elle métropolitaine….
C est l honneur de RC d être intransigeant sur les abus sexuels du clergé. J ai du mal a comprendre la mansuetude pour les coupables dans un pays ou des inocents paient tous les jours et parfois de leur vie le laxisme judiciaire. Les abus sexuels de certains clercs ne cesseront que si ils ont peur des sanctions. Donc il ne faut pas les recaser.