Le bulletin hebdomadaire des Veilleurs de Paris, mi-décembre, s’intéresse aux attaques motivées par un souci d’art contemporain pour défigurer la cathédrale Notre-Dame de Paris, déjà éprouvée par l’incendie.. Le nouvel autel issu de la réforme Paul VI a été pulvérisé par l’effondrement de la flèche.
Les tribulations de Notre-Dame de Paris sont comme une parabole de la réforme liturgique. Cette réflexion m’est venue cette semaine, alors que je rejoignais les veilleurs, rue du Cloître-Notre-Dame. L’archevêque de Paris et le Président de la République, main dans la main, veulent à toute force que l’édifice martyrisé par l’incendie soit aggiornamenté.
Il a d’abord été question de remplacer la flèche de Viollet-le-Duc par un abominable machin qui aurait montré au monde, forcément baba d’admiration, que la vieille cathédrale savait s’adapter à notre temps, projet qui a fait long feu, c’est le cas de le dire. Puis on a décidé que les chapelles latérales seraient décorées selon un goût que je qualifierais poliment de toilettes. Puis on a commandé la conception d’une sorte de cinéma permanent qui affichera sur les piliers, en toutes les langues, des pensées accessibles aux hommes de notre temps. Puis on a dévoilé l’aspect du nouveau mobilier conçu par le designer Guillaume Bardet (on vous dit pas le prix !), nouvel autel, ambon, baptistère à l’entrée (on ne parle plus de bénitier, car le covid est passé par là), cathèdre de l’archevêque, tabernacle, le clou étant une nouvelle châsse pour l’insigne relique de la Couronne d’épines du Christ, sauvée de l’incendie par l’abbé Fournier, alors aumônier des pompiers, nouvelle châsse qui va ressembler à une immense cible pour tir aux fléchettes, conçue par le designer Sylvain Dubuisson (Chaises, autel, baptistère… À quoi ressemblera le nouveau mobilier de Notre-Dame de Paris ? | Actu Paris).
Et enfin, voilà la dernière : pour que la cathédrale soit immergée dans le temps présent, le Président et l’Archevêque se sont mis d’accord pour remplacer les vitraux de Viollet-le-Duc qui éclairaient les chapelles latérales et ont pu être récupérés – des grisailles Viollet-le-Duc, d’accord, mais de très bon goût –, par des vitraux contemporains – genre si-tu-ne-m’as-pas-vu-c’est-
Pour le coup, c’était trop fort. Les « traditionalistes » partisans de l’ancienne cathédrale, comme nous le sommes de l’ancienne liturgie, ont fait entendre leur voix : La Tribune de l’Art de Didier Rykner a crié au scandale et à l’illégalité (les vitraux qu’on va mettre au rencart sont immeuble par destination, lequel immeuble est évidemment classé monument historique) : l’installation des anciens vitraux dans le Musée de l’œuvre « est profondément grotesque » (Notre-Dame : le Musée de l’Œuvre en bonne voie, les vitraux de Viollet-le-Duc menacés – La Tribune de l’Art (latribunedelart.com)). Dans Le Journal du Dimanche (article du 14 décembre), le même Rykner parle de « vandalisme ».
Et Le Salon Beige relaie la réaction de Marc Alibert, architecte honoraire des Bâtiments de France, sur Le Boulevard Voltaire, expliquant que le fond du débat entre anciens et modernes est ici religieux : « Les vitraux ont toujours été le catéchisme des pauvres jusqu’au XIXe siècle, puis l’abstraction est arrivée, avec une perte progressive de la foi. […] Comme l’écrivait très justement Laurent Dandrieu, “ce qui frappe le plus dans l’art contemporain, c’est le décalage permanent entre la pauvreté du geste et la suffisance du discours” ».
La Tribune de l’Art notait que notre époque a déjà suffisamment marqué Notre-Dame par l’incendie, sans qu’il soit besoin d’en rajouter. Je dirais pour ma part que ce signe manifeste du ciel qui nous a été donné, celui de l’Église qui brûle au milieu de la Cité, a été renforcé au maximum par le fait que la flèche en s’effondrant avec un déluge de plomb fondu a pulvérisé l’autel, non pas le vieil autel majeur de la cathédrale qui est resté intact, mais l’autel face au peuple de Jean-Marie Lustiger. L’autel de la réforme de Paul VI écrasé.
Le bon peuple a d’ailleurs réagi, comme il le fait contre la liturgie nouvelle que lui imposent les clercs : sa réaction immédiate a fait enterrer le projet de flèche nouvelle, et la semaine dernière une pétition contre le projet des vitraux nouveaux a immédiatement recueilli des dizaines de milliers de signatures.
Dans nos chapelets de veille, nous prions pratiquement à l’ombre de Notre-Dame, devant les bureaux de l’archevêché, 10 rue du Cloître-Notre-Dame, du lundi au vendredi, de 13h à 13h 30, à quoi s’ajoutent les chapelets à Saint-Georges de La Villette, le mercredi à 17h, et devant Notre-Dame du Travail, le dimanche à 18h. Comme les défenseurs des anciens vitraux, nous défendrons jusqu’au bout la messe selon l’usus antiquior”.
Bonjour,
Je trouve votre article complexe à analyser ; il y a plusieurs choses qui me dérangent.
Je trouve que votre vision de l’architecture est quelque peu paradoxale. En totale contradiction avec la modernisation de la cathédrale, il ne faut pas oublier que cette cathédrale gothique moderne (avant l’incendie) a probablement suscité de nombreuses critiques à l’époque des travaux sur la cathédrale romane. La cathédrale gothique moderne (avant l’incendie) était déjà un assemblage architectural, ce qui, à mes yeux, lui donnait toute sa valeur patrimoniale.
Dans un second temps, je suis quelque peu perplexe quant aux commentaires de l’Église catholique. Soit on parle d’un bâtiment patrimonial français, et dans ce cas, je ne comprends pas pourquoi l’Église aurait un avis prépondérant (ce qui est le cas, d’un point de vue juridique). Soit c’est un bâtiment religieux, auquel cas, je ne comprendrais pas le financement de l’Église par l’État au nom de la loi du 9 décembre 1905.
Je trouve votre avis très intéressant ; je suis toujours pour le débat et l’échange, mais je trouve votre positionnement presque insultant : “le bon peuple”, sous-entendant que celui qui ne pense pas comme vous serait un “mauvais peuple”.
Très respectueusement,
Maxime THIMON
J’ai fait un don tout de suite après l’ncendie.
Relancé par la Fondation de France pour un nouvel apport, j’ai refusé après avoir pris connaissance des changements iconoclastes envisagés
A défaut de laisser une marque positive dans l’histoire de France, Macron veut laisser sa marque – quoi qu’il en coûte ! – dans la défiguration d’un de nos monuments majeurs, si lié charnellement et symboliquement à cette histoire de France.
Je propose qu’on remplace le grand orgue par un turlusiphon, très bel instrument de musique prisé par les Schrumpfs dont la couleur bleue est déjà adoptée par les choristes de la cathédrale, et les prêtres officiants par des systèmes employant l’intelligence artificielle. Là, on pourra dire que nous vivons le futur par anticipation. Quant à la réaction de M. Marc Alibert qui en est encore à croire que les vitraux ont été autrefois le “catéchisme des pauvres”, elle est symptomatique d’une certaine inculture : je mets n’importe qui au défit de dire ce que représentent les vitraux anciens dont le but n’était pas d’enseigner mais de magnifier la lumière symbole chrétien du Christ.