Nous avions abordé dans nos colonnes la problématique des agressions sexuelles entre enfants – parfois très jeunes, dès la maternelle ou le primaire – dans l’enseignement, qu’il soit privé ou public. Généralement, victimes, comme parents de victimes, comme parents d’autres enfants voire chefs d’établissement sont bien seuls face à cette problématique qui prend de l’ampleur depuis cinq ans, quel que soit le type de l’établissement et son implantation, en ville comme à la campagne.
Ouest-France publie un cas pratique, celui de l’école Sainte-Famille de la Roche sur Yon (Vendée) où des parents ont dénoncé en septembre dernier l’agression sexuelle de leur fillette par trois autres élèves en maternelle, le parquet a classé du fait de l’âge des enfants, et malgré les assurances données tant par l’évêque qu’un adjoint du secrétaire général de l’enseignement supérieur, l’école refuse mordicus de déplacer les enfants agresseurs dans une autre classe, et c’est maintenant la famille de la victime qui se sent poussée dehors…
Ouest France rétablit l’historique de l’affaire :
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Le 7 octobre, une mère d’élève contacte l’école Sainte-Famille après avoir recueilli les confidences de sa fille. Elle dénonce l’agression de son enfant, dans la cour de récréation, par trois autres élèves de maternelles (moins de 6 ans), qui ont baissé sa culotte et commis des attouchements.
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Le soir même, la cheffe d’établissement rappelle la famille. L’enseignante a été informée immédiatement de la situation et le lendemain, chaque enfant a été reçu individuellement pour rappeler les règles d’intimité et de respect. Des entretiens avec les parents des trois enfants ont aussi été organisés.
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Réponse insuffisante aux yeux du couple qui réclame le changement de classe immédiat des trois enfants qui partagent la même classe que leur fille.
- Le 13 octobre, la directrice de l’école saisit la CRIP, la Cellule de recueil des informations préoccupantes, gérée par le Département de la Vendée. Le même jour, le couple dépose plainte au commissariat pour viol sur mineure et effectue un signalement à la procureure de la République de La Roche-sur-Yon. Deux enquêtes sont alors ouvertes : l’une sociale, l’autre pénale.
- Mgr Jacolin, évêque de Luçon sur le départ, s’engage auprès des parents pour que les trois enfants soient changés de classe
- De son côté, le parquet classe l’affaire sans suite – les parents refusent que leur fille soit entendue, et les circonstances sont insuffisamment établies pour la justice pénale
- au retour des vacances scolaires, la direction de l’école refuse de changer les trois enfants de classe. Cela se justifie par la nécessité de préserver l’équilibre psychologique d’enfants très jeunes et d’éviter leur stigmatisation, affirme l’école
- l’affaire commence à dépasser les murs de l’école, qui se fend d’un mail à destination des parents : » Vous avez peut-être eu écho d’une situation complexe qui s’est passée à l’école début octobre […] Tous les services spécialisés ont été sollicités et consultés… ». Seulement, il inquiète plus qu’il ne rassure, donc nouveau mail pour indiquer, sans langue de buis, que « quatre enfants de maternelle » et aucun adulte n’est impliqué
- l’avocat du couple met en demeure l’école de changer les trois élèves de classe. Selon le courrier de Me Balthasar van Roosendaal, la CRIP n’a pas été saisie par l’établissement, mais par le médecin ayant examiné l’enfant et la direction n’a procédé au signalement au procureur de la République qu’à la demande expresse des parents . Il réclame aussi l’organisation d’une rencontre entre tous les parents et la mise en place d’une protection renforcée.
- le 13 novembre un adjoint du SGEC, Stéphane Gouraud, s’engage auprès des parents à ce que les enfants soient changés de classe et une médiation organisée. Mais une fois de plus l’école refuse de changer les élèves de classe
- Finalement l’affaire arrive dans la presse régionale, tandis que la directrice de l’établissement se met en arrêt maladie.
Pour empêcher ceux qui se sont engagés – l’évêque Mgr Jacolin et l’adjoint du SGEC – d’appliquer le changement de classe des élèves auteurs de l’agression, il a été dit, selon Ouest-France :
- que Mgr Jacolin, sur le départ, « n’avait pas tous les éléments » et « a cru bien faire »
- que l’adjoint au SGEC « ne s’est pas renseigné avant de répondre aux parents. Il n’est pas professionnel de la petite enfance. Aujourd’hui, il s’est déjugé« , selon l’école.
Dans l’enseignement catholique, le poignant problème des responsabilités
Concrètement, « cette affaire révèle ce que nous avons constaté au bout d’une heure de réunion avec le SGEC le 22 novembre dernier : dans l’enseignement catholique, les responsabilités sont diluées, le SGEC ne peut imposer ses décisions aux myriades d’associations des écoles (OGEC etc.) et des tutelles, personne n’est responsable de ses paroles, ni de ses actes, et les familles comme les élèves sont abandonnés s’ils se plaignent », constate le collectif des Victimes de Saint-Stanislas de Nantes. « Dans cette affaire c’est particulièrement grave, même la parole de l’évêque a été minimisée et ignorée« .
« Dans ces conditions, il apparaît compliqué de vouloir (re)faire de l’enseignement catholique une maison sûre, et éviter la reproduction des erreurs du passé. Dans le même temps la problématique des abus sexuels entre élèves, dès le plus jeune âge, ne fait que prendre de l’ampleur et faire l’autruche ne règlera pas le problème. Il faut que l’enseignement catholique se saisissent de ce problème et proposent un cadre clair et de bon sens pour les victimes, leurs familles, les chefs d’établissement et les directions diocésaines de l’enseignement catholique, bien démunis une fois que le mal est fait… »
