Devant des victimes d’abus récemment reçues à la CEF, Mgr le Stang, évêque d’Amiens, nouveau chef du CPLP, la cellule de la CEF de prévention de la pédophilie, s’est laissé dire que « rien ne s’est passé » (en matière d’abus ou de comportements problématiques) dans l’enseignement diocésain d’Amiens, et qu’il avait vérifié. Si rien n’est effectivement sorti, Mgr le Stang gagnerait à lire ou relire Riposte Catholique : nous abordions alors, comme la presse locale, le témoignage d’un professeur d’EPS du collège saint Riquier – ex petit séminaire et navire amiral de l’enseignement catholique local, qui avait alerté courant 2023 au sujet de l’alcoolisme de ses collègues professeurs lors d’un voyage scolaire (!) et de pratiques très malsaines apparentées au viol.
Que s’est il passé ?
Rien, ou pire – le lanceur d’alerte a été muté, lui : » En juillet 2024, une notification s’affiche sur son téléphone : il est muté dans un autre établissement d’Amiens. « On m’a retiré moi, plutôt que les autres. Je trouve que c’est une totale injustice, déplore Michaël Richard. C’est sans doute plus facile de muter une personne que quatre. Mais je n’ai plus d’heures supplémentaires, donc je perds 400€ de salaire. Je me projetais à Saint-Riquier, je voulais continuer là-bas. Je me sens humilié. » Pour lui, il aurait été plus juste que ses collègues soient mutés ».
Et rien ne permet aux parents d’élèves de s’assurer que les pratiques très malsaines visées par le signalement n’aient pas continué.
Mgr le Stang en mars 2024 sur les abus : « quiconque dit de taire le sujet devra en rendre compte devant Dieu«
Mgr le Stang est évêque d’Amiens depuis 2021, donc est certainement au courant. Avant, il a assuré diverses fonctions dans le diocèse de Quimper – où de nombreuses affaires d’abus et de violences ont eu lieu dans l’enseignement catholique (Likes, Saint-Pierre de Relecq-Kerhuon, Kreisker, école de Treffiagat, école des frères de Saint-Gabriel à Loctudy, petits séminaires etc), et où les archives de 27 prêtres problématiques ont été purgées. Il y a été vicaire général de 2009 à 2012.
En mars 2024, il appelait à ne pas tourner la page des abus : « Quiconque dit de taire le sujet devra en rendre compte devant Dieu. Ce que vous avez fait au plus petit d’entre mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. Souviens-toi, fais mémoire, pour préserver ton avenir ! Et dans l’Église, où en est-on ? Pas de leçon de morale à donner, tout le monde connaît le rapport de la CIASE désormais, au moins de nom, rapport qui a fait école ailleurs, du reste, c’est tant mieux. Grâce à une mobilisation de beaucoup de baptisés, ce rapport a été pris au sérieux, repoussant les tentatives de le faire passer par pertes et profits […] Tout cela est encourageant. Il y a des résistances, parfois réflexes, parfois volontaires, y compris d’acteurs ecclésiaux, ne le cachons pas. Le sujet fait peur à certains« .
Quand un prédécesseur de Mgr Leborgne à Amiens couvrait et défendait les auteurs d’abus
Un de ses prédécesseurs au siège d’Amiens, Mgr Jacques Noyer (1987-2003), avait été professeur en 1952-1963 au collège Haffreingue à Boulogne – dans le diocèse voisin d’Arras – où des anciens élèves témoignent désormais de faits d’attouchements et de violences, des années 1956 à 1990.
Mgr Noyer est notamment resté à la postérité pour avoir défendu au tribunal le fondateur de ce qui ne s’appelait pas encore les Bénédictins de Notre-Dame d’l’Espérance (à l’époque congrégation des moines bénédictins d’Arles, basée au prieuré du Bouchaud), près d’Arles, Auguste Woestelandt, jugé en 2003 pour avoir avec un laïc violé en 1996-97 un jeune majeur épileptique qui était postulant dans leur communauté, et condamné à douze ans de prison ferme.
Il n’a ensuite guère été actif pour s’occuper du cas du père Gotoghian, finalement renvoyé de l’état laïc en 2016 sous son successeur Mgr Leborgne (2014-2020) pour divers abus sur mineurs commis entre 2002 et 2012, et ce bien qu’il eut été informé en 1998 et 2003 des « problèmes de comportement » dudit prêtre avec les mineurs.