Il se dit qu’après le rapport de la CIASE beaucoup de choses ont été faites pour que les abus de toute nature soient mieux pris en compte dans les établissements scolaires, les personnels qui y travaillent formés et les lanceurs d’alerte écoutés. Il est permis d’en douter en lisant le témoignage d’un professeur d’EPS au collège saint Riquier à Amiens – ancien petit séminaire, qui a tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises sur des faits moins graves, mais qui peuvent avoir de conséquences potentiellement tragiques. A savoir l’usage de l’alcool par ses collègues, avec des jeux très malsains entre eux, lors des séjour au ski organisés par l’établissement. Au lieu de remettre de l’ordre dans les pratiques, c’est le lanceur d’alerte qui a été marginalisé par ses collègues, puis muté dans un autre établissement, où il est depuis en arrêt maladie.
“Choqué par les agissements de ses collègues lors d’un voyage au ski organisé en mars 2023 par son établissement, le collège et lycée Saint-Riquier d’Amiens, il a commencé par alerter sa hiérarchie. Ses rapports avec ses collègues se sont logiquement dégradés. Il a finalement été muté dans un autre établissement en juillet 2024, ce qu’il vit “comme une trahison“. Trop éprouvé par la situation, il n’a pas assuré de cours depuis septembre. “Pourtant, j’aime mon métier, je n’étais jamais absent avant“, assure-t-il.
So, témoignage est diffusé in extenso par la presse locale. Quelques extraits : “Michaël Richard commence à exercer dans l’établissement Saint-Riquier en 2018. “C’est un super établissement, au niveau des conditions de travail, c’est le top du top” souligne-t-il. Pourtant, une chose le dérange : lors des séjours au ski organisés chaque année par l’établissement, certains de ses collègues font des soirées où “au niveau de l’alcool, c’est de l’abus pour certains”, explique le professeur.
[…] Lors du même séjour, Michaël Richard est victime du “jeu du chdar” ou “jeu de l’olive” dont les règles sont simples : lorsque quelqu’un se penche en avant, un collègue fait mine de lui mettre un doigt dans l’anus. “Ils le font entre eux depuis que je suis arrivé dans l’établissement, mais savent très bien que je ne veux pas participer. Je me suis senti humilié”, indique-t-il.
L’ambiance se tend, une réunion est organisée entre les six professeurs d’EPS présents parmi les treize encadrants du séjour. Le collègue aux doigts baladeurs aurait commencé par présenter ses excuses à Michaël Richard, puis “lorsque je lui ai répondu que pour moi, il s’agissait d’une agression sexuelle, il s’est mis en colère et m’a menacé”, affirme-t-il. La suite des événements ne sera qu’une lente dégradation de ces rapports déjà tendus.
[…] A l’automne 2023, il décide de parler du séjour au ski à sa cheffe d’établissement. Une décision motivée par l’indignation qu’il ressent, mais pas seulement : “Si un élève était venu à ce moment-là, il aurait vu quoi ? s’interroge Michaël Richard. Soit il n’aurait rien dit, soit il aurait dit à ses parents ‘j’ai vu les profs faire ça’. Et moi, je ne veux pas être associé à cela. Je ne veux pas que dans cinq ans, la gendarmerie vienne taper à ma porte en me demandant si j’étais au ski en 2023.” D’après le professeur, la cheffe d’établissement se montre compréhensive, “remonte les bretelles” de ses collègues, mais les “jeux” gênants continuent. Et surtout, il se sent ostracisé par l’équipe, la situation reste tendue. Il multiplie les signalements d’agissements perçus comme hostiles auprès de la cheffe d’établissement.
Fin mars 2024, il porte plainte auprès du rectorat pour l’agression sexuelle qu’il a subi; le rectorat entend en interne ses collègues. ” En juillet 2024, une notification s’affiche sur son téléphone : il est muté dans un autre établissement d’Amiens. “On m’a retiré moi, plutôt que les autres. Je trouve que c’est une totale injustice, déplore Michaël Richard. C’est sans doute plus facile de muter une personne que quatre. Mais je n’ai plus d’heures supplémentaires, donc je perds 400€ de salaire. Je me projetais à Saint-Riquier, je voulais continuer là-bas. Je me sens humilié.” Pour lui, il aurait été plus juste que ses collègues soient mutés.
Le rectorat assure “qu’il ne s’agit en rien d’une mesure disciplinaire à son encontre : cette décision de mutation a été prise fin 2023-24, dans l’intérêt du service et des élèves, au regard de la situation fortement tendue qui s’était alors instaurée au sein de l’équipe pédagogique.”
Toujours est-il que les rumeurs sur l’absence de Michaël Richard à la rentrée vont bon train au sein des élèves de Saint-Riquier. “Il parait que vous êtes islamiste”, lui envoie un élève via Linkedin, début septembre. “Il y a des rumeurs grave on aimerait vous en informer”, lui envoie un autre élève quelques jours plus tard. “Quand j’ai reçu le premier message, je me suis dit que je n’allais pas réagir si je n’en recevais pas d’autres. Mais j’ai reçu un deuxième message, je veux rétablir la vérité”, indique le professeur“.
Depuis sa mutation dans un nouvel établissement, il est en arrêt maladie. Outre le fait que, visiblement, élèves et parents n’ont pas été informés de son départ et des causes, l’attitude de l’équipe enseignante et de la direction dans cette affaire interroge. Peut-être faut-il étendre les formations des encadrants diocésains à toute personne amenée à travailler au sein des établissements d’enseignement catholiques, et s’assurer qu’effectivement, les pratiques changent et les lanceurs d’alerte soient entendus, sinon le travail conséquent effectué par la CIASE et rendu public il y a trois ans à peine n’aura servi à rien…