Les nuages s’amoncèlent autour de l’établissement du Beau Rameau – le nom depuis 2009 du collège de Bétharram, au coeur de la plus grande affaire d’abus et de violences en France avec plus de 200 plaintes d’anciens élèves. Une première inspection menée par 7 inspecteurs a relevé des « manquements » suite auxquels Elisabeth Borne, ministre de l’éducation nationale, a diligenté une enquête administrative de l’établissement, faisant droit à une demande du député (LFI, Val d’Oise) du 14 février dernier. Par ailleurs le collectif des victimes demande désormais la fermeture de l’établissement.
« Vu les révélations [de l’inspection qui s’est déroulée du 17 au 20 mars dans l’établissement], notamment [le fait] d’empecher les enfants d aller aux toilettes, le collectif des victimes change de ton et demande désormais la fermeture de l’établissement et le départ de son chef d établissement, Romain Clerc« , annonce le collectif de victimes ce 10 avril. Selon nos informations, malgré les démarches d’ouverture du collectif des victimes et son refus d’appeler à la fermeture de l’établissement comme certains anciens élèves et certaines associations d’aide aux victimes, l’établissement et son directeur leur a toujours opposé une fin de non-recevoir, y compris lors des dernières portes ouvertes.
Par ailleurs l’inspection a aussi adressé une « mise en demeure » à l’établissement sommé de se mettre en conformité à courts termes, et relevé les « agissements réguliers et répétés » de « deux enseignants« , notamment « des remarques blessantes et humiliantes », des « moqueries en public« . Le communiqué de presse du ministère sur l’enquête administrative informe au sujet de « des remontées particulièrement inquiétantes nécessitant une enquête complémentaire ». Il s’agit peut-être, selon des extraits du rapport publiés par la presse locale, de « deux situations d’agression sexuelle en 2024 portées à la connaissance des inspecteurs« , l’une dans l’établissement, l’autre à l’extérieur. Elles ont été « traitées sur le plan judiciaire« , mais « sans trace d’aucune autre action formalisée« , puisqu’elles n’ont été ni signalées au procureur, ni aux services de l’Education Nationale.
Des règles d’accès aux toilettes et un usage de la retenue d’un autre temps ?
Pêle-mêle, le rapport relève aussi l’insuffisante formation du surveillant d’internat, qu’il est suggéré de mieux former, des règles d’accès aux toilettes « contraignantes, voire discriminatoires » au collège et au lycée, avec une « interdiction faite aux élèves du lycée de se rendre aux toilettes pendant une heure d’étude et/ou entre deux cours sans la présence d’un adulte » (?!) ou encore – les traditions de l’établissement sont encore vives, « un nombre de punitions (423) supérieur au nombre d’élèves (383) avec une institutionnalisation de la retenue qui interroge« . L’heure de « colle » ou retenue fait normalement partie dans la quasi-totalité des établissements scolaires, de nos jours, des punitions les plus graves, juste avant le conseil de discipline.
Par ailleurs le Beau Rameau devra certainement aussi se mettre aux normes : « d’autres points de défaillance qui ne relèvent pas directement de la compétence de l’Éducation nationale, notamment en termes d’hygiène et de sécurité, feront l’objet d’une transmission aux autorités compétentes, en l’occurrence à la préfecture des Pyrénées-Atlantiques et aux communes d’Igon et de Lestelle-Bétharram afin qu’elles puissent prendre les dispositions qui s’imposent et réaliser les investigations complémentaires« .
Le rapport complet et ses annexes « vont être transmis dans les plus brefs délais à la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, dans le cadre de ses travaux d’enquête sur les modalités du contrôle par l’État de la prévention des violences dans les établissements scolaires« . Cette fois l’Etat semble vouloir rattraper avec ardeur ce qu’il n’a pas fait dans le milieu des années 1995 – autant d’années perdues pour les victimes, et de nouvelles victimes qui auraient probablement pu être évitées.
Quid de la contribution des hôpitaux, infirmiers et services sociaux à l’omerta autour de Bétharram ?
Cependant si le ministère de l’Education essaie de se rattraper, » quid ainsi de l’hôpital, et des médecins, qui recevaient régulièrement des enfants de Bétharram ensanglantés par les corrections qu’ils recevaient de leurs encadrants ? Quid des services sociaux, et des signalements qu’ils auraient dû faire ? » Et, au passage, des infirmiers (civils) de l’établissement. Le silence des services sociaux et sanitaires locaux, non religieux, qui d’après les témoignages des anciens élèves étaient largement au fait de la brutalité des « corrections » de Bétharram et de leurs effets sur les élèves, est assourdissant.