Dans diverses affaires récentes, les fidèles qui alertent la hiérarchie civile ou religieuse d’abus ou d’actes contraires au droit commis par des clercs ou des laïcs en mission d’Eglise se sont vus traités comme s’ils étaient eux-mêmes coupables et accusés du péché de médisance par des responsables ecclésiastiques ou des supérieurs de congrégations. Certains leur ont particulièrement reprochés d’avoir alerté la presse – après que la hiérarchie les ait ignorés – et rendu publiques des fautes, qui selon eux, n’avaient pas à l’être. On peut effectivement laisser son cerveau au vestiaire, en se rangeant à l’avis d’une autorité, religieuse ou non. Ou on peut s’intéresser à ce que dit réellement le catéchisme sur le péché de médisance.
« Sans raison objectivement valable »
Dans le catéchisme de l’Eglise catholique (CEC) promulgué en 1992, le péché de médisance est défini ainsi :
477 Le respect de la réputation des personnes interdit toute attitude et toute parole susceptibles de leur causer un injuste dommage (cf. [link] CIC, can. 220).
Se rend coupable de médisance celui qui, sans raison objectivement valable, dévoile à des personnes qui l’ignorent les défauts et les fautes d’autrui (cf. Si 21, 28).
Nous avons demandé à un éminent canoniste de définir ce qu’il entend par « raison objective » : » Toute raison raisonnable et raisonnée« , et ce même si elle tombe sous la réprobation des autorités.
Catéchisme traditionnel : si la faute est publique et/ou que la révélation sert l’intérêt général, il n’y a pas médisance
Dans le manuel pour confesseurs de A. Chanson (
pour mieux confesser, Arras 1952) le péché de médisance est ainsi défini :
« 1. Ce qu’on dit est vrai. 2. Le défaut ou la faute du prochain n’est pas connu. 3. Il n’y a pas de raisons suffisantes de le faire connaître ».
Néanmoins l’auteur apporte des explications à sa définition : « il n’y a pas médisance si la faute est publique, c’est à dire qu’elle est généralement connue ou sur le point de l’être; elle doit l’être actuellement (une faute autrefois connue peut être tombée dans l’oubli« . Autre nuance : « il n’y a pas médisance si la révélation sert l’intérêt général« .
On peut se reférer aussi au catéchisme les Trois blancheurs, page 113 : « d’ordinaire il n’y a pas médisance si les fautes sont déjà connues du public. On peut aussi parler des fautes du prochain à l’autorité, dans plusieurs cas : dans l’intérêt du coupable, à une personne qui a autorité pour le corriger, dans l’intérêt du prochain, pour le préserver d’un danger ou d’un dommage, pour le bien commun, afin d’empêcher ce qui serait nuisible à la société, pour son intérêt personnel – soit pour prouver son innocence lorsqu’on est l’objet d’une accusation injuste, soit pour demander conseil dans une affaire grave ».
Le catéchisme est du côté des lanceurs d’alerte, pas de ceux qui privilégient l’institution contre ses fidèles
De même, alerter sur des cas d’abus, d’emprise, de violences, sert l’intérêt général. Il n’y a pas non plus de péché de médisance.