Les trois gardes à vues d’un prêtre et de deux laïcs mis en cause dans l’affaire des abus et violences physiques à Notre-Dame de Bétharram, aujourd’hui collège le Beau Rameau (Pyrénées-Orientales) se sont achevées. Deux des mis en cause ont été libérés, les faits les concernant étant prescrits – l’enquête se poursuit, un troisième, ex-surveillant en poste jusqu’à début 2024 dans l’établissement, fait l’objet d’une information judiciaire et a été placé en détention provisoire. Par ailleurs un ex-surveillant, diacre dans le diocèse de Tarbes, qui a justifié dans une émission les violences commises, a été suspendu de son ministère par l’évêque de Tarbes Lourdes, Mgr Micas. A ce jour, plus de 140 plaintes ont été déposées par d’anciens élèves, et elles continuent d’affluer.
Le prêtre nonagénaire, Henri Lamasse, a reconnu un fait d’agression sexuelle, qui était prescrit. Il a donc été libéré. L’ex CPE de Bétharram, ensuite en poste dans des établissements d’enseignement catholique à Orléans et Châteauroux, “durant ses auditions, il reconnaissait avoir pu porter des gifles à certains élèves dans le cadre de corrections. Il contestait en revanche avoir infligé les châtiments décrits par les victimes. Il réfutait fermement la totalité des faits de nature sexuelle qui lui étaient reprochés”, communique le parquet de Pau. Les faits qui lui étaient reprochés étant prescrits, il est aussi sorti libre. Ce soir, le porte-parole des victimes annonce sur le groupe Facebook que “l’enquête sur Damien Saget se poursuit. Des poursuites au civil seront lancées. Nous ne lâcherons jamais“.
En revanche, Patrick Martin, surveillant en poste à Bétharram entre 1984 et 2004, visé par des dizaines de plaintes pour violences et abus sexuels commis dans l’établissement et lors de sorties scoutes, a été placé en détention. Deux affaires lui sont reprochées actuellement dans le cadre de l’information judiciaire :
- viol par personne ayant autorité entre 1991 et 1994
- agression sexuelle sur mineur de quinze ans en 2004
Les autres plaintes relèvent de faits qui seraient prescrits.
Quatre autres laïcs encadrants de l’établissement, auditionnés par les forces de l’ordre, ont été laissés libres à l’issue des auditions, les faits ayant eu lieu entre 1979 et 1996 et étant prescrits.
France 3 relève au sujet de la poursuite de l’enquête : “l’affaire est désormais entre les mains d’un juge d’instruction du tribunal judiciaire de Pau. “L’information judiciaire devra s’attacher non seulement à éclairer les circonstances de commission des faits précités, mais aussi à rechercher et à entendre d’éventuelles autres victimes non encore connues à ce jour”, poursuit le procureur. Si l’enquête réunit suffisamment d’indices graves et concordants, elle pourrait, à terme, aboutir à un procès“. Jeudi prochain – le 27 février, les victimes seront reçues à huis clos à 9h30 au Palais de Justice de Pau par le procureur, indique la presse locale. A ce jour, 97 victimes ont été auditionnées par les forces de l’ordre, et 11 auteurs dont 8 sont décédés mis en cause.
Plus de 140 plaintes : “Oui, l’Etat a failli“, selon les victimes
A ce jour plus de 140 plaintes ont été déposées dont 70 pour abus sexuels, et elles continuent d’affluer. Alain Esquerre, porte-parole du collectif des victimes, s’est exprimé devant le tribunal de Pau : “le collectif des victimes se félicite d’être enfin entendu par la justice et voit la concrétisation d’un travail mené depuis plus de 15 ans aboutir sur le volet pénal“. Il a aussi appelé à un “sursaut national” pour faire des violences sur mineurs une priorité nationale.
Concernant les faits reprochés à Patrick Martin, le surveillant qui reste en détention, le collectif “appelle toutes les victimes à se manifester auprès de la justice pour tous les faits criminels qu’il a pu commettre au sein de l’établissement de Bétharram ou lors des sorties scoutes entre 1984 et février 2024, date de sa suspension“.
Alain Esquerre a aussi salué les propos d’Elisabeth Borne, ministre de l’Education, qui a reconnu au sujet de l’affaire Bétharram que l’Etat a failli – notamment lors du rapport d’inspection bâclé en 1996, mais aussi des plaintes antérieures classées sans suite : “Elisabeth Borne a reconnu que l’Etat a failli et n’a pas été à la hauteur. Je rends hommage à la ministre, en démocratie il est sain que les gouvernants reconnaissent leurs erreurs. Oui, l’Etat a failli, il n’a pas protégé les enfants de Bétharram qui n’avaient que leurs pleurs pour soutien“.