Selon un site hispanophone qui compile les cas d’abus et les affaires au sein de l’Institut du Verbe incarné (IVE), une communauté nouvelle argentine en conflit avec les évêques argentins dès sa fondation – ils ont demandé sa suppression dès le début des années 1990 – et dont le fondateur a commis des abus, un de leurs prêtres en poste à Jonzac dans le diocèse de la Rochelle aurait été transféré d’urgence au Pérou, d’où il est originaire, après des relations sexuelles avec une fidèle lors de retraites organisées cet été par autre communauté d’origine sud-américaine, les Servantes du Seigneur et de la Vierge de Matara (SSVM) à Jonzac, qui ne sont autres que la branche féminine religieuse du Verbe incarné.
Ainsi, le site Verbo Incarnado SSVM Abusos indique : « selon diverses sources, le père del Castillo aurait eu des relations sexuelles avec une jeune fille de 18 ans, dans des circonstances suggérant une possible exploitation d’un adulte vulnérable. Les relations sexuelles auraient eu lieu dans le cadre de l’oratoire d’été, organisé par la congrégation des Servantes du Seigneur et de la Vierge de Matará à Jonzac (diocèse de La Rochelle, France), où les faits rapportés ont eu lieu.
Un aspect particulièrement délicat est que la jeune femme impliquée est liée à plusieurs prêtres et religieuses de l’Institut du Verbe Incarné, ce qui complique encore davantage la dynamique interne et les répercussions potentielles pour la communauté ecclésiale. Suite à la révélation de cet incident, l’Institut du Verbe Incarné a décidé d’évacuer le Père Antony del Castillo vers le Pérou (d’où il est originaire), prétextant faussement des « raisons de santé » pour le sortir de son contexte d’origine et gérer la situation interne au sein de la congrégation« .
Depuis, indique toujours le même site, il est réapparu détendu sur Instagram, sans que rien ne laisse suggérer une éventuelle sanction canonique. « Il apparaît détendu, s’exprimant en français et ne faisant aucune allusion au scandale qui a conduit à son évacuation de France. Cette publication a suscité l’indignation des personnes au courant de l’affaire, car elle témoigne de l’absence de réelle sanction et de reconnaissance de la gravité de l’incident. Cet épisode révèle une fois de plus la stratégie habituelle de l’IVE : lorsqu’un scandale éclate, le prêtre est rapidement muté dans un autre pays, loin du lieu de l’incident et de la couverture médiatique locale. Rien n’est dit sur les enquêtes, les sanctions canoniques ou le soutien à la victime« .
Inutile de dire que l’éloignement de ce prêtre à des milliers de kilomètres de Jonzac ne va pas faciliter d’éventuelles démarches canoniques ou civiles de la victime…
Le diocèse de la Rochelle n’a pas encore réagi officiellement et la biographie du père Anthony del Castillo est toujours sur le site de la paroisse de Jonzac : « le père Anthony del Castillo, est né à Arequipa, une ville au sud du Pérou le 22 février 1982, il est l’ainé de quatre enfants. Après ses études, primaire, collège et lycée, à Arequipa, le jeune étudiant décide de poursuivre ses études universitaires à la faculté en administration économique et sociale de l’Université Saint Augustin toujours chez lui au Pérou. En 2001 il décide de quitter ses études pour entrer au séminaire de L’Institut du Verbe Incarné. En janvier 2006, il est envoyé à Rome pour terminer ses études du séminaire et poursuivre une spécialisation en théologie dogmatique.
En novembre 2007, il reçoit l’ordination diaconale, avant d’être ordonné prêtre le 6 avril 2008, à 26 ans, dans la paroisse du Verbe incarné chez lui au Pérou. A peine ordonné prêtre, il revient en Italie, et en mars 2009 le Père Anthony reçoit sa première destination, il est nommé vicaire d’une belle paroisse à Saint Jacques de Compostelle en Espagne. Au cours de l’année 2012 les supérieurs de sa congrégation lui proposent de quitter l’Espagne pour venir ici en France, à Lyon et c’est le 5 septembre 2012 que le père Anthony touche le sol français. Après quelques années au diocèse de Lyon, père Anthony est nommé curé des paroisses du Luc en Provence et le Cannet des Maures dès 2015 au 2023 et depuis septembre 2023 il est chez nous en tant que curé ».
La communication du diocèse de la Rochelle, que nous avons jointe, affirme ne pas être au courant de l’affaire.
275 religieux ou prêtres ont abandonné l’IVE, 125 ont été réduits à l’état laïc
Connus pour diverses dérives spirituelles et des « vocations forcées« , notamment en Catalogne dans les pays de l’Est, l’IVE est aussi un recordman mondial de l’absence de discernement, puisque à la course aux chiffres, ils ont ordonné des années durant n’importe qui, n’importe où et n’importe comment. Et ouvert des communautés dans des diocèses sans la permission de leurs évêques.
En 2023 le cardinal Santos Abril dresse une longue liste de griefs, chiffrés : » 275 religieux (principalement des prêtres) ont abandonné l’IVE, 125 ont été réduits à l’état laïc, 52 ont changé de diocèse, 5 processus ont été initiés par la Doctrine de la Foi, 11 ont été expulsés et il y a eu près de 50 exclaustrations« .
Selon un site qui compile les dérives de l’IVE, la moitié des prêtres ordonnés depuis la fondation de la communauté nouvelle jusqu’en 2003 l’ont quitté : « sur les 265 prêtres ordonnés depuis la fondation de l’institut jusqu’en 2003, seuls 123 restent actuellement dans l’IVE. Parmi les autres, 139 ont abandonné la communauté. Parmi eux, 73 ont complètement quitté le ministère sacerdotal, tandis que 65 continuent à exercer leur vocation en dehors de l’IVE ».
Par ailleurs près de 70 communautés n’ont plus qu’un ou deux prêtres ou religieux, alors que les statuts en prévoient au moins trois; le cardinal a demandé aux supérieurs provinciaux de supprimer toutes les communautés établies après le le 29 juin 2019. Le fondateur, Carlos Buela, pourtant écarté de l’IVE en 2010 à la demande de Rome suite à des abus sexuels et spirituels, a continué avec la complicité des supérieurs à exercer des années durant un « gouvernement fantôme » de la congrégation à l’encontre de Santos Abril et de ses conseillers. Ce dernier explique que « les provinciaux ont agi à notre insu », dans une série « d’actions illégales [qui] seraient infinies ». D’autres communautés sont fermées d’office par les diocèses, notamment récemment à Turin en Italie et Grenade au sud de l’Espagne où le diocèse avait ouvert une enquête sur des cas d’abus et de faux exorcismes dans la paroisse de Zaidin, confiée à l’IVE.
Les religieuses servantes de la Vierge de Matara sont mises en cause par d’anciennes membres qui ont constaté qu’elles ne cotisaient pas à la sécurité sociale dans certains pays, en Espagne notamment, retenaient les religieuses sur le départ de vive force, ou qu’elles n’hésitaient pas à mettre à la rue dans le dénuement le plus complet des religieuses exploitées pendant des décennies.
Tous ces problèmes étaient largement connus lorsque les religieux du Verbe Incarné sont arrivés dans le diocèse de la Rochelle (2021 et 2023 pour les religieuses, , 2024 pour l’IVE à Jonzac), et on se demande bien pourquoi Mgr Colomb s’est encombré d’une communauté argentine certes féconde en vocations, mais parmi les communautés nouvelles les plus problématiques au niveau mondial. Voilà cependant une idée du travail de remise en ordre qui attend Mgr Bozo dans son nouveau diocèse…