Depuis ce matin 11h45, le collectif des victimes de l’établissement congréganiste de Bétharram dans les Pyrénées-Atlantiques – où près de 113 plaintes pour abus physiques et sexuels commis entre les années 1950 et 2010 ont été déposées à ce jour par les anciens élèves – est reçu par le premier ministre François Bayrou à la mairie de Pau. Ce dernier est rattrapé par les questions sur son implication et sa connaissance ou non de la première affaire Bétharram, au milieu des années 1990, et des abus dans l’établissement où plusieurs de ses enfants étaient scolarisés et où sa femme enseignait, alors qu’il était ministre de l’Education Nationale. Bien que François Bayrou ait affirmé à deux reprises devant les députés ne pas être au courant, sa défense se fissure alors que victimes et personnalités locales le mettent en cause.
MAJ 17h40 : selon le porte-parole du collectif des victimes de Betharram les huit mesures demandées ont été acceptées (lire plus bas). François Bayrou de son côté a réitéré qu’il n’était “pas au courant” et confirmé que le parquet de Pau aura plus de moyens pour instruire l’ensemble des plaintes.
MAJ 22h05 : ajout de la vidéo des interventions de François Bayrou et du porte-parole du collectif des victimes à la suite de la réunion en mairie de Pau.
La presse locale a eu vite fait de retrouver l’article de Sud-Ouest en 1996 où François Bayrou et Philippe Douse-Blazy sont en déplacement à Bétharram – le sanctuaire et le musée, et où le premier aborde l’affaire Carricart qui vient d’éclater dans l’établissement, cible de nombreuses critiques, notamment en lien avec les violences physiques qui s’y pratiquent : “nombreux sont les béarnais qui ont ressenti ces attaques avec un sentiment douloureux et un sentiment d’injustice. Toutes les informations que le ministre pouvait demander, il les a demandées. Toutes les vérifications ont été favorables et positives“.
L’établissement inspecté en 2025 pour effacer le déni du rectorat en… 1996 ?
Pour tenter de déminer l’affaire, le gouvernement demande maintenant au rectorat “d’avancer ses opérations de contrôle” sur l’établissement de Bétharram, qui depuis 2009 s’appelle le collège du Beau Rameau. Mais le rapport de l’inspection régionale de Bordeaux – l’ancêtre du rectorat – en 1996 suite au signalement de violences par une enseignante laïque, qui dit avoir d’ailleurs prévenu la femme de François Bayrou qui enseignait aussi dans l’établissement, dénote un sérieux déni... qui a fait perdre, en réalité, près de 30 ans aux victimes et aux élèves de l’établissement, vu que des faits de violences, de mauvais traitements et d’abus sexuels ont eu lieu à Bétharram après 1996. Il se conclut même par la préconisation de muter l’enseignante qui avait alerté sur les violences physiques commises dans l’établissement…
rapport-inspection-reg-bdx-betharram1996
En conclusion de ce rapport de trois pages, qui concerne des violences commises sur les élèves par des personnels d’encadrement en 1995-96, le rédacteur écrit : “les récents événements qui concernent un enfant, toujours élève du collège, ne doivent pas masquer la vérité : Notre-Dame de Bétharram n’est pas un établissement où les élèves sont brutalisés […] les professeurs, surpris et agacés par la campagne médiatique et le comportement d’une de leur collègue [le nom de l’enseignante qui a été lanceuse d’alerte à l’époque] ont exprimé leur souhait de pouvoir continuer à travailler dans le calme”.
Le rapport préconise in fine “de demander à un surveillant de reconsidérer sa conception de la discipline, d’abandonner le principe des élèves surveillants [faute d’effectifs suffisants, des élèves du lycée surveillaient des élèves des classes plus jeunes], de trouver une solution pour que Madame [le nom de l’enseignante lanceuse d’alerte] n’enseigne plus dans cet établissement. Elle a l’intention de demander sa mutation”.
Des conséquences pour l’ensemble des établissements privés de France : ce que demandent les victimes à François Bayrou ?
A l’heure où nous écrivons, la réunion entre les huit délégués du collectif des victimes de Notre-Dame de Bétharram et François Bayrou dure toujours; le porte-parole du collectif doit prononcer à la sortie une allocution devant les nombreux journalistes présents. Avant d’entrer en réunion, les délégués ont transmis leurs demandes à la presse :
- Donner des moyens supplémentaires pour le Parquet de PAU
- Faire des violences sexuelles une priorité nationale
- Sensibiliser les enfants dans toutes les écoles de France à la lutte contre la pédophilie (gestes adaptés / gestes inadaptés)
- Diligenter des inspections aléatoires dans tous les établissements privés disposant d’un internat (formation, casier judiciaire, ….)
- Créer un fonds d’indemnisation pour les victimes d’abus physiques et sexuels par les établissements privés sous contrat financé par l’État et les congrégations religieuses
- Rendre obligatoire le signalement immédiat de tout soupçon d’abus sexuel ou de violence physique sous peine de sanctions administratives et financières
- Garantir un accompagnement psychologique systématique et gratuit pour les victimes d’abus
- Créer un numéro vert national pour signaler toutes violences physiques ou sexuelles avec garantie d’anonymat pour lutter contre l’omerta
Car hors de Bétharram, la culture du silence et l’omerta persistent – d’abord pour des faits anciens, souvent jamais sortis, les auteurs ayant été protégés par une véritable “chape de plomb” pendant des décennies, jusqu’à leur mort – certains ont été remontés à la CIASE, d’autres ont été dénoncés sur les murs desdits établissements, après la parution du rapport. Mais aussi pour des faits récents, où les parents d’élèves victimes ou non se retrouvent parfois confrontés à un mur du silence de la part des autorités de tutelle, diocésaines ou non, qui prennent souvent prétexte de l’ouverture des enquêtes pour ne pas ou plus communiquer…comme récemment encore à Toulouse.
Néanmoins, des cas de violences sexuelles ou physiques ont aussi eu lieu dans les établissements publics, avec ou sans internat – des faits anciens ou plus récents. Il serait difficilement compréhensible que les élèves victimes des établissements publics soient exclus des dispositifs de signalement, d’indemnisation et de prévention demandés pour les victimes du privé sous contrat…
La fermeture de l’établissement de Bétharram demandée par certaines victimes
D’autres victimes – notamment Jean-Marie Delbos qui assure avoir écrit à François Bayrou et qui a produit l’accusé de réception par lui signé, publié par Mediapart, ont participé à une action aujourd’hui avec l’association Mouv’Enfants devant le collège de Bétharram, aujourd’hui le Beau Rameau, pour dénoncer “l’impunité” des agresseurs. Un des auteurs principaux d’abus sexuels et physiques était toujours surveillant dans ce même internat au déclenchement de l’affaire en 2023…
Une pétition a aussi été lancée en ligne pour exiger la fermeture de l’établissement et le transfert hors de l’EHPAD de la congrégation, situé en face du collège, d’un des religieux, jamais jugé car les faits étaient prescrits, mais reconnu comme auteur de violences sexuelles. Bien que interdit de sacrements, il célébrait toujours en novembre 2024 la messe du jeudi dans la chapelle de la congrégation, et un dimanche sur deux – son nom figurait sur la fiche du planning des célébrants affichée sur l’armoire de la sacristie de la chapelle de l’EHPAD.
Si on ne prend pas en compte les victimes du public cela ressemble à une action concertée contre les établissements sous contrat
beau pays que ce pays !
Le bordel conciliare…