Le rapport indépendant sur les abus au sein des Missions Etrangères de Paris – MEP – au cabinet GCPS, commandé en 2023, est tombé. Il fait état de 63 faits d’abus depuis 1950, au moins, impliquant 46 auteurs, ainsi que de deux grandes périodes, la décennie 1970 et la décennie… 2010. Par ailleurs les auteurs du rapport s’appuient sur 191 entretiens et 350 dossiers de prêtres, mais mentionne que le nombre de faits problématiques qui ont réellement eu lieu peut être supérieur à ce qu’ils ont trouvé.
La rédaction des archives des MEP elles-mêmes a été difficile : “les minutes du conseil permanent sont inégales dans leur niveau de détails selon le Secrétaire Général qui les a rédigées. Leur rédaction n’est pas standardisée et elles sont manuscrites jusqu’en 1974. Cela rend la lecture parfois difficile et très chronophage. L’usage d’euphémismes et le caractère laconique de l’information qu’il a fallu décoder a nécessité parfois d’interpréter les informations ou de prendre davantage de temps. Les données disponibles sur les cas sont pratiquement toujours partielles et ne permettent pas nécessairement de confirmer une allégation ou un cas potentiel, malgré le recueil d’informations disponibles. Certains cas sont insuffisamment documentés, particulièrement les cas plus anciens“.
Comme le rappelle le communiqué sur le site des Missions Etrangères de Paris, “la méthodologie repose sur des entretiens et une analyse documentaire approfondie. Au total, 196 entretiens ont été menés dans les 15 pays où les MEP sont présentes. Près de 4 000 documents ont été étudiés dont les minutes du Conseil permanent, les dossiers d’archives et des dossiers personnels de prêtres.
L’ensemble de ces analyses a permis de dresser un état des lieux précis de la manière dont les MEP ont géré les alertes remontées concernant des incidents de violences sexuelles, ont apporté des réponses à ces incidents, ont accompagné les personnes victimes et mis en œuvre des actions de prévention en matière de safeguarding [vigilance et prévention des abus sexuels].
Entre 1950 et 2024, 63 incidents de violences sexuelles ont été répertoriés dans 14 pays. Ils ont impliqué 46 prêtres sur les 1 491 ayant exercé sur cette période, ce qui représente environ 3%. Parmi ces 63 incidents de violences sexuelles, certains concernent des comportements non conformes aux principes de safeguarding et au droit pénal français tandis que d’autres concernent des comportements non conformes aux seuls principes de safeguarding.
Ces 63 incidents se divisent en 8 incidents, datant de la période 1950-2000, qui ont été confirmés et 55 allégations, dans la période 1960-2024, non confirmées.
Pour tous ces incidents, les auditeurs ont recensé 17 enquêtes des MEP, 7 enquêtes de police et 20 enquêtes des diocèses.
Entre 2020 et 2024, cinq signalements ont été transmis par les MEP à un Procureur de la République. Les MEP sont aujourd’hui en contact direct ou indirect (via un diocèse) avec 9 personnes victimes. A toutes ces personnes il a été proposé une procédure de justice ou de réparation.”
Un seul signalement à la justice avant 2021… et zéro dans les pays de mission
Le rapport précise que “le supérieur général a procédé à plusieurs signalements au procureur de la République depuis 2021“, mais “un seul avant 2021, qui ne concernait pas un prêtre“. Il n’y aurait pas eu de signalements auprès des autorités civiles des pays de mission.
Par ailleurs les auteurs constatent que les MEP se préoccupent moins des victimes que des prêtres auteurs d’abus ou accusés d’abus, du moins tant qu’ils sont vivants : “la posture adoptée par les MEP vis-à-vis des victimes est parfois même problématique lorsqu’il y a une réticence à reconnaitre le statut de victime à une personne tant que la procédure judiciaire ne la pas confirmé. Le conseil des MEP a d’ailleurs exprimé de l’inconfort à employer une approche centrée sur la victime/survivante car c’est perçu comme une remise en question de la présomption d’innocence des prêtres mis en cause. Dans le cas où le prêtre est décédé, il semble plus évident pour les MEP de considérer comme victime une personne qui se présente comme telle, tandis que dans le cas où le prêtre est vivant, l’attitude adoptée est davantage protectrice du prêtre“.
De même, ils ne recherchent guère les victimes : “la pratique des MEP, y compris lors d’enquêtes sur le terrain, consiste à encourager d’autres victimes potentielles à témoigner à travers les canaux mis à disposition, sans faire de recherche pro-active considérant que cette démarche pourrait mettre les victimes en danger ou les retraumatiser“. Nous nous étions fait écho du peu d’empressement des Missions Etrangères de Paris de rechercher les victimes d’abus suite à un scandale d’abus dans un orphelinat géré par les MEP en Thaïlande…tandis que le curé des MEP lanceur d’alerte, lui, a été prestement renvoyé.
Même s’il ne donne pas d’exemple concret dans sa première partie, le rapport signale en creux des pratiques contraires aux obligations canoniques des prêtres, notamment en matière de célibat et de chasteté. Ainsi, page 30 : “les entretiens menés par les auditeurs et l’analyse des signalements reçus par les MEP ont mis en évidence des lacunes dans l’identification de certains mécanismes de violences. La question de l’emprise et du consentement, par exemple, est souvent mal évaluée. Dans les cas où un prêtre a eu une relation sexuelle avec une femme, même beaucoup plus jeune, il y a rarement de questionnement sur le différentiel de pouvoir entre le prêtre et la jeune femme ou sur le fait que celle-ci puisse dépendre de la paroisse (soit à travers un emploi ou un service, voire spirituellement). Or ces facteurs peuvent induire une dynamique d’exploitation sexuelle dans laquelle la femme n’est pas véritablement en mesure de refuser une relation sexuelle si elle est sollicitée par peur de perdre un emploi, une assistance ou une aide spirituelle par exemple. Ces rapports semblent toujours considérés comme consentis : dans aucun dossier revu, ils ne sont questionnés”.
“Les pratiques préoccupantes des MEP à Paris”
La Croix dans son analyse du rapport publiée ce 12 décembre indique que “sans aborder frontalement la question de la responsabilité individuelle et collective, le rapport pointe une hausse des signalements dans les années 2010 – la période la plus critique avec la décennie 1970 – et avance pour explication des « pratiques préoccupantes au siège des MEP » à Paris : des attitudes reflètent alors « une atmosphère équivoque ou encore des sollicitations, ainsi que des dynamiques de contrôle et des jeux de pouvoir », appuient les auditeurs. « Des témoignages décrivent aussi des comportements ambigus de la part de certains prêtres résidant rue du Bac, interprétés comme une forme de pression pour des relations sexuelles », ajoutent-ils.
Plus largement, l’enquête de GCPS Consulting rapporte que de nombreux prêtres des MEP avancent l’homosexualité comme l’une des causes des violences sexuelles. Ce prisme, pointe le rapport, les a empêchés toutefois de penser le rôle des relations de pouvoir dans les violences sexuelles commises par des prêtres sur des laïcs – les victimes étant du reste majoritairement des femmes (38 pour 23 victimes masculines). « La question de l’orientation sexuelle semble prendre le pas sur celle du consentement et de l’abus de pouvoir », peut-on lire.
Aucune victime ne s’est signalée dans les missions des MEP à l’étranger en 2023-24
La Croix indique que par ailleurs “le rapport décrit une gestion des abus d’autant plus inadaptée que les prêtres MEP sont envoyés en mission dans des zones parfois reculées, où la supervision est difficile et où la culture locale – marquée par l’« évitement des conflits », le « respect de l’autorité », la « priorité accordée à l’harmonie collective par rapport aux situations individuelles » – empêche la libération de la parole.
Conséquence directe : malgré des appels à témoignages diffusés et traduits dans les communautés, aucune victime ne s’est signalée durant l’année d’enquête. Ce qui explique aussi que le pays où le nombre de signalements est le plus important entre 1970 et 2024 est la France (19), loin devant la Thaïlande (10), le Cambodge (7) puis le Japon et l’Inde (5).
Ainsi, comment rechercher activement des victimes de violences sexuelles dans ces communautés éloignées ? « Il n’y a pas de canaux accessibles aux personnes qui n’ont pas de smartphone ou d’ordinateur, ni de canaux accessibles à ceux qui ne savent pas lire et écrire », décrit le rapport. Une réponse d’autant plus urgente à donner que de nombreuses missions MEP sont au contact de personnes vulnérables : jeunes en internat, réfugiés, etc.”
Pourtant, dans le cadre de la rédaction de leur rapport, les consultants du cabinet GCPS se sont rendus dans la plupart des pays où les prêtres des MEP sont présents : “les consultants GCPS se sont rendus au sein de la maison de retraite des MEP dans le Sud de la France ainsi que dans 11 pays de mission : Thaïlande, Birmanie, Cambodge, Singapour, Hong Kong, Madagascar, Maurice, Japon, Corée du Sud, Taïwan et Laos. Dans un souci d’optimisation des ressources, les consultants ne se sont pas rendus dans les pays où les MEP n’étaient peu ou plus présents. C’est le cas notamment de la Malaisie, du Vietnam, de l’Indonésie et de l’Inde. Les prêtres MEP basés dans ces pays ont été interviewés via Zoom“.
Certains prêtres des MEP ont fait obstacle à la diffusion de l’appel à témoignages dans les pays de mission
Le rapport souligne des difficultés quant aux voyages dans les pays de mission : “Le conseil et les consultants GCPS ont parfois dû faire preuve de pédagogie pour convaincre le responsable de groupe local et certains prêtres de la pertinence et nécessité de leur venue dans le pays de mission ou pour obtenir des prêtres un peu de leur temps sur place. Les consultants ont eu un accès limité aux communautés elles-mêmes du fait de la langue mais ont aussi parfois choisi de ne pas aborder la question des violences sexuelles de manière directe à travers des consultations avec ces communautés. Il est inopportun pour des auditeurs de passage d’engager des discussions sur ces sujets sensibles avec certains interlocuteurs, sans discussions préalables sur cette thématique et sans prévoir un suivi après cette première discussion. Cela peut avoir des effets néfastes, contre productifs à l’instauration d’un environnement sûr et protecteur.
L’appel à témoignage rédigé par les MEP a été traduit dans différentes langues mais sa diffusion dans les pays de mission a été très inégal. Certains prêtres n’ont pas souhaité le diffuser, ne se sentant pas à l’aise avec la démarche et la manière dont cela pourrait être perçu“.
Des pratiques très différentes voire divergentes selon les pays de mission
Un autre passage du rapport illustre ces problématiques : “un prêtre MEP a développé, dans le diocèse où il est basé, des outils de formation en langue locale, contribué à l’élaboration dune politique de protection des mineurs, et à la formation du personnel du diocèse sur les signes et impacts des violences sexuelles, la chaine de signalement, et le cadre légal. Dans plusieurs missions les prêtres MEP sont impliqués dans des comités diocésains traitant des allégations de violences sexuelles. Toutefois, l’engagement des prêtres MEP en matière de safeguarding est très variable dans les pays de mission et il existe des inégalités dans la manière dont les prêtres agissent conformément à leurs engagements.
Les auditeurs ont constaté lors des entretiens que la compréhension, la perception et les attitudes concernant le safeguarding varient fortement dun prêtre et dun pays à un autre. Cela sexprime parfois par une différence d’adhésion voire la minimisation des préoccupations liées au safeguarding. Certains prêtres ont d’abord refusé d’avoir un entretien avec l’équipe d’audit sous prétexte qu’ils n’étaient pas concernés par le safeguarding et que ce serait une problématique à laquelle ils ne sont pas confrontés dans leur pays de mission“.
Certaines missions font pourtant ce qu’elles peuvent pour limiter les risques, parfois de leur propre chef : “spontanément pour certains, suite à une demande du diocèse pour d’autres, les prêtres ont pris l’habitude de ne rencontrer une personne en tête à tête que si la pièce ou la porte dispose dune fenêtre, et ne reçoivent pas de personne seule dans leur logement. Des prêtres MEP ont aussi pris des initiatives, avec des budgets parfois limités, pour réorganiser l’espace dans les paroisses ou bâtiments dont ils sont responsables, afin de séparer les différentes activités et créer un environnement plus sûr. Dans certains projets de construction, l’agencement des pièces, des sanitaires et dortoirs font l’objet de discussions en vue de limiter les risques de violences“.
D’autres non, parfois en raison de contexte sécuritaire, parfois pour d’autres raisons – organisation historique, adoration perpétuelle – avec des fidèles sur place en permanence, etc. : “les projets gérés par les prêtres MEP soutiennent souvent des personnes vulnérables (minorités ethniques, personnes sans domicile, usagers de drogues, orphelins ou enfants éloignés de leurs parents, personnes porteuses de handicaps…). Les paroisses sont parfois attenantes à une école ou un jardin d’enfants. D’autres accueillent dans leur enceinte des internats. Il y a aussi des pratiques qui font que des paroissiens et paroissiennes dorment sur place, comme lors de l’adoration. Certains contextes de pays de mission ne laissent pas d’autre possibilité que d’accueillir des personnes directement chez soi’.
Idem pour l’organisation interne des bâtiments : “dans les pays de mission, la situation est similaire en ce qui concerne les bâtiments des MEP ou dans lesquels des prêtres MEP travaillent et organisent des activités : certaines mesures de réduction des risques sont en place mais la démarche n’est pas systématique, ni documentée. Dans certaines maisons MEP un document rappelant quelques règles de vivre ensemble, plutôt d’ordre pratique, est mis à disposition des personnes hébergées. Les paroisses dans lesquelles officient des prêtres MEP semblent le plus souvent ne pas avoir de règlement écrit destiné aux usagers mais dans la pratique souvent des règles sont communiquées oralement”.
Les MEP ont un dispositif pour traiter les cas d’abus mais il ne figure nulle part
Les Missions étrangères de Paris se sont adaptées à la problématique des abus sexuels et de pouvoir : “la société des MEP élit un conseil permanent de 5 membres tous les 6 ans : un supérieur général, un vicaire général, un secrétaire général ainsi que deux autres membres. Dans les pays de mission MEP des responsables de groupe sont chargés de la supervision des activités des MEP dans chaque pays ou région (certains groupes comprennent plusieurs pays). Depuis mars 2024, les cas signalés ne sont plus gérés par le supérieur général mais par un délégué général à la protection et un conseil d’évaluation doté de 5 membres. Il s’agit du délégué général à la protection, de son adjoint et de trois experts laïcs extérieurs aux MEP : un femme théologienne moraliste et deux hommes ayant une expérience professionnelle dans la justice et de la police. Selon la feuille de route des délégué MEP à la Protection, les allégations signalées peuvent faire l’objet d’une enquête décidée lors d’une réunion stratégique et confiée à un Responsable d’Investigation (RI)“.
Néanmoins, relèvent les auteurs du rapport, “le délégué général à la protection est actuellement un membre du conseil. Il assume cette charge en plus de ses autres responsabilités. Ce rôle est donc à temps partiel”, “aucune communication claire n’a été faite sur le rôle, le fonctionnement et les membres du conseil d’évaluation, ni sur les responsabilités du délégué général et des délégués locaux à la protection. Ces nouvelles entités n’apparaissent également pas dans la charte des MEP, ni dans les procédures de gestion d’incidents décrite dans ses annexes”. Et par ailleurs, “les Constitutions des MEP (ensemble de règles qui régissent la société des MEP) et les contrats qui lient les prêtres MEP à la société lors de leur nomination nindiquent pas de responsabilités spécifiques en termes de lutte contre les violences sexuelles pour les membres du conseil permanent et les supérieurs régionaux”.
Des mesures conservatoires qui ne sont pas systématiquement appliquées
Même si la gestion des cas d’abus est considérée comme “de plus en plus rigoureuse” pour les faits les plus récents, les mesures conservatoires – retrait du ministère en contact avec des mineurs ou des personnes vulnérables notamment, le temps de l’enquête, n’est pas systématique : “La documentation des allégations de violences sexuelles les plus récentes montre que lorsqu’un prêtre est mis en cause pour des violences sexuelles et fait l’objet dune enquête de police, les MEP appliquent des mesures qui visent à réduire les risques avec notamment l’interdiction de poursuivre un ministère ou de participer à des événements publics au sein de la paroisse.
Ces pratiques ne sont pas appliquées systématiquement à toute personne faisant l’objet d’une enquête interne aujourd’hui. Pour ce qui est des personnes qui font l’objet d’une enquête interne mais n’exigent pas un signalement aux autorités, il est néanmoins nécessaire de procéder à une évaluation des risques et d’appliquer des mesures de précaution sur la base de cette évaluation”.
La situation est aussi très variable selon les pays de mission : “dans les pays de mission, les moyens mis à disposition par les MEP pour signaler un comportement sont limités. Il n’y a pas de canaux accessibles aux personnes qui n’ont pas de smartphone ou d’ordinateur, ni de canaux accessibles à ceux qui ne savent pas lire et écrire, ni de canal accessible aux enfants.
Dans certaines paroisses, les personnes souhaitant signaler quelque chose ont le réflexe de consulter le site internet de l’église locale pour avoir l’adresse électronique dédiée aux alertes, tandis que pour certains publics l’accès voire la maitrise de l’outil internet peuvent être limités. C’est notamment le cas pour des publics vulnérables : minorités ethniques, enfants, personnes sans domicile, personnes souffrant dune déficience mentale ou dune addiction, ou tout autre personne à moindre pouvoir financier, juridique, social etc. Or, ces publics sont souvent les plus exposés aux violences”.
Il y a surtout des pays de mission où les dispositifs de signalement des violences sexuelles ou de pouvoir sont pour ainsi dire inexistants , bien qu’il s’agisse d’une obligation imposée par Rome : “dans les différents diocèses de mission, l’église locale na pas systématiquement mis en place de mécanisme d’alerte. Ce qui existe est très inégal. Il y a des diocèses avec une adresse électronique dédiée et un comité désigné pour recevoir et traiter les alertes, tandis que d’autres indiquent une adresse électronique qui n’est pas spécifique au signalement d’abus. Dans certains pays de mission, il n’existe quasiment rien (ni comité, ni dispositif de signalement)“. Dans d’autres les dispositifs existent, mais n’enregistrent aucun signalement, ce qui paraît suspect aux auteurs du rapport : “l’absence de signalement ne signifie pas qu’il n’y a aucun incident digne de signalement. C’est plutôt un indicateur du fait que le mécanisme n’est pas connu ou n’inspire pas confiance”.
Par ailleurs prêtres, salariés, stagiaires, comme bénévoles laïcs ou non ne sont pas ou peu formés à la prévention des violences sexuelles et à leur signalement au sein des MEP, constatent les auteurs du rapport pages 34-35, et ce même s’il y a des opportunités d’accompagnement des salariés, ou des prêtres – ces derniers, quand ils sont dans des diocèses de pays occidentaux, se voient proposer des formations à la prévention des abus, mais si elles ne sont pas obligatoires, n’y ont pas forcément assisté.
La communication interne et les “conflits d’intérêt” au sein des MEP mis en cause
Les auteurs du rapport mettent en cause la gestion des abus au sein même des MEP. Notamment le manque que communication : “les MEP ont une communication très restreinte. Il est primordial de respecter la confidentialité de toutes les parties dans ces processus mais un certain niveau de transparence est nécessaire vis-à-vis des personnes qui ont fait le signalement et vis-à-vis des victimes et témoins impliqués […] Le fait qu’il y a très peu de communication est interprété comme un certain immobilisme des MEP alors que des initiatives ont le plus souvent été prises. Si les personnes effectuant un signalement ont l’impression que cela ne sert à rien ou n’aboutira pas, la confiance dans le mécanisme de signalement est altérée. L’église locale a également besoin d’être informée voire associée aux décisions”.
Par ailleurs, ils ont consulté certains rapports internes sur des cas d’abus, et ils pointent aussi des problèmes : “Ces enquêtes ont été effectuées de façon confidentielle et détaillée et ont fait l’objet d’un rapport rigoureux, partagé au conseil puis à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Néanmoins, elles ont été effectuées par un prêtre des MEP connaissant les protagonistes dans certains cas, ce qui indique un conflit d’intérêt. Par ailleurs, ce prêtre n’a pas été formé à la conduite d’enquêtes de safeguarding. Cela n’est pas en contradiction avec le Vademecum 2.0 et Vos Estis Lux Mundi, 2019 qui stipulent que le supérieur général peut faire appel à la personne ou l’institution de son choix, mais la conduite de telles enquêtes exige une expertise spécifique. Les enquêtes n’ont pas été conduites en binôme et les MEP n’ont pas fait appel à des experts externes”.