Lu dans le bulletin des Veilleurs, qui prient tous les midis en semaine devant l’archevêché de Paris pour le rétablissement des messes traditionnelles supprimées par Mgr Aupetit et non rétablies (encore) par Mgr Ulrich.
“Notre vocation de veilleurs liturgiques parisiens fait que nous considérons avec grande attention en premier la situation parisienne, comme je vous le disais la semaine dernière. Elle est d’ailleurs particulièrement significative. Elle résulte d’une confrontation entre un archevêque, Mgr Laurent Ulrich, un peu mystérieux, et un peuple fidèle traditionnel divers, mais d’un nombre très conséquent.
Mgr Ulrich, 72 ans – qui est donc théoriquement à trois ans de la retraite, mais on lui accordera sans doute des prolongations – est arrivé à Paris, pour remplacer Mgr Aupetit, en avril 2022, c’est-à-dire dans un diocèse où Traditionis custodes avait sérieusement malmené la géographie des messes traditionnelles (suppression de deux lieux paroissiaux populaires, Notre-Dame du Travail et Saint-Georges de la Villette, et suppression de la messe des jeunes du mercredi à Saint-François-Xavier qu’assurait un prêtre de la FSSP, entre autres).
Homme de réflexion attentive, très calme, souvent froid et parfois glacial dans les relations humaines dès l’instant que le courant idéologique ne passe pas, il a été archevêque de Chambéry puis de Lille avant d’accéder au siège de Paris. Prélat « de gauche », moins visiblement cependant que ne le fut un homme comme feu Mgr Simon, gestionnaire financier plutôt bon pour un ecclésiastique, réaliste, il aime les prêtres qui « réussissent », et plus généralement le curés qui administrent bien, mais tique s’ils sont trop « à droite », bien qu’à la rigueur il puisse s’en accommoder.
En fait, selon toute vraisemblance, les instructions que lui a donné le nonce apostolique, lors de sa nomination, portaient essentiellement sur le règlement, pour ne pas dire la liquidation, de la succession Aupetit, dernier archevêque de la lignée lustigérienne, celle de Lustiger, Vingt-Trois, Aupetit, lignée qui aurait dû se continuer avec le parisien Mgr de Moulins-Beaufort, mis en réserve à Reims et destiné à remplacer Mgr Aupetit lorsque celui-ci prendrait sa retraite. Mais, comme on sait, Mgr Aupetit n’a pas duré… « Monseigneur, il vous appartient de tourner la page », a dit en substance Mgr Migliore à Mgr Ulrich.
La principale préoccupation de Mgr Ulrich porte donc sur les deux créations du cardinal Lustiger : le séminaire de Paris et l’École Notre-Dame. Le séminaire de Paris, réparti en diverses maisons d’accueil dans la capitale, qui avait été créé pour retirer les séminaristes parisiens du séminaire régional d’Issy-les-Moulineaux, à l’époque très « à gauche », est promis à une fusion avec ce dernier. Les séminaristes de l’un et l’autre séminaire – auxquels s’ajoute le séminaire universitaire des Carmes, auprès de l’Institut catholique – sont désormais de profil classique très semblable, mais surtout ils sont de moins en moins nombreux, et la dépense de deux – et même de trois – entités de formation ne se justifie plus. Il est donc probable que les deux – les trois – communautés vont fusionner. Et il est possible que, faisant d’une pierre deux coups, l’ensemble des aspirants au sacerdoce deviennent tous des élèves de l’Institut catholique, qui reste très progressiste. Ce qui, par le fait, enlèverait son intérêt à l’École Notre-Dame, fille du cardinal Lustiger et qui fut l’objet de tous les soins du cardinal Vingt-Trois.
La question des traditionalistes arrive donc en second. Pour autant, elle n’est pas absente pour l’archevêque, qui a dû aussi recevoir des consignes du nonce, lequel pouvait apercevoir tous les samedis, en se penchant à la fenêtre de son salon de réception, les veilleurs réciter le chapelet sur le trottoir de l’avenue du Président-Wilson, sous la bienveillante surveillance d’une camionnette de la Police.
L’objectif ici est simple, du moins en théorie : ne pas rétablir les messes supprimées, et même rogner l’importance des messes conservées, et imposer la célébration de tous les autres sacrements autres que la messe (concrètement : baptêmes, confessions, confirmations, mariages) dans le rite nouveau, au besoin en latin.
Mais à Paris, la partie adverse, à savoir les fidèles traditionnels sont nombreux, divers, revendicatifs, avec la présence de lieux lefebvristes très importants, Saint-Nicolas du Chardonnet, Notre-Dame de la Consolation et quelques autres chapelles, mais aussi de chapelles indépendantes qui échappent à l’administration diocésaine, comme le Centre Saint-Paul, avec une fluidité des assistances qui passent d’un lieu de culte autorisé à un autre non autorisé et vice-versa, sans aucun état d’âme (au grand déplaisir des autorités diocésaines, mais aussi des autorités lefebvristes).
On sent donc bien que l’archevêque et ses vicaires généraux voudraient « serrer la vis », mais ne l’osent qu’à moitié : pouvoirs conférés pour confirmer en rite traditionnel, puis retirés, mais sachant que la majorité des parents feront alors confirmer leurs enfants à Saint-Nicolas du Chardonnet ; réflexions difficiles sur l’avenir de Saint-Roch, comme je le disais la semaine dernière ; rétablissement d’une messe du mercredi confiée à un prêtre de la FSSP, mais à Notre-Dame du Lys, dans des locaux bien plus modestes qu’à Saint-François-Xavier ; conservation des lieux de culte où est toujours dite la messe traditionnelle, mais avec des réductions, à Sainte-Odile en semaine, à Sainte-Jeanne de Chantal où on vient d’apprendre qu’il n’y aura pas de messe des Rameaux en rite ancien ; instructions données au sujet des baptêmes et des confessions, mais sans trop insister ; etc.
Nous devons donc être bien certains qu’il ne faut rien lâcher. Notre objectif ultime est clair : obtenir pour les prêtres et pour les fidèles la liberté de la célébration et de l’usage de la liturgie traditionnelle. La manifestation concrète, le continuel rappel pour mémoire, de notre revendication sainte et de la pression qu’exerce la masse traditionnelle parisienne est donnée de manière continue par nos chapelets devant les bureaux de l’archevêché, 10 rue du Cloître-Notre-Dame, du lundi au vendredi, de 13h à 13h 30, à Saint-Georges de La Villette, le mercredi à 17h, et devant Notre-Dame du Travail, le dimanche à 18h”.
“arrivé à Paris, pour remplacer Mgr Aupetit, en avril 1922”
Nous ne vivons apparemment pas dans le même siècle ;)
Très juste, merci beaucoup !
Corrigé.
Manifestement, le détournement de finalité du mouvement liturgique dont nous continuons à subir les conséquences, surtout depuis 1969, n’est pas considéré par certains évêques comme un détournement illégitime, mais est plutôt considéré par eux comme le véritable mouvement liturgique.
Il y a là, en réalité, un phénomène d’un extrême intérêt : c’est exactement comme si le catholicisme, à tout le moins sur le plan liturgique, avait été expulsé de l’Eglise par les clercs qui en ont la charge, ou, en d’autres termes, c’est globalement comme si ces clercs avaient décidé d’entrer puis de rester en guerre contre leur propre confession chrétienne, quoi qu’il en coûte, pour ainsi dire.
Or, il est piquant de constater que, surtout depuis le début des années 1960, l’Eglise catholique et le monde contemporain, avant tout en Amérique et en Europe, fonctionnent beaucoup et souvent sur le même registre, en l’occurrence sur le registre du ressentiment, prétendu propice à l’émancipation, ou soi-disant propice à l’épanouissement, ce ressentiment étant clairement et fermement opposé à la Tradition.
En quoi donc un état d’esprit “conciliaire” qui ressemble aussi fréquemment et nettement à la vision des choses inhérente à l’esprit du monde de ce temps peut-il avoir un caractère “authentiquement évangélique” ?
Qui ne voit l’escroquerie, la supercherie, le tour de passe-passe ou l’usurpation qui est à l’oeuvre, de la manière la plus dominatrice ou hégémonique qui soit, depuis la fin des années 1960 ?
Et pourquoi cette escroquerie ou cette usurpation n’est-elle pas dénoncée plus souvent, en tant que telle, par les catholiques traditionnels ?
Bonjour,
ou peut-on trouver ce bulletin des veilleurs ? Je suis intéressé par les informations sur Saint-Roch dont ils parlent ici.
Bien à vous,