L’affaire de Bétharram continue à prendre de l’ampleur, avec plus de 150 victimes, quarante nouvelles plaintes déposées ce 27 février et des ramifications dans les diocèses voisins – après le diocèse de Tarbes, dont un des surveillants mis en cause est diacre (suspendu depuis sine die par Mgr Micas), Orléans et Bourges où un surveillant général mis en cause pour dizaines de faits de violences et d’abus sur élèves a été CPE puis directeur adjoint de collège, ce sont maintenant les diocèses de Limoges et de Paris qui sont rattrapés du fait de la carrière d’un autre prêtre-enseignant mis en cause par les anciens élèves de Bétharram, l’abbé Jean Tipy (1922-2009).
Objet d’une plainte par un ancien élève aujourd’hui âgé de 74 ans, le père Jean Tipy a été directeur de Notre-Dame de Bétharram au début des années 1960 avant d’être celui du collège Ozanam à Limoges. « À la fin des années 1960 – début des années 1970, il devient directeur du collège privé Ozanam à Limoges, avant de rejoindre le fameux collège Stanislas, à Paris comme professeur de religion et professeur de français« , indique le Populaire, qui précise cependant que « aucune victime n’est pour le moment connue à Limoges« . Le journal limougeaud publie aussi le témoignage de … l’actuel vicaire général du diocèse de Limoges, le père Pierre Morin, scolarisé à Notre-Dame de Bétharram.
Un intérêt étrange pour la correspondance pédophile de Gide
Selon un témoignage paru dans le groupe des victimes de Bétharram, le père Tipy « s’était spécialisé sur André Gide« , écrivain plutôt sulfureux connu pour sa défense de la pédophilie, à longueur d’écrits. Un intérêt étonnant pour un professeur dans un collège. Le témoignage apporte un autre éclairage sur la correspondance entre André Gide et Henri Ghéon, dont le texte avait été établi par Jean Tipy et qui avait été publiée en 1976 par la NRF, en deux tomes : « il n’a pas étudié le style littéraire de l’auteur Gide, comme on aurait pu s’y attendre, mais a étudié une correspondance qu’avait établie Gide avec un compagnon de débauche (pour faire court) avec qui il partait en Algérie et en Asie Mineure »consommer’‘ (sic) des enfants autochtones de dix ans […] Etrange choix de correspondance où il n’est nullement question du style littéraire de l’auteur, mais le centre d’intérêt semble être avant tout la pédophilie de l’auteur, présenté comme un »esprit libre et anticonformiste ». La quatrième de couverture évoque sans vraiment se cacher des « amours partagées pour de jeunes hommes » – c’est l’époque de la défense de la pédophilie par les « intellectuels » français, dont 80 publient le 23 mai 1977 une tribune pour demander la décriminalisation des rapports entre les adultes et les mineurs de 15 ans.
L’auteur du témoignage achève : »Cette correspondance avait été publiée en 1976, époque à laquelle la pédophilie était acceptée [dans certains milieux intellectuels] comme quasiment révolutionnaire, le droit au plaisir etc. ; « ça m’avait mis mal à l’aise, mais quand a éclaté le scandale Bétharram, j’ai pu remettre en perspective l’intérêt de ce père pour cet auteur sulfureux« .
Des affaires d’abus à répétition au collège Stanislas
Prestigieux établissement parisien, le collège Stanislas est de façon récurrente aussi au coeur d’affaires d’abus :
- En 1998, Jean-Yves Amoros, éducateur de l’association Loisirs-Culture Stanislas, en poste depuis 1967 dans l’établissement, où il loge, et diacre à Notre-Dame de Paris, est interpellé après avoir été accusé de viol sur un adolescent de 14 ans élève de Stanislas en 1985-86. Jugé en 2003, il est condamné à sept ans de prison – le procès révèle d’autres faits similaires, des victimes achetées avec des cadeaux et l’inaction de la direction.
- Le directeur de l’établissement de 2003 à 2015, Daniel Chapellier, est mis en cause pour abus sexuel en février 2021 par les parents d’un collégien de 14 ans de Saint-Jean de Passy où Mgr Aupetit l’avait appelé après avoir débarqué François-Xavier Clément; sur son ordinateur sont retrouvées 57 images d’adolescents « dans des situations pornographiques » et des recherches avec des mots clés pédopornographiques. Il est aussi mis en cause par 23 anciens élèves du collège de Juilly, dont il a été directeur de 1983 à 1995, qui affirment qu’il était « obnubilé par la sexualité des adolescents » et d’une « curiosité malsaine« ; trois d’entrent eux l’accusent d’avoir couvert des faits d’abus commis par un chef de division, une enquête est ouverte.
- en 2018 le directeur de l’internat des classes préparatoires depuis 2013 est licencié pour « consultation de sites internet à caractère pédopornographique avec le matériel informatique professionnel », enquête finalement classée par la justice ‘‘au vu du nombre restreint d’images pédopornographiques » retrouvées (!) En revanche, d’anciens élèves le mettent en cause pour viol dans une colonie de vacances des années 1980, faits couverts par la prescription. Il a été mis en examen en février 2024 pour abus commis en 2001 sur un élève du collège Saint-Martin de France à Pontoise; le même est aussi jugé en septembre 2024 pour violences notamment à coups de cravache contre six anciens pensionnaires, et condamné à un an de prison avec sursis.
- l’abbé Seguin, responsable de l’aumônerie de l’établissement en 2000-2009, est mis en cause par deux signalements en 2015 et 2018 auprès du diocèse de Paris pour agression sexuelle, dont des faits en confession à l’internat de Stanislas en 2000; si les faits sont classés pour infraction insuffisamment caractérisée par la justice, en 2020 la justice canonique lui interdit pendant cinq ans l’accompagnement spirituel et la confession outre sa charge d’aumônier d’hôpital, dont il est finalement suspendu par l’hôpital Cochin quand la condamnation canonique est rendue publique par la presse en 2023.
- en janvier 2024 un professeur, spécialiste d’héraldique, à mi-temps à Stanislas, est suspendu après avoir été visé par une plainte pour agression sexuelle sur une jeune fille externe à l’établissement.