Ce samedi, dans les locaux de la CEF, le cardinal Aveline, lui-même mis en cause récemment par Paris Match pour avoir tardé à faire son devoir en matière d’abus dans son diocèse – et au séminaire interdiocésain d’Aix, reçoit une trentaine de victimes d’abus, ainsi que de représentants des collectifs de victimes.
Le cardinal marseillais est particulièrement attendu au tournant, par des victimes lasses du manque de transparence de l’Eglise – et de l’enseignement catholique – sur des affaires toujours plus nombreuses, de la durée du processus d’indemnisation et de devoir répéter leur vécu et leurs souffrances à des interlocuteurs qui ne cessent de se renouveler.
Le Parisien retrace bien l’ambiance et le ressenti des victimes, à la veille de la rencontre : » Isabelle a déposé plainte, mais les faits sont prescrits. Le pardon de l’Église, lui, a mis des années avant d’arriver. « Je viens tout juste d’être reconnue victime par l’institution et de toucher une somme… bien modique, au regard du traumatisme », poursuit-elle, jurant pour autant ne pas avoir « l’intention de lâcher les chiens » contre le cardinal. « On a tous besoin d’entendre ce qu’il a à nous dire sur les sujets le concernant, reprend Jérôme, lui-même victime d’un prêtre quand il était enfant, en Vendée. En tant que chef de file de l’Église de France, c’est lui qui porte ces sujets donc s’il a fauté, cela prend une dimension particulière ! »
Une certitude : un discours mou ne prendra pas auprès de gens traumatisés par leur agression. « Comme on a trop souvent entendu sur ces dossiers, il ne faudra pas se dédouaner et nous dire : Ce n’est pas moi, c’est l’autre ! » ajoute Isabelle. « Il y a de la bonne volonté, mais j’ai la désagréable impression qu’on repart de zéro », soupire Isabelle, en relisant l’ordre du jour que la CEF lui a envoyé. Exemple : au menu, un atelier de cartographie des risques d’abus… « Mais on l’a déjà fait », s’agace l’Angevine. Il faut dire qu’autour du président, c’est toute l’équipe dédiée à ces sujets au sein de l’Église qui a été remaniée, sous la houlette de Gérard Le Stang, l’évêque d’Amiens, nouveau responsable du Conseil de prévention et de lutte contre la pédophilie (CPLP)« .
La fin de l’INIRR mi-2026 en question
Mgr Aveline reçoit aussi des représentants des collectifs de victimes, venus l’interroger sur la poursuite des engagements de l’Eglise de France sur la prise en charge des victimes majeures et mineures, la prévention, la poursuite de ceux qui ont couvert et protégé les auteurs, et l’établissement de règles communes aux diocèses – aujourd’hui dans bien des endroits, chaque diocèse et directeur d’enseignement catholique diocésain (ou interdiocésain) fait à sa façon, et la communication diffère aussi sensiblement.
Surtout, la fin prévue de l’INIRR mi 2026, l’instance qui reçoit, écoute et détermine les indemnisations des victimes du clergé diocésain, interroge et indigne les victimes. « S’ils croient être sortis d’affaire et fermer le livre pour passer à autre chose alors que bien des affaires dans les diocèses ne sont pas sorties, entre les établissements scolaires, les petits séminaires etc., ils se trompent lourdement« , constate un membre du collectif des victimes de Saint-Stanislas, pour lequel « il faut à minima prolonger l’INIRR de quelques années, car nous sommes encore au début du processus de vérité, et non à la fin comme pensent certains évêques« .