L’historien de l’architecture Matthieu Lours s’élève dans la Croix contre la “culture de la négligence” dans l’entretien du patrimoine religieux qui conduit à un constat paradoxal – une partie des églises et du patrimoine religieux français sont sauvés grâce à des restaurations onéreuses, dans les règles de l’art, avec des appels aux dons pour plusieurs dizaines, voire centaines de milliers d’euros, tandis que d’autres – bien d’autres, dépérissent faute d’entretien courant qui pourrait éviter la nécessité de travaux lourds.
“Aujourd’hui, les urgences sont multiples, mais il est possible de bien les identifier. La première tient en un constat paradoxal. En France, les propriétaires d’églises – essentiellement les municipalités, mais aussi les diocèses pour les églises bâties après 1905 ou l’État pour les cathédrales de la plupart des diocèses – mènent souvent des restaurations exemplaires et onéreuses mais rencontrent des difficultés à entretenir les lieux de culte.
Il existe en France une paradoxale culture de la négligence. On restaure à grands frais. Mais ce qui sauve un édifice à moindres frais, c’est de l’entretenir : curer des gouttières, remplacer les tuiles cassées, vérifier le circuit électrique. Ce sont des gestes faciles à accomplir.
Pourquoi tant de défaillances ? Si l’église est classée au titre des Monuments historiques, peut-être attend-t-on une intervention de l’État ? Mais si elle ne l’est pas ? Or, la majorité de nos églises sont des édifices du XIXe siècle, non classés et non inscrits, qui, pourtant, constituent un élément qualitatif majeur au sein des paysages urbains et ruraux du pays. Si leur entretien est négligé, il y a fort à parier que leur dépérissement est certain, compte tenu du prix prohibitif d’un processus de restauration sans possibilité d’une subvention.
Que faire ? Tout d’abord, accroître la vigilance autour des édifices de culte. Il incombe au clergé affectataire, aux citoyens, quelle que soit leur appartenance religieuse – puisque l’édifice est très souvent municipal – de mettre les propriétaires face à leur responsabilité. Et peut-être, au législateur, de travailler à une obligation d’entretien courant des édifices cultuels appartenant aux collectivités territoriales. De façon à centrer les restaurations, portées par les subventions et les mécénats, sur les situations où une cause extraordinaire, comme une tempête, un mouvement de sol ou un incendie est venu compromettre la survie de l’édifice“.
“Il n’y a pas de jeunes, même pour passer un coup de balai”
Un autre problème, relevé notamment par un liseur du Forum Catholique il y a trois ans, est le manque de renouvellement des personnes qui entretiennent le patrimoine religieux, tant au sein des collectivités que des paroisses, et leur vieillissement. “Partout en France, à de très rares exceptions près (généralement liées à des associations de sauvegarde, des laïcs qui font visiter le clocher pour entrer des sous pour l’entretien courant, parfois à des maires très investis dans la protection du patrimoine, ou à des curés, et des régions où il y a des moyens – IDF, Alsace concordataire, paroisses de centre ville) l’âge moyen des sacristains, bedeaux et autres employés d’entretien dépasse amplement les cinquante ans, voire les 60. Pour faire simple – il n’y a pas de jeunes, même pour passer un coup de balai. Chez les “tradis” aussi“.
Ces constats sont déjà connus mais les responsables (municipalités, clergé affectataire,) ne souhaitent pas se saisir du juge, administratif surtout avec les référés et las actions en responsabilité de la puissance publique pour faire avancer les choses et faire appliquer la loi
Le contentieux n’est pas à sa vraie place en ce sens où personne ou presque, chez ces autorités civiles et religieuses ne fait un inventaire ordonné avec priorités à définir pour obliger les responsables à faire les travaux d’entretien et de restauration nécessaires.
On a l’impression que les autorités compétentes agissent au coup par coup au gré des émotions du grand public et des catastrophes qui font irruption.
Une réflexion juridique et contentieuse est décidément manquante alors que la législation est pourtant existante et les règles du contentieux sont suffisamment claires et efficaces. .