Dans une note datée datée du 19 septembre dernier, le Dicastère pour la Doctrine de la Foi se prononce non sur le caractère surnaturel des apparitions de Medjugorge (Bosnie-Herzégovine), mais sur ses fruits spirituels. La note reconnaît en effet des “fruits positifs” qui se manifestent à travers différentes attitudes, comme une pratique «saine de la vie de foi», une pratique sacramentelle ou une «pratique plus intense de la prière». La note y relève en effet «des conversions abondantes» des personnes, ainsi que «de nombreuses réconciliations entre époux et le renouveau de la vie conjugale et familiale». Bref, beaucoup de fruits sont reconnus dans un «lieu reconnu comme un espace de grande paix, de recueillement et de piété sincère, profonde et communicative». On citera les extraits qui semblent pertinents pour mieux comprendre le document romain qui applique les nouvelles normes édictées le 17 mai 2024 “pour le discernement des phénomènes surnaturels présumés”.
Pas de jugement sur la vie morale des présumés voyants
La note précise “d’emblée” que “les conclusions (…) n’impliquent pas un jugement sur la vie morale des présumés voyants”. En effet, les dons spirituels «ne requièrent pas nécessairement la perfection morale des personnes impliquées pour pouvoir agir».
il faut rappeler que lorsqu’on reconnaît une action de l’Esprit pour le bien du Peuple de Dieu “au milieu” d’une expérience spirituelle depuis ses origines jusqu’à nos jours, les dons charismatiques (gratiae gratis datae) – qui peuvent y être liés – ne requièrent pas nécessairement la perfection morale des personnes impliquées pour pouvoir agir.
Des messages de grande valeur, mais des messages qui doivent aussi être clarifiés
La note parle des différents messages et souligne certains aspects comme celui de «Reine de la Paix». L’énumération est longue, car les messages n’abordent pas que la Vierge Marie: ils parlent de Dieu, du Christ, “Roi de la paix”, etc., mais aussi des attitudes à avoir: appel à la conversion, recherche de la vie éternelle.
Mais si « l’ensemble des messages présente une grande valeur et exprime en des termes différents les enseignements constants de l’Évangile », la note souligne que « certains messages peu nombreux s’éloignent de ce contenu positif et édifiant et semblent même le contredire. Il convient de veiller à ce que ces rares éléments confus n’éclipsent pas la beauté de l’ensemble ». Ces messages peuvent être confus. La confusion peut être due aux perceptions, mais pas seulement. Dans certains cas, les messages peuvent aussi devenir leur propre objet. La note cite ainsi des exemples de ces confusions. Dans quelques cas, il est même demandé de ne pas en tenir en compte.
La note n’exclut donc pas l’existence “d’inexactitudes, d’imperfections ou de confusions possibles”:
reconnaître une action de l’Esprit Saint au sein d’une expérience spirituelle ne signifie pas que tout ce qui a trait à cette expérience soit exempt d’inexactitudes, d’imperfections ou de confusions possibles. Il faut rappeler de nouveau que ces phénomènes « semblent parfois liés à des expériences humaines confuses, à des expressions théologiquement imprécises ou à des intérêts qui ne sont pas entièrement légitimes » (Normes, n. 14). Cela n’exclut pas la possibilité de « quelque erreur d’ordre naturel qui n’est pas due à une mauvaise intention, mais à la perception subjective du phénomène » (Ibid., art. 15.2).
La note procède donc à une clarification.
Ainsi, concernant l’insistance constante sur l’écoute des messages, «il est raisonnable que les fidèles, faisant preuve de prudence et de bon sens, ne prennent pas ces détails au sérieux et ne les écoutent pas. Il faut toujours se rappeler que dans ce cas, comme dans d’autres expériences spirituelles et phénomènes surnaturels présumés, des éléments positifs et édifiants sont mélangés à d’autres qui doivent être négligés, mais qui ne doivent pas conduire à mépriser la richesse et le bien de la proposition de Medjugorje dans son ensemble » (n. 30).
Mais la note souligne aussi les messages problématiques, comme ceux où la Vierge parle de ses “plans”, de ses “projets”. Le Dicastère rappelle que «en réalité, tout ce que fait Marie est toujours au service du projet du Seigneur et de son plan divin de salut. Marie n’a pas de plan propre pour le monde et l’Église. Par conséquent, ces messages ne peuvent être interprétés que dans ce sens : la Vierge assume pleinement les plans de Dieu au point de les exprimer comme si c’étaient les siens.»
Le nihil obstat ne vaut pas reconnaissance du caractère surnaturel des apparitions de Medjugorge
La note conclut en reconnaissant un « nihil obstat concernant un événement spirituel », et ce conformément aux récentes normes relatives aux apparitions. Mais « cela n’implique pas une déclaration du caractère surnaturel du phénomène en question ». Les fidèles ne sont pas tenus d’y croire, car le nihil obstat « indique qu’ils peuvent recevoir une stimulation positive pour leur vie chrétienne à travers cette proposition spirituelle et autorise le culte public ».
Bref, la note considère que
l’évaluation des fruits beaux et positifs, abondants et répandus, n’implique pas de déclarer authentiques les événements surnaturels présumés, mais seulement de souligner que “au milieu” de ce phénomène spirituel de Medjugorje, le Saint-Esprit agit de manière fructueuse pour le bien des fidèles. Par conséquent, il est demandé d’apprécier et de partager la valeur pastorale de cette proposition spirituelle (cf. Normes, n. 17).
À peine publié, le document a été vivement critiqué, alors qu’il ne reconnaît pas de caractère surnaturel aux apparitions, mais analyse certains fruits de ce lieu de prière.
Bon, c’est important de parler de ce sujet, mais au catéchisme d’avant, on m’avait appris que les apparitions “ne sont pas du Magistère infaillible” mais viennent seulement augmenter la dévotion et rendre la foi plus vivante.
Mais n’aviez vous pas annoncé un article que vous deviez rédiger sur cette déclaration calamiteuse du pape François 1er sur les religions ? Là, c’est du Magistère dont il faut parler, surtout s’il est menacé dans son intégrité et ce me semble plus prioritaire d’ en parler que de cette Déclaration de Rome “.
1) Les apparitions, même quand elles sont reconnues comme authentiques ne font pas seulement pas partie du magistère: elles ne font pas partie de la Révélation et n’y ajoutent rien; ce ce sont juste des révélations privées. Lisons cet extrait du Catéchisme de l’Eglise catholique:
67 Au fil des siècles il y a eu des révélations dites ” privées “, dont certaines ont été reconnues par l’autorité de l’Église. Elles n’appartiennent cependant pas au dépôt de la foi. Leur rôle n’est pas d’ ” améliorer ” ou de ” compléter ” la Révélation définitive du Christ, mais d’aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l’histoire. Guidé par le Magistère de l’Église, le sens des fidèles sait discerner et accueillir ce qui dans ces révélations constitue un appel authentique du Christ ou de ses saints à l’Église.
La foi chrétienne ne peut pas accepter des ” révélations ” qui prétendent dépasser ou corriger la Révélation dont le Christ est l’achèvement. C’est le cas de certaines religions non chrétiennes et aussi de certaines sectes récentes qui se fondent sur de telles ” révélations “.
2) On peut douter de l’intérêt à intégrer des propos tenus dans un discours ou dans une allocution comme un acte du magistère, faute de quoi on intégrerait les pronostics de football ou les conseils de lecture… Concernant les propos du pape, voici un article.
Beaucoup de pèlerins sont des chrétiens de bonne foi, et bien sûr quand on fait la démarche de venir prier et rencontrer la Vierge Marie, où que ce soit, on en retire toujours un grand bien.
J’éprouve cependant un malaise vis à vis de la position de l’Eglise. Si les apparitions sont contestables, si l’attitude des “voyants” est équivoque, et je ne parle même pas de l’inconduite passée des franciscains du lieu, si leur vie ne témoigne pas d’une recherche de la sainteté, comment approuver un pèlerinage qui reposerait sur un mensonge ?
François,
Je ne suis pas favorable à la reconnaissance de Medjugorgie, mais certains ont honnêtement essayé de distinguer sans rejeter tout, comme Yves Chiron.
Il est possible que des apparitions aient réellement eu lieu à un moment, on ne peut douter que la sincérité des fidèles n’est pas en cause, comme que des fruits spirituels aient existé et peut être existent encore.
Mais la vie des voyants, la durée et la persistance des “apparitions” ainsi que l’emprise des franciscains, ne plaident pas pour une reconnaissance canonique. De plus, aucune révélation privée n’est un dogme de foi, et l’Eglise reste toujours prudente à plus forte raison quand tant de passions se déchainent autour de présumées apparitions.
Mais pour autant, est il possible d’abandonner des fidèles à eux mêmes ou de rejeter des grâces qu’ils ont pu recevoir?
N’oublions pas que le diable, le diviseur, est capable de jouer sur la faiblesse humaine pour semer le trouble, mais que celui ou celle qui veut faire la volonté de Dieu en toute chose bénéficiera toujours de l’assistance du Saint Esprit. Et nous connaissons tous des fidèles, parfois éloignés de la pratique ou en grande souffrance, qui ont vus leur vie spirituelle progresser autour de ce pélerinage. C’est d’ailleurs un sujet sensible parce que beaucoup ne supportent pas la critique à ce sujet, signe de notre époque. Regardons le bien qui a pu, malgré tout, en sortir pour certains et n’oublions pas qu’aujourd’hui, avec la crise spirituelle et la fragilité des personnalités, un Lourdes ou Fatima provoquerait certainement des abus et des parasitages comme c’était moins le cas dans une période de foi et d’équilibre mental.
Le Catéchisme de l’Eglise catholique dit des choses justes sur ce sujet. Citons-le:
Il n’y aura plus d’autre Révélation
66 ” L’Économie chrétienne, étant l’Alliance Nouvelle et définitive, ne passera donc jamais et aucune nouvelle révélation publique n’est dès lors à attendre avant la manifestation glorieuse de notre Seigneur Jésus-Christ ” (DV 4). Cependant, même si la Révélation est achevée, elle n’est pas complètement explicitée ; il restera à la foi chrétienne d’en saisir graduellement toute la portée au cours des siècles.
67 Au fil des siècles il y a eu des révélations dites ” privées “, dont certaines ont été reconnues par l’autorité de l’Église. Elles n’appartiennent cependant pas au dépôt de la foi. Leur rôle n’est pas d’ ” améliorer ” ou de ” compléter ” la Révélation définitive du Christ, mais d’aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l’histoire. Guidé par le Magistère de l’Église, le sens des fidèles sait discerner et accueillir ce qui dans ces révélations constitue un appel authentique du Christ ou de ses saints à l’Église.
La foi chrétienne ne peut pas accepter des ” révélations ” qui prétendent dépasser ou corriger la Révélation dont le Christ est l’achèvement. C’est le cas de certaines religions non chrétiennes et aussi de certaines sectes récentes qui se fondent sur de telles ” révélations “.
@ Francois : la réponse est sûrement très simple : le fric !
C’est ce que j’ai dit, l’Ecriture et la tradition ferment la révélation, les docteurs de l’Eglise ne faisant que de les développer sans rien à y ajouter. Lourdes ou Fatima ou toute autre apparition reconnue ne sauraient rien en augmenter.
Mais l’être humain ne change pas, il lui coûte de recevoir humblement sans rien y ajouter, que Dieu soit Dieu et lui qu’une créature comme disait sainte Thérèse d’Avila. Aussi, il faut toujours prendre garde que personne ne prétende se placer entre nous et la parole de Dieu.
Observons que les égarements qu’auront permis le flou doctrinal contemporain et le sensibilisme qui pollue la foi de notre époque ont probablement favorisé les abus et perversions de ce que nous enseigne l’Eglise.