Paix Liturgique revient sur le bricolage liturgique que s’imposent les Dominicaines du saint-Esprit et qui consacre le début d’abandon de la messe traditionnelle par celles-ci :
Les inquiétudes formulées par des fidèles de Pontcallec au sujet de l’adoption de la messe nouvel ordo par les dominicaines de Pontcallec lors de leur retraite annuelle, du 27 juillet au 2 août, n’étaient pas sans fondement. « A la demande de Rome », la congrégation, depuis longtemps dans la tourmente, annonçait l’abandon de la messe traditionnelle – une des pierres angulaires des Dominicaines du saint Esprit depuis le début – au profit d’un bricolage liturgique sans nom.
Il s’agit aussi d’une énième intervention romaine dans une congrégation où le vœu d’obéissance – transformé en une servilité qui n’a plus rien à voir avec la vertu d’obéissance – ajoute sans cesse la crise à la crise, fait fuir les vocations, et ne laisse d’une œuvre jadis florissante que du sel sur la lande.
Le 22 juillet dernier, les fidèles écrivaient dans leur lettre : « en effet, par cette annonce, et cette mesure prise « à la demande de Rome » – permettez-nous ici une question qui n’est impertinente qu’en apparence, parce que de sa réponse dépend beaucoup : qui donc est « Rome » ? – vous créez un précédent qui sera presque inévitablement appelé à se renouveler. Vous légitimez ainsi notre inquiétude de voir un jour les dominicaines du Saint-Esprit abandonner totalement la liturgie traditionnelle, et nous offrez l’occasion d’exprimer ouvertement cette inquiétude – et notre vigilante sollicitude ».
Fin juillet, les Dominicaines du Saint-Esprit renouvellent en effet le précédent, et annoncent qu’au premier décembre, elles abandonnent la messe traditionnelle pour un étrange bricolage liturgique, que le Salon Beige récapitule :
« Le Saint-Siège nous demande de suivre le calendrier liturgique actuellement en vigueur dans l’Eglise universelle pour le rite romain ;
Il demande également que dans nos différentes maisons, la messe soit célébrée selon le novus ordo une semaine par mois, à l’exception des dimanches, le vetus ordo restant d’usage pour les trois autres semaines et tous les dimanches.
Il précise que les lectures de la messe seront, pour chaque jour, celles du lectionnaire romain actuel et qu’on utilisera l’ensemble des préfaces du Missel de Paul VI lors des messes selon le vetus ordo.
Ces mesures requièrent de nous un pas important vers la découverte de la liturgie rénovée. Elles susciteront aussi des craintes ; il va de soi que nous veillerons à une mise en œuvre soignée ».
Réformer dans l’incohérence et le désordre
De quoi susciter surtout une masse de questions de la part de l’Union Lex Orandi : « pourquoi faut-il mutiler le lectionnaire et le calendrier liturgique de l’ancien ordo pour manifester que les Mères n’excluent pas le missel selon le novus ordo ? En quoi ce bricolage liturgique venu de Rome peut-il favoriser la « découverte de la liturgie réformée» (selon les termes du communiqué) ?
Qui, au Saint siège, est l’auteur de ces décisions liturgiques approximatives ? Le Dicastère pour les religieux et la vie consacrée ? Le dicastère pour le culte divin et la discipline des sacrements ? Ou, plus vraisemblablement, l’autorité auto-proclamée du Cardinal Ouellet, « protecteur » sans mandat des Dominicaines du Saint Esprit ? ».
Et de constater que « la réforme liturgique imposée aux Dominicaines du Saint Esprit démontre, par les mutilations qu’elle impose à l’ancien rite, que les réformateurs n’ont aucune notion de la cohérence de la liturgie comme « pédagogie de la foi ». Comment comprendre, par exemple, les oraisons du propre du dernier dimanche d’octobre, fête du Christ Roi selon l’ancien ordo, en lisant les lectures du 30ème dimanche du temps ordinaire de l’année B (évangile de la guérison de l’aveugle de Jéricho) ? Ou encore, comment concilier les lectures du 6ème dimanche du temps ordinaire de l’année C qui tombera le 16 février 2025 (ornements verts) avec les oraisons, les psaumes et les antiennes du dimanche de la septuagésime de l’ancien calendrier pour la même date (ornements violets) ? La liturgie est pour les fidèles le langage de Dieu, si l’on demande à Dieu de bégayer, on le rend incompréhensible aux fidèles. Est-ce cela qui est recherché ? »
Pontcallec, un énième drame du détournement de la vertu d’obéissance
En écrivant au sujet de l’obéissance dans le bulletin d’été du prieuré FSSPX de Marseille, l’abbé Beauvais ne pouvait mieux mettre les mots sur les maux de Pontcallec : « Dans l’obéissance aveugle, on demande à la volonté ce qui est du rôle de l’intelligence. On demande à la volonté dès que l’autorité a ordonné d’imposer un diktat « Tu dois obéir » sans que l’intelligence ait pu élever un jugement sur l’honnêteté, la légitimité du commandement, de sa conformité avec la foi de toujours.
On ne se préoccupe pas de savoir si ce qui est ordonné est juste, bon, honnête, catholique. L’intelligence doit se taire, c’est la volonté qui prend le pas et dit : « l’ordre étant donné, tu dois ». Et cela est dramatique, car l’intelligence dans notre nature est ce qu’il y a de plus élevé. Quand la volonté prend cette place, cela cause des drames, et dans le domaine de l’obéissance, c’est ce qu’on appelle l’obéissance aveugle. Que fait l’Église conciliaire aujourd’hui ? Elle fait de l’obéissance une vertu théologale, qui est un absolu, et qui est alors la dégénérescence de l’esprit catholique».
Et de conclure, citant l’abbé Sulmont
L’abbé Sulmont écrivait en son temps : “quand un chrétien a la conviction qu’un ordre est injuste et que cet ordre aura pour victimes non pas seulement sa propre personne mais, une multitude d’autres chrétiens atteints dans leur foi, dans l’esprit et blessés par un grave manquement à la charité, le devoir de ce chrétien n’est pas de se plier lâchement à cet ordre mais d’y résister avec courage. Quelques soient les dommages que lui-même pourra subir : les affronts, les incompréhensions, les calomnies dont il sera l’objet ». Mère Marie Ferréol a eu ce courage, elle a été persécutée et chassée, mais cela n’a pas suffi à sauver la congrégation de Pontcallec.
Messe, vœux, virginité consacrée : on brade tout !
L’union lex orandi réagit :
« L’institut des Dominicaines du Saint Esprit (Pontcallec) vient de communiquer sur la réforme liturgique qui sera appliquée dans ses différentes maisons à compter du 1er décembre :
• adoption du calendrier liturgique du missel de Paul VI ;
• célébration de la messe selon le novus ordo une semaine par mois, à l’exception des dimanches, le vetus ordo restant d’usage pour les trois autres semaines et tous les dimanches ;
• lectures de la messe, pour chaque jour, selon le lectionnaire romain actuel et utilisation de l’ensemble des préfaces du Missel de Paul VI lors des messes selon le vetus ordo.
Cette réforme est présentée par les Mères comme le fruit d’une « invitation » du Saint Siège depuis 2023 à « réfléchir à la manière de manifester, dans notre vie conventuelle aussi, et non seulement lors de quelques occasions extérieures, que nous n’excluons pas le missel selon le novus ordo ». Quelques lignes plus loin, toutefois, il est précisé : « D’autres décisions du Siège Apostolique en matière liturgique nous avaient été annoncées et ont été communiquées à l’Institut ce jour. Elles modifient notablement notre pratique actuelle ».
Et de remarquer que ce n’est peut-être que le début d’une longue série de renoncements : «les constitutions de l’institut font l’objet de travaux, notamment concernant le principal vœu que prononcent les religieuses lors de leur profession. En effet, leur engagement n’est pas celui des vœux solennels de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, mais un vœu unique de virginité consacrée, vécu cependant au sein d’une vie communautaire conforme aux conseils évangéliques. Ce vœu de virginité pourrait-il être remis en question ? Cette hypothèse découle des critiques qui ont été émises sur l’enseignement de l’Abbé Berto, fondateur de l’institut, lorsque les plus folles rumeurs ont circulé sur de prétendus cas de possessions au sein de la communauté il y a une dizaine d’années. De bons connaisseurs du dossier pensent aujourd’hui que l’hypothèse d’une révision des vœux serait la prochaine étape ».
Affaire mère Marie Ferréol : la communauté avait déjà fait litière de son règlement, et de la plus élémentaire morale
Du reste le jugement du tribunal civil de Lorient qui rendait justice à mère Marie Ferréol, pourchassée puis chassée par les Dominicaines de Pontcallec et le cardinal Ouellet, soulignait combien la communauté des Dominicaines de Pontcallec avait abandonné non seulement son règlement, mais aussi des considérations morales plus élementaires – dans ces conditions, il n’était pas étonnant qu’un jour, la messe aussi serait balancée par-dessus bord.
« Sans surprise, les Dominicaines de Pontcallec ont été reconnues fautives pour l’irrespect de leur propre règlement pendant le renvoi de mère Marie Ferréol. Me Gouvello, l’avocate de la religieuse, énumère : « (aucun avertissement préalable, aucune possibilité de connaître la décision envisagée, aucune information sur des faits précis et datés lui étant reprochés, absence de toute possibilité de se défendre…) ; absence de motif du renvoi (pas de communication faite sur ses fautes, pas de faits précis reprochés, pas d’avertissement préalable, absence de conseil à ses côtés ». Le jugement assène « force est de constater que l’institut des Dominicaines du Saint-Esprit ne s’est pas préoccupé du bon respect de la procédure et des droits de la défense à son égard ».
Non seulement l’association en tant qu’entité juridique se devait de respecter ses propres statuts, mais la communauté en tant que membre de la Sodalité des Vierges dominicaines du Saint-Esprit, se devait de respecter sa propre constitution. De plus, en tant que communauté religieuse et en tant qu’association déclarée, elle ne pouvait ignorer ni le droit canonique, ni les règles générales du droit relatives au respect des droits de la défense, outre les droits fondamentaux de la personne, face à une décision grave impactant la vie privée d’une Sœur de la communauté ».
A la lumière des nouveaux renoncements des Dominicaines de Pontcallec, les attestations produites par l’accusation contre mère Marie Ferréol semblent les avoir largement desservies. « En effet le tribunal de Lorient remarque à leur lecture qu’il « existe manifestement un passif relationnel très lourd dans cette communauté » et que « beaucoup de témoignages relatent des élements qui se sont passés il y a de nombreuses années, de petits détails de la vie quotidienne dans une communauté, des mesquineries, […] des généralités sur le caractère, les qualités et les défauts présumés de la demanderesse ».
De quoi faire conclure au tribunal qu’il « ne trouve pas dans ces attestations la confirmation que les motifs très généraux figurant dans les décrets d’exclaustration puis de renvoi de Mme Baudin de la Valette, rédigés par le cardinal Ouellet, étaient réellement fondés sur des faits graves et précis, au demeurant non énoncés, justifiant la lourdeur des sanctions prononcées ».
Le choix des Dominicaines du Saint-Esprit : dans le mur à grande vitesse et en klaxonnant
Pour rappel, dans leur adresse du 22 juillet, les fidèles de Pontcallec ont dressé les conséquences de l’abandon de la messe traditionnelle par la congrégation. Voilà tout ce que les Dominicaines du saint Esprit ont choisi – le chemin vers la liquidation totale :
• Trahir la volonté du père fondateur et de ses premières religieuses, qui affirmaient vouloir tenir tout ensemble la fidélité à Rome et l’attachement indéfectible à la liturgie traditionnelle ; entreprise couronnée de succès, comme le soulignait le décret d’érection évoqué plus haut ; c’est en cela une faute objective contre le 4ème commandement ;
• Abuser d’un pouvoir qui n’appartient pas aux héritières et intendantes que vous êtes, sinon en détournant l’œuvre de son objet, à tout le moins en démantelant son plus puissant contrefort ; il serait bien plus honnête de quitter les Dominicaines du Saint-Esprit et de fonder une nouvelle maison ;
• Réduire la fidélité à la liturgie catholique romaine à une affaire de gestion du patrimoine propre de l’institut, en oubliant qu’elle participe au bien commun de toute l’Église, comme le rappelait Benoît XVI : « Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous, et ne peut à l’improviste se retrouver totalement interdit, voire considéré comme néfaste. Il est bon pour nous tous, de conserver les richesses qui ont grandi dans la foi et dans la prière de l’Eglise, et de leur donner leur juste place
• Donner aux plus jeunes d’entre nous, élevés dans l’idée que la loyauté et la fidélité sont parmi les valeurs les plus hautes, un fâcheux exemple de trahison, ou à tout le moins de reddition sans combat ni résistance, trahison de personnes consacrées, donc a priori dignes de leur respect ; mesure-t-on assez l’impact sur leurs âmes ?
• Plonger dans la détresse de vieilles mères désemparées à l’idée de devoir choisir entre leur attachement à cette liturgie, dont elles ont fait le choix avec celui de l’institut, et la menace de perdre le cadre de vie dans lequel elles imaginaient pouvoir finir paisiblement leurs jours, à un âge où il est difficile de tout recommencer ;
• Priver des fidèles, des familles de la possibilité de la liturgie traditionnelle chaque jour que Dieu fait, qui ont choisi de s’implanter aux environs de Pontcalleck, soit de manière permanente, soit pour les vacances, précisément parce ce qu’ils ou elles y trouvaient celle-ci ;
• Ajouter la crise à la crise, au risque de tarir les vocations, de voir les familles se détourner de vos écoles, et finalement d’aggraver encore l’affaiblissement de votre communauté.
Quoiqu’il arrive, les nouvelles Dominicaines du Saint-Esprit – qui ne méritent peut-être pas de mêler l’Esprit saint à leurs errances spirituelles, théologiques, cardinalices, métapolitiques et autres, ne seront plus l’œuvre de l’abbé Berto. Plus probablement, elles embrasseront enfin la modernité, alors qu’une majorité écrasante des chrétiens français et européens ont quitté l’Eglise sur la pointe des pieds, soixante ans après le Concile. Les Dominicaines du Saint-Esprit ont choisi – ou cru choisir : plutôt que traditionnelles, vivantes et résistantes, elles seront modernes, mais desséchées.
Cependant, le flambeau de l’abbé Berto a été relevé depuis bien longtemps par d’autres œuvres, enseignantes ou non, religieuses ou laïques, mais en tout cas traditionnelles – Pontcallec du temps de sa grandeur a été la source de nombreuses rivières. Aujourd’hui le flux a changé de lit, mais s’est répandu de par le monde. Il ne peut plus être étanché, quels que soient les espoirs vains de ceux qui espèrent, un pied dans la tombe ou pour de vaines glorioles, régler les controverses religieuses du temps de leur prime jeunesse ou des comptes plus politiques que religieux. Ceux qui espèrent, en abattant l’œuvre et les écoles de l’abbé Berto, mordre les chevilles, post-mortem, de Mgr Lefebvre qu’il avait accompagné au Concile.
Bien que trahie par ses successeurs directs, l’œuvre de l’abbé Berto vit en nous tous, partout où la Tradition résiste, croit, évangélise, célèbre le Seigneur chaque jour que Dieu fait. Partout où elle tient malgré les persécutions, partout où elle bâtit, enseigne, restaure, élève des calvaires et des missions, soigne les blessures du corps et des âmes, distribue des médailles miraculeuses, lutte contre les sacrilèges, célèbre les vertus chrétiennes et s’oppose aux puissants de ce monde, qui oublient bien souvent que là-haut, ils n’auront aucune autorité. Partout où la vérité refuse de s’effacer devant l’erreur, le nombre, les brillants, l’argent, les titres ronflants. Nous sommes tous l’abbé Victor-Alain Berto.