Suite à l’annonce des Dominicaines du Saint-Esprit concernant leur abandon de la liturgie traditionnelle à la demande du Saint-Siège, l’Union Lex Orandi réagit à ce changement avec quelques interrogations :
L’institut des Dominicaines du Saint Esprit (Pontcallec) vient de communiquer sur la réforme liturgique qui sera appliquée dans ses différentes maisons à compter du 1er décembre :
- adoption du calendrier liturgique du missel de Paul VI ;
- célébration de la messe selon le novus ordo une semaine par mois, à l’exception des dimanches, le vetus ordo restant d’usage pour les trois autres semaines et tous les dimanches ;
- lectures de la messe, pour chaque jour, selon le lectionnaire romain actuel et utilisation de l’ensemble des préfaces du Missel de Paul VI lors des messes selon le vetus ordo.
Cette réforme est présentée par les Mères comme le fruit d’une « invitation » du Saint Siège depuis 2023 à « réfléchir à la manière de manifester, dans notre vie conventuelle aussi, et non seulement lors de quelques occasions extérieures, que nous n’excluons pas le missel selon le novus ordo ». Quelques lignes plus loin, toutefois, il est précisé : « D’autres décisions du Siège Apostolique en matière liturgique nous avaient été annoncées et ont été communiquées à l’Institut ce jour. Elles modifient notablement notre pratique actuelle ».
Trois points sèment le trouble dans cette argumentation :
- comment une « invitation» s’est-elle brusquement transformée au début de l’été en une « décision du Siège Apostolique », annoncée la veille de l’ouverture de la retraite annuelle de la communauté où la messe sera célébrée selon le novus ordo, sans attendre le 1er décembre ?
- pourquoi faut-il mutiler le lectionnaire et le calendrier liturgique de l’ancien ordo pour manifester que les Mères n’excluent pas le missel selon le novus ordo ? En quoi ce bricolage liturgique venu de Rome peut-il favoriser la « découverte de la liturgie réformée» (selon les termes du communiqué) ?
- qui, au Saint siège, est l’auteur de ces décisions liturgiques approximatives ? Le Dicastère pour les religieux et la vie consacrée ? Le dicastère pour le culte divin et la discipline des sacrements ? Ou, plus vraisemblablement, l’autorité auto-proclamée du Cardinal Ouellet, « protecteur » sans mandat des Dominicaines du Saint Esprit ? Il n’est pas inutile de rappeler que l’ex-Préfet en charge des évêques a été incapable de produire le moindre mandat pontifical devant le Tribunal correctionnel de Lorient devant lequel il était cité à comparaître dans l’affaire dite « de Mère Marie Ferréol » et pour laquelle il a été condamné (un appel de ce jugement a été formé).
Bien que ces trois points restent actuellement sans réponse, il est possible de dégager quelques leçons de cette affaire.
Tout d’abord, la réforme liturgique imposée aux Dominicaines du Saint Esprit démontre, par les mutilations qu’elle impose à l’ancien rite, que les réformateurs n’ont aucune notion de la cohérence de la liturgie comme « pédagogie de la foi ». Comment comprendre, par exemple, les oraisons du propre du dernier dimanche d’octobre, fête du Christ Roi selon l’ancien ordo, en lisant les lectures du 30ème dimanche du temps ordinaire de l’année B (évangile de la guérison de l’aveugle de Jéricho) ? Ou encore, comment concilier les lectures du 6ème dimanche du temps ordinaire de l’année C qui tombera le 16 février 2025 (ornements verts) avec les oraisons, les psaumes et les antiennes du dimanche de la septuagésime de l’ancien calendrier pour la même date (ornements violets) ? La liturgie est pour les fidèles le langage de Dieu, si l’on demande à Dieu de bégayer, on le rend incompréhensible aux fidèles. Est-ce cela qui est recherché ? Ce ne sont pas seulement les Mères qui en seront les victimes, toutes les élèves de leurs écoles sont potentiellement concernées, et donc leur famille. Quand on voit les ravages pour l’intelligence que constitue l’enseignement de l’histoire selon le programme de l’éduction nationale, on imagine les conséquences pour l’intelligence de la foi que représente cette réforme.
D’autre part, il faut considérer que le passage des Dominicaines du Saint Esprit à la liturgie réformée, fusse partiellement, est une menace pour tous les instituts de droit pontifical. Leurs constitutions prévoyant l’usage de la liturgie traditionnelle avaient été approuvées par le Pape de manière définitive. Le mouvement de réforme qui s’est traduit tout d’abord par une « invitation » puis par une « décision » annule le bénéfice de constitutions de droit pontifical. Ce qui a été jugé possible par le Saint Siège pour un institut pourrait fort bien être jugé convenable pour tous les autres. Cette perspective est extrêmement préoccupante pour tous les fidèles attachés à la liturgie traditionnelle qui aiment à fréquenter les abbayes où elle est célébrée, là où d’autres religieux pourraient faire l’objet d’une « invitation » semblable.
Enfin, il se pourrait que l’aggiornamento des Dominicaines du Saint Esprit n’en soit qu’à ses débuts. Les constitutions de l’institut font l’objet de travaux, notamment concernant le principal vœu que prononcent les religieuses lors de leur profession. En effet, leur engagement n’est pas celui des vœux solennels de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, mais un vœu unique de virginité consacrée, vécu cependant au sein d’une vie communautaire conforme aux conseils évangéliques. Ce vœu de virginité pourrait-il être remis en question ? Cette hypothèse découle des critiques qui ont été émises sur l’enseignement de l’Abbé Berto, fondateur de l’institut, lorsque les plus folles rumeurs ont circulé sur de prétendus cas de possessions au sein de la communauté il y a une dizaine d’années. De bons connaisseurs du dossier pensent aujourd’hui que l’hypothèse d’une révision des vœux serait la prochaine étape.
Il reste à exprimer ici la tristesse que nous inspire cette évolution, qui prolonge la crise vécue depuis plus de dix ans au sein de l’institut des Dominicaines du Saint Esprit. Très nombreux sont les parents et les élèves qui leur doivent une gratitude légitime, tant elles ont su conduire vers Dieu les intelligences et les âmes depuis des décennies, en s’appuyant fortement sur l’héritage de leurs fondateurs. On songe à la trace lumineuse laissée par Mère Marie-Dominique, ou celle de Mère Marie de Saint Jacques, supérieure générale quasi morte à la tâche, et on se désole de voir cette année le noviciat déserté, l’enseignement du Père Berto remis en cause et le trésor de la liturgie traditionnelle bradé pour on ne sait quoi…
Ces quarante dernières années, le Saint-Siège avait été catégorique “pas de mélange de rites” pour éviter toute confusion et surtout pour éviter ce que nous dénonçons depuis 50 ans : une liturgie qui n’est plus unifiée, à la carte, loin de ce qu’a toujours fait l’Eglise pendant des millénaires.
Une autre chose nous interroge à la lecture de la décision des Dominicaines : changer un élément si central de la vie de la communauté peut-il être changé par une simple décision de Rome ou un simple communiqué ?? la question est ouverte.
Les dominicaines du St Esprit viennent de se tirer une balle dans le pied.
C’est terminé pour elles, plus de vocations et moins d’élèves.
La dernière qui partira éteindra la lumière.
Pour quelle raison les communautés modernistes ne sont-elles pas “invitées” à découvrir le rit traditionnel de la liturgie, une messe selon le missel de 1962 par mois ?