Alors que la communauté de l’Emmanuel vient d’être attaquée en justice par deux victimes d’un prêtre en poste au Mans et à Rennes, depuis renvoyé de l’état clérical, qui accusent la communauté de l’avoir couvert et protégé alors qu’une quinzaine de personnes avaient émis des signalements à son sujet, la commission interne à l’Emmanuel de prévention et de lutte contre les abus a publié son bilan 2023.
“Voici le quatrième bilan d’activité de la Commission de Prévention et de Lutte contre les Abus (CPLA) de la Communauté de l’Emmanuel qui présente ses principales actions pour l’année 2023.
La mission de la CPLA, créée en 2018, s’articule autour de 3 grands axes :
– Ecouter les sollicitations qui lui sont adressées par les personnes qui la saisissent pour une alerte ou demande de conseils, puis y répondre au cas par cas.
– Conduire auprès des membres de la communauté des actions de sensibilisation, de formation et de prévention des abus.
– Coordonner toutes les actions à l’international et être en appui des référents locaux.
L’année 2023 a notamment été marquée par l’inscription officielle de la CPLA dans les Statuts de la Communauté (Cf. Article 61- ACE), le 11 juillet 2023, ce afin de garantir sa légitimité et sa pérennité.”.
42 saisines pour 45 faits où 50 personnes (dont 37 laïcs) sont mis en cause
42 personnes (au lieu de 46 en 2022) ont sollicité la CPLA au sujet de 45 situations (3 personnes ayant alerté simultanément pour 2 situations) :
– 11 situations concernent des suspicions d’agressions sexuelles sur mineurs dont 2 pour suspicion de viol
– 4 concernent des suspicions d’agressions sexuelles sur majeurs dont 2 pour suspicion de viol
– 16 concernent des suspicions d’abus de pouvoir ou de conscience
– 5 concernent d’autres types de sollicitations qui ne nomment pas un abus
– 9 sont des demandes de conseils
Parmi ces 45 situations remontées à la CPLA, 7 concernent l’International :
– 1 pour suspicion d’agression sexuelle sur majeur
– 1 pour suspicion d’agression sexuelle sur mineur
– 3 pour suspicion d’abus de pouvoir ou de conscience
– 2 pour une demande de conseils
32 sollicitations ont été adressées directement à la CPLA, 8 ont été remontées à la CPLA par le service écoute des sessions d’été et des JMJ, 1 par un responsable de la Communauté et 1 par un diocèse.
2/3 des sollicitations (28 sur 42) ont été faites par des membres de la Communauté de l’Emmanuel et 1/3 par des personnes extérieures à la communauté (soit 14 sollicitations).
Pour ces 42 sollicitations, 50 personnes sont mises en cause : 37 sont des laïcs et 13 sont des prêtres.
31 sont membres de la Communauté, dont 7 prêtres, 16 ne sont pas membres de la Communauté, dont 4 prêtres, 3 ne sont pas identifiées.
Sur 42 sollicitations, 4 n’ont pas été traitées par la CPLA [10%] :
– 1 situation hors sujet
– 1 avait déjà été traitée par les autorités judiciaires
– 1 avait déjà été traitée par la cellule d’écoute du diocèse concerné
– 1 n’était qu’une simple transmission d’informations sans demande exprimée
A titre de comparaison, l’Emmanuel revendique avoir actuellement plus de 12.000 membres laïcs dans 67 pays dans le monde, 275 prêtres, une centaine de séminaristes, 225 laïcs consacrés et dix évêques, dont sept en France, un au Cameroun et le très iconoclaste voire quasi-schismatique Hermann Glettler en Autriche.
Suspicions d’agressions sexuelles sur mineurs
Sur les 11 sollicitations pour agressions sexuelles sur mineurs :
– 3 situations ont fait l’objet d’un signalement auprès des autorités judiciaires.
– 4 situations avaient déjà été transmises aux autorités judiciaires.
– 1 situation a fait l’objet d’un signalement aux autorités ecclésiales et aux autorités judiciaires.
– 1 situation a fait l’objet d’un signalement aux autorités ecclésiales seules car l’auteur était décédé.
– 2 situations n’avaient pas assez d’éléments d’information permettant de faire un signalement.
Les 11 personnes mises en cause sont extérieures à la communauté.
Suspicions d’agressions sexuelles sur majeurs
4 sollicitations ont été adressées à la CPLA pour suspicion d’agressions sexuelles sur majeur :
– 1 a fait l’objet d’un signalement auprès du Procureur de la République
– 1 sollicitation, en date de mi -décembre 2023, est en cours de traitement
– 1 a fait l’objet de mesures conservatoires en interne
– 1 est en cours de traitement à l’international par les instances civiles et ecclésiales locales
Les 4 personnes mises en cause sont membres de la Communauté (3 laïcs et 1 prêtre).
Suspicions d’abus de pouvoir et de conscience
La CPLA a été sollicitée à 16 reprises concernant des situations de suspicions d’abus de pouvoir et de conscience, dont 3 émanent de l’International.
Ces sollicitations mettent simultanément en cause des personnes nominatives et/ou des équipes de responsables :
– 15 membres de la Communauté, dont 4 prêtres
– 8 équipes de responsables dont 1 hors de la Communauté
Le traitement de ces situations nécessite une investigation complémentaire auprès des personnes citées ou présentes lors des événements portés à la connaissance de la Commission.
L’organisation et la mise en oeuvre de cette démarche impactent fortement les délais de traitement. Par ailleurs, la majorité des sollicitations (14 sur 16) ont été adressées à la CPLA dans le courant des deux derniers trimestres de l’année.
Hors de France
La CPLA a reçu 7 nouvelles sollicitations internationales :
– 2 pour des attouchements sexuels
– 3 pour des abus de pouvoir
– 2 pour des demandes de conseil
Pour ces 7 sollicitations, 10 personnes sont mises en cause :
– 9 sont membres de la Communauté, dont 2 prêtres
– 1 n’est pas membre de la Communauté
Réorganisation externe et recrutements
Après 4 ans d’existence de la Commission, ses membres ont souhaité mandater un cabinet d’audit externe pour travailler sur l’évolution de l’organisation et du fonctionnement de la CPLA.
En effet :
– Plusieurs sollicitations concernant des situations internes ont soulevé la question de la présence de membres du gouvernement au sein de la CPLA, ceux-ci pouvant être juges et parties.
– L’arrivée de nombreuses situations internes (26 sur 42 situations) ainsi que l’augmentation du nombre de personnes mises en cause (50 au lieu de 35 en 2022) ont nécessité un travail d’investigation et d’analyse plus conséquent qui est venu interroger les moyens et le mode de fonctionnement de la Commission.
– La décision ayant été prise de dissoudre le COS (Comité d’Orientation et de Surveillance, gardien du respect des procédures ainsi que des choix stratégiques de la CPLA), suite à la difficulté d’appréhension de la mission par ses membres et du désistement d’un certain nombre d’entre eux, la question de la présence de membres extérieurs à la Communauté dans la CPLA a dû être réenvisagée.
Le cabinet O3 Experts a été choisi pour effectuer cet audit qui a eu lieu d’avril à juin 2023.
Les conclusions ont confirmé la nécessité de :
– Rendre totalement indépendante l’instance de la CPLA de celle du gouvernement afin de garantir sa souveraineté par une liberté de parole et d’investigation.
– D’écrire plus précisément les procédures de traitement des sollicitations
– De réorganiser la mission des membres de la CPLA autour de pôles thématiques (écoute, suivi des victimes, international, formation, et collaboration avec les structures civiles et ecclésiales externes).
– D’avoir des contacts plus réguliers avec les plaignants qui ont sollicité la CPLA
– Mettre en place une supervision des membres de la CPLA
– D’intégrer au sein de la Commission des membres extérieurs à la Communauté
En conséquence, le départ des membres de la CPLA faisant partie du gouvernement [de la communauté] a été amorcé après l’été et finalisé début 2024. En septembre 2023, un nouveau président a été nommé par le Modérateur Général après validation du Conseil International.
En 2024, la CPLA va engager les actions suivantes :
– Nommer un écoutant-référent pour chaque sollicitation afin de garantir un contact régulier avec les plaignants.
– Recruter 7 nouveaux membres, dont 4 externes, ainsi qu’une assistante administrative.
– Réévaluer l’affectation actuelle des ressources allouées à la CPLA.
– Initier avec les différents responsables une relecture des situations en vue d’améliorer encore la prévention au sein de la Communauté.
– Poursuivre la réflexion sur la gestion de la vie communautaire lorsque auteurs et victimes y restent présents.
– Ajuster les actions de prévention et de sensibilisation à l’évolution des besoins des membres de la Communauté.
– Poursuivre au sein de la Communauté la diffusion de l’existence et des missions de la CPLA
– Poursuivre le travail de prévention et de gestion des situations d’abus dans les différentes zones internationales.
– Solliciter auprès de chaque pays un rapport annuel d’activité.