L’on peut critiquer le temps que la justice de l’Eglise ait mis pour chasser de l’institution des auteurs d’abus, la cécité volontaire de certains évêques et le manque de sens des priorités d’autres. Mais en ce qui concerne l’ex-abbé Mercier, malgré toutes les interférences, ce dernier a été excommunié et renvoyé de l’état clérical en 2022. Cependant, un an après sa mise en examen et son incarcération, bien qu’il ait reconnu des faits graves qu’il persiste à minimiser, la justice des hommes peine à passer pour les victimes… et la presse locale persiste à occulter les faits les plus récents, qui ont eu lieu en 2019. Il y a cinq ans.
L’on apprend qu’il demande à nouveau sa mise en liberté – et que l’enquête de personnalité est accablante, décrivant un homme “manipulateur, égocentrique, narcissique” qui aurait tenté de “séduire” les experts à qui il aurait demandé de “taire certaines informations“; accablante aussi, d’audience en audience, cette propension à s’apitoyer sur son sort sans un mot pour des enfants brisés à vie. Et inutile de dire qu’une fois dehors, au vu de la misère sociale et culturelle de certaines victimes, livrées au père Mercier par leurs proches, le risque de pressions à leur égard reste très fort – d’autant qu’il n’y a pas loin de Pau, où certains proches du père Mercier ont proposé de le loger, à Tarbes.
Rechercher les victimes passées – les faits s’étalent sur quarante ans depuis les années 1970 serait, selon l’avocat de la défense, de “l’archéologie judiciaire“. On peut s’étonner de plusieurs données, dans ce dossier décidément au (très) long cours :
- alors que les appels à témoin par les forces de l’ordre dans les Hautes-Pyrénées pour des accidents routiers ou des rixes sont courants, aucun appel à témoins ne semble avoir été fait par les autorités pour retrouver les victimes dans ce dossier, ce qui serait pourtant doublement logique au vu de l’étalement des faits dans le temps et de la dispersion des victimes – à un moment, la structure de l’ex-abbé Mercier a servi de structure de placement pour enfants en difficulté (!)
- un enquêteur privé local qui a collecté la parole de nombre de victimes n’a toujours pas été auditionné dans le cadre de l’instruction
A se demander, si l’instruction veut réellement trouver quelque chose.
Ce dossier du reste – comme le traitement d’autres affaires d’abus semblables dans les environs (Bétharram, etc) pose des questions plus graves. Et pas seulement sur le fait que l’action de l’Eglise pour faire le ménage et chasser de l’institution les auteurs d’abus demeure insuffisante si la justice est entravée ou traîne en chemin.
Aujourd’hui, aux blocages sociaux s’ajoutent des différences géographiques. Selon qu’un français soit breton, meusien ou des Hautes-Pyrénées, il ne bénéficie pas des mêmes chances d’avancement social, ne dispose pas des mêmes droits et ne se voit pas appliquer le même droit. Le contraste avec un pays façonné par l’égalité, les grands principes affichés par les hommes publics et les devises sur les bâtiments publics est de plus en plus flagrant. Visiblement, l’avertissement donné au premier tour des dernières élections par des territoires oubliés et bouillonnants n’a pas été entendu.