Membre du synode sur la synodalité, Mgr Eychenne réfléchit sur la suite du synode voulu par le pape François dans la nouvelle revue théologique d’avril-juin 2024. C’est toujours plus simple que de réfléchir à la déchristianisation du diocèse de Grenoble bien “ensemencé” en son temps par les ultra-modernistes du centre théologique de Meylan, le déficit d’exploitation, aux églises invendables depuis des années, à la laïcisation, aux délires LGBT et artistiques… L’article est mis en ligne sur le site du diocèse, notes y comprises, pour que tous profitent de l’érudition de Monseigneur…
Une Église missionnaire par nature, et donc « synodale ». Réflexions pour la suite du Synode sur la synodalité.
Le chemin synodal sur lequel nous sommes engagés depuis plusieurs années a vu progressivement la dimension missionnaire de la vie de l’Église remise au premier plan. Peut-être avions-nous quelque peu perdu de vue cet acquis fondamental de la réflexion théologique du concile Vatican II. La mission n’est pas une « activité » de la communauté chrétienne, parmi d’autres, qui serait confiée à quelques spécialistes, elle est l’expression de l’essence-même de l’Église, de sa nature profonde. Or, comprendre cela aura une incidence forte sur le mode de vie ecclésiale (style de vie synodal) dans lequel sont engagés l’ensemble des membres du Corps du Christ qu’est l’Église.
En vue d’étayer cette affirmation, il a semblé utile de relire le décret Ad Gentes (7 décembre 1965), désormais « AG », du concile Vatican II, toujours en lien avec le Constitution Dogmatique Lumen Gentium (21 novembre 1964), désormais « LG », dont il déploie la théologie missionnaire, et d’examiner comment avait évolué le texte proposé initialement aux pères conciliaires. Pour cela, il a été nécessaire de se pencher sur les documents préparatoires au texte final et sur les interventions des pères dans l’aula conciliaire[1]. Les théologiens, dont le travail a préparé l’approche conciliaire, et les documents du Magistère faisant suite au Concile pourront apporter aussi un éclairage important.
Vocation de tous à la mission. Tous acteurs, tous responsables
Si l’on attendait du Concile qu’il rapatrie la mission au cœur de l’Église[2], elle qui tendait à être considérée comme une activité périphérique, le résultat a sans aucun doute dépassé les espérances. En effet, le décret sur l’activité missionnaire ne traite pas d’une des dimensions de la vie de l’Église, mais de toute la vie de l’Église[3]. Il présente la mission comme la vocation propre de l’Église et l’expression de son identité la plus profonde. L’Église n’existe que pour la mission, si nous prenons ce terme dans son acception la plus large. Le Père Yves Congar écrivait, en 1968, dans l’élan conciliaire : « L’Église est essentiellement missionnaire. Elle n’est pas faite pour elle-même, elle n’est pas sa propre fin mais, comme le Verbe incarné, existe “pour nous les hommes, et pour notre salut[4]…” ». Nous pouvons aller jusqu’à dire que le décret AG, dans ses fondements doctrinaux (qui constituent un des sommets dogmatiques de l’enseignement conciliaire), apparaît comme un véritable traité de l’Église. Avec lui, la mission est devenue une clef indispensable de compréhension et d’approche du mystère ecclésial.
Si l’Église vit de la vie de Dieu, elle ne peut avoir de cesse tant que le dessein d’amour du Père, qui veut tout récapituler dans son Fils par l’Esprit Saint, ne sera pas réalisé. La mission n’est rien d’autre que l’éternel mouvement d’amour, source d’unité des personnes divines, dans lequel est aspirée toute l’humanité. Elle n’est pas une activité facultative[5], mais l’expression même de la vie de Dieu dont est animée l’Église. C’est pourquoi nous pouvons dire qu’« une Église qui cesse d’être missionnaire est une Église morte[6] ». Les ouvriers de l’Évangile (chacun des disciples de Jésus) sont des instruments de la mission récapitulatrice[7] du Christ et ils incarnent en un lieu la préoccupation missionnaire de toute l’Église. Chaque cellule d’Église porte en elle la dimension missionnaire de l’Église tout entière. Chaque famille chrétienne, et finalement chaque chrétien, est animé par ce souffle de catholicité. On peut parler de vocation universelle à la mission. Hommes, femmes, enfants, prêtres, religieux, laïcs, tous sont missionnaires pour la seule raison qu’ils sont chrétiens.
Prêtons cependant attention à ne pas effectuer de contresens sur l’interprétation de cet appel à un renouveau missionnaire. S’agirait-il de vouloir, dans une logique somme toute « mondaine », tenter de regagner du terrain, des « parts de marché », dans les lieux du monde où l’Église catholique perd de son influence, et donc de lancer toutes nos forces dans cette bataille ? Faudrait-il coûte que coûte nous efforcer de convertir le plus grand nombre de nos contemporains dans une sorte de prosélytisme conquérant ? Nous comprenons aisément qu’il ne saurait être question de cela. L’appel du pape François à être une Église « en sortie » – faisant suite à celui de tous ses prédécesseurs – est ancré dans un regard sur Dieu lui-même. Ce dynamisme de la mission, de la sortie de soi, est celui même de la vie trinitaire, dans l’œuvre de Création et dans celle du Salut en Jésus-Christ. Comment pourrions-nous alors interpréter l’épilogue de l’Évangile de Matthieu, « Allez, de toutes les nations, faites des disciples : baptisez-les, au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit… » (Mt 28,19) ? Les baptiser, cela veut dire les immerger, les plonger, dans l’amour de Dieu. Nous sommes chargés d’aimer tous les hommes de l’amour-même de Dieu, de l’amour Trinitaire. L’Église, disait le Cardinal Journet, c’est « l’épanchement de la vie trinitaire au sein du temps[8] ». Notre mission n’est pas de convertir ceux que nous côtoyons, cela c’est l’affaire de Dieu, et la leur. Notre mission, c’est de les aimer comme Dieu (avec Lui et en son Nom), d’un amour inconditionnel. L’apostolat ainsi compris, redisons-le, est la raison d’être de l’Église du Christ. Si elle perd cela de vue, ne se risquant pas à la rencontre en se repliant sur elle-même, en étant autoréférencée, elle n’est plus l’Église du Verbe Incarné, l’Église de Dieu, mais une institution humaine parmi d’autres. « Je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités », nous dit le pape François[9].
Remise en valeur du sacerdoce baptismal
Le Rapport de Synthèse de la première session de la XVIe assemblée générale du synode des évêques, d’octobre 2023, affirme quelque chose qui n’est pas tout à fait complet et qu’il nous faudra approfondir en vue du rapport définitif de 2024-2025 : « Vatican II et le Magistère qui en découle présentent la mission spécifique des laïcs en termes de sanctification des réalités temporelles ou séculières[10]. » Or, en réalité, une vision renouvelée de la Mission (de l’évangélisation, de l’apostolat), allant au-delà de cette « sanctification des réalités temporelles » est déjà promue par le concile Vatican II. La Mission, comprise comme l’ADN de l’ensemble des membres du Corps du Christ aboutit, à une remise en valeur de l’identité baptismale. Il n’est plus seulement question pour les laïcs, dans la théologie du Concile, du « renouvellement chrétien de l’ordre temporel », « mais aussi de leur vocation à l’apostolat[11] ». L’intervention d’un auditeur laïc dans l’aula conciliaire, à la fin des débats sur le décret AG, illustre bien cela et a valeur de signe. Il déclarait :
Les laïcs peuvent et doivent coopérer à la mission évangélisatrice de l’Église : le schéma le montre bien (…) tâche essentielle du chrétien, porter le Christ au monde, et le monde au Christ (…) prendre conscience de leur responsabilité et, « sous le souffle de l’Esprit Saint », communiquer à leur frère le don de la foi[12].
L’exhortation apostolique du pape Paul VI, adressée à l’Église durant l’Année Sainte 1975, 10 ans après le concile Vatican II se situera clairement dans cette ligne :
Ainsi prend toute son importance la présence active des laïcs dans les réalités temporelles. Il ne faut pas pour autant négliger ou oublier l’autre dimension : les laïcs peuvent aussi se sentir appelés ou être appelés à collaborer avec leurs Pasteurs au service de la communauté ecclésiale, pour la croissance et la vie de celle-ci, exerçant des ministères très diversifiés, selon la grâce et les charismes que le Seigneur voudra bien déposer en eux[13].
Le Code de Droit Canonique de 1983 lui-même, mettant en forme les orientations conciliaires, parlera, le cas échéant, de « participation à l’exercice de la charge pastorale[14] ». On ne compte plus les initiatives pastorales (Équipes d’Animation Pastorale, Communautés Ecclésiales de Base, Cellules d’Évangélisation, etc.) cherchant à mettre en œuvre, dans les communautés chrétiennes, l’appel à la mission adressé à tous les membres du Corps du Christ. Les fidèles laïcs, dont la « vocation et la mission dans l’Église et dans le monde vingt ans après le concile Vatican II » a été le thème de l’assemblée générale du Synode des Evêques en 1987, ont donné lieu à l’Exhortation Apostolique du pape Jean-Paul II, Christifideles Laici, le 30 décembre 1988. L’affirmation d’un appel à la mission adressé à tous s’y fait plus insistant encore[15].
La synodalité expression de la co-responsabilité
Si le chemin synodal « n’invente pas » pas la participation de l’ensemble des baptisés à la responsabilité pastorale, nous pouvons noter cependant qu’il franchit un pas supplémentaire en cette direction. En effet, il indique clairement qu’il convient non seulement d’inviter chacun à collaborer avec les clercs, mais précise que tous doivent se considérer comme co-responsables de la vie et de la mission de l’Église. On va désormais plus loin que la notion de « participation à l’exercice de la charge pastorale[16] », selon l’expression du Droit Canonique. Depuis les années soixante, des interventions du Magistère n’ont pas cessé d’aller dans ce sens. Toutefois, sans pour autant assumer pleinement, et de façon habituelle, ce concept, car il porte en lui des appels à revisiter la relation existante entre le pouvoir d’ordre et le pouvoir de gouvernement dans notre théologie. Le Magistère du pape François s’est engagé clairement sur le chemin de cette évolution, à maints égards jugée nécessaire[17]. Mais la problématique théologique et canonique était déjà présente depuis longtemps et le récent synode se situe clairement dans cette ligne :
1) Si l’on me demandait quel est « le genre de vie » le plus riche en conséquences pastorales qu’on doit au Concile, je répondrais sans hésiter : la découverte du peuple de Dieu comme un tout, comme une globalité et, par voie de conséquence, la co-responsabilité qui en découle pour chacun de ses membres (Cardinal Suenens, 1968)[18].
2) Le pape Benoît XVI ne disait pas autre chose. Il est nécessaire d’améliorer l’organisation pastorale, afin que, dans le respect des vocations et des rôles des consacrés et des laïcs, on encourage graduellement la co-responsabilité de l’ensemble, de tous les membres du Peuple de Dieu, a-t-il affirmé. « Cela exige un changement de mentalité particulièrement concernant les laïcs » afin de ne plus les considérer comme « “collaborateurs” du clergé » mais de « les reconnaître réellement comme “co-responsables” de l’être et de l’agir de l’Église, en favorisant la consolidation d’un laïcat mûr et engagé » (Benoît XVI, 10 août 2012[19]).
3) Il est impossible d’imaginer une conversion de l’agir ecclésial sans la participation active de toutes les composantes du peuple de Dieu (pape François, lettre du 20 août 2018[20]).
4) Un fruit inestimable est la conscience accrue de notre identité de peuple fidèle de Dieu, au sein duquel chacun est porteur d’une dignité dérivant du baptême et appelé à la co-responsabilité pour la mission commune d’évangélisation (Rapport de Synthèse de l’assemblée synodale I, 1.a, octobre 2023).
Cherchant donc à vivre autrement en Église, nous comprenons qu’il nous est demandé d’évangéliser notre relation au pouvoir (pouvoir d’élaborer les décisions et pouvoir de les mettre en œuvre). La question n’est pas celle d’une opposition entre clercs et laïcs, mais celle d’un changement en profondeur de mode de gouvernement afin que la parole de tous ait de la valeur, à commencer par celle de ceux qui, habituellement, ne comptent pour rien[21]. Nous voulons faire allusion ici à ceux qui n’ont pas de surface sociale, les plus petits, les plus fragiles, les moins instruits, mais pourtant porteurs des dons de l’Esprit. « Vous n’avez qu’un seul maître, le Christ (…) Et vous êtes tous frères » (Mt 23,8-10). Notre Église est non seulement invitée à « se rapprocher des pauvres mais à apprendre d’eux » selon cette belle expression du Rapport de Synthèse des échanges du synode[22]. Ils disposent, en raison même de leur pauvreté, faisant d’eux des quasi-sacrements de la présence du Christ, de lumières fortes et crues, susceptibles d’éclairer la route de notre Église, et de susciter des audaces prophétiques.
Quel « équipement » pour la mission et l’exercice de la synodalité ? La « conversation spirituelle »
Il a été très marquant, et même fort surprenant, pour bon nombre de participants à la première session de ce synode, de constater que nous nous engagions essentiellement dans une dynamique d’écoute attentive (non réactive) plutôt que dans des débats théologiques faisant valoir le bien fondé de telle ou telle évolution, ou bien de telle ou telle stabilité. Ce parti pris en a déstabilisé beaucoup qui étaient habitués, y compris dans les précédents synodes, à d’autres méthodes de travail. Maintenant, avec le recul nécessaire, nous comprenons qu’il n’y a pas là d’anti-intellectualisme. Le temps du débat théologique viendra – et il vient –, mais il convenait d’affirmer la primauté de l’écoute de l’Esprit, à travers l’écoute de la Parole de Dieu et l’écoute des autres, sur toute autre logique. Ceci afin d’éviter d’être tout de suite dans des postures risquant d’être idéologiques, autoréférencées[23]. Ici se trouve la clé de compréhension de ce mois entier de « conversation spirituelle ».
La source de l’activité missionnaire, nous l’avons compris, se situe dans la dynamique de l’amour trinitaire. Les fondements de la mission sont trinitaires et pneumatologiques. L’élan missionnaire est donc intimement lié à la puissance de l’Esprit agissant dans le cœur des fidèles. L’action évangélisatrice de tous les baptisés ne dépendra donc pas tant de la place qui leur sera faite par le droit mettant « en musique » le renouveau théologique conciliaire (Vous avez le droit ! Vous pouvez !), que de la qualité de la vie spirituelle qui animera ces fidèles du Christ.
Depuis le concile Vatican II, un gros travail a été effectué, dans tous les diocèses, en matière de formation théologique des laïcs, tant il apparaissait urgent de donner une base doctrinale solide à ceux et celles qui porteraient la responsabilité d’une part de l’annonce de l’Évangile. Aujourd’hui, c’est une autre préoccupation qui semble dominer : celle de l’apprentissage de la docilité à l’Esprit Saint. Si on souhaite que la mission ne soit pas notre œuvre (de notre sensibilité, de notre idéologie, de la dernière technique managériale à la mode) mais celle de Dieu, il s’agit bien de discerner les appels de l’Esprit. Les initiatives qui surgissent ici où là, sous le vocable de « retraite dans la vie » et qui proposent aux chrétiens, pendant plusieurs semaines, tout en ne quittant pas leurs activités familiales et professionnelles, de se mettre à l’école ignatienne de vie spirituelle, illustrent bien cet élan. Mais nous pourrions tout aussi bien citer l’effort des Dominicains pour proposer des temps de retraite par internet, allant jusqu’à une certaine forme d’accompagnement spirituel en ligne, ou bien encore les initiatives des Carmes, etc. (désormais, avec le foisonnement que nous avons connu durant les périodes de confinement, la liste pourrait être longue).
La demande, de plus en plus fréquente, des membres des Équipes d’Animation Pastorale, de pouvoir vivre des temps de retraite avec leurs frères et sœurs et leur souci d’ancrer en Dieu leur action, tout en continuant à se former théologiquement, est aussi certainement un signe des temps.
Les fruits d’un renouveau missionnaire ne peuvent être attendus que d’un enracinement plus profond en Dieu, mettant le plus à distance possible la tentation d’être dans un « faire » sans âme, sans racines intérieures. Cet ancrage en Dieu, déployé dans une vie communautaire et fraternelle (garantie aussi de sa vérité et de son équilibre), est ce qui creusera la soif d’une formation biblique, patristique et théologique, de bonne tenue. Une attention missionnaire, renouvelée, prenant sa source dans les Missions trinitaires ne peut faire abstraction de cette union à Dieu sans cesse recherchée, source de tous les renouveaux authentiques.
Le travail de l’Esprit dans d’autres cultures
Le discours sur Dieu (théologie), l’expression priante de la foi (liturgie), l’appel à assumer des comportements et à en réprouver d’autres (morale), ayant tous trois leur source dans un unique donné révélé, seront-ils absolument identiques sur tous les continents, dans tous les bassins culturels ? Le récent débat autour de la déclaration de la Congrégation pour le Doctrine de la Foi, Fiducia Supplicans[24], et le message du Cardinal Ambongo au nom du Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar du 11 janvier 2024, mettant en avant des spécificités culturelles des nations concernées, nous invitent à nous poser à nouveau cette question.
Le Concile distingue deux lignes d’action de Dieu visant à réaliser l’unité du genre humain.
L’une d’elle, par la mission du Fils et celle de l’Esprit, anime l’élan missionnaire du peuple de Dieu. Les chrétiens habités par la grâce, incorporés au Christ, sont les instruments libres de la prolongation de la mission du Verbe Incarné. Dans l’Esprit Saint, ils vivent de sa vie et mettent en pratique son commandement : « Allez par le monde entier, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création » (Mc 16,15).
La seconde, par l’œuvre mystérieuse, mais réelle, de l’Esprit qui dès les origines du monde, oriente tout le mouvement de l’histoire et du cosmos vers l’unité.
La mission n’est donc pas l’expression d’une action unilatérale des membres du peuple de Dieu allant chercher, pour les rassembler, des hommes qui ne demandent rien. Elle serait plus justement représentée par un double mouvement convergent de deux réalités qui sont faites l’une pour l’autre : l’Église et le monde. L’Église vient répondre aux attentes de tous les hommes de bonne volonté qui, sans le savoir aspiraient au Christ, et en même temps elle se met à l’écoute de tout ce qu’il y a de positif dans les cultures encore étrangères au christianisme. Par ces éléments positifs[25], les peuples ont exprimé déjà des valeurs évangéliques et ils peuvent aider l’Église à atteindre une connaissance nouvelle et plus étendue de la vérité dont elle est la gardienne[26]. Le théologien neuchâtelois Roland de Pury résumait à sa manière cette approche missionnaire en disant : « Le chrétien reçoit Jésus-Christ du païen qu’il évangélise ». Le pape Jean-Paul II, quant à lui, dans son Encyclique Redemptoris Missio de 1990, en rappelant que l’Esprit Saint est le protagoniste de la mission, précisera, en se référant aussi au concile Vatican II et à la mise en valeur de « semences de l’Esprit », que la présence et l’action de l’Esprit sont universelles et sans limites d’espace et de temps[27].
Mais une autre question se pose. Si l’Esprit travaille, et a travaillé, dans toutes les cultures de l’humanité, y compris dans la culture contemporaine, ce qui est discerné comme venant de Lui doit-il constituer un appel adressé à tous ? Ou alors, allons-nous vers une forme de « décentralisation » nous conduisant à accepter que ce qui est bon pour une portion de l’humanité et pour un temps donné, ne l’est pas nécessairement pour tous, et pour toutes les périodes de l’histoire ? Mais alors, l’humanité est-elle une ou plurielle ? C’est une sérieuse question anthropologique. Sauf à considérer qu’il faut accorder plus de temps à certains bassins culturels pour « digérer » la nouveauté évangélique. Dans ce cas, il s’agit alors de mettre en œuvre, de façon réaliste et pragmatique, la loi de la gradualité pour les groupes humains, comme cela se pratique pour les personnes individuelles. En reliant l’histoire et la vie de l’Église, nous voyons bien que cela s’est toujours pratiqué. C’est aussi sans doute cela la synodalité, la marche ensemble, bien comprise.
La mission et la théologie de la Croix
Cette vision du monde et de l’histoire, mettant en exergue le travail de l’Esprit en toute personne et en toute culture, indépendamment parfois d’une appartenance visible à une communauté de croyants, pourrait pécher par optimisme en négligeant la présence agissante des forces du mal au cœur du monde. Des Pères ont relevé ce danger au cours des débats sur AG[28]. Si l’Église et le monde sont faits l’un pour l’autre, on ne peut pourtant pas oublier que leur point de rencontre se situe très souvent dans la Croix. Si l’Église a scellé son expansion missionnaire dans le sang des martyrs, ce n’est pas d’abord, ou pas seulement, parce que le témoignage de ses apôtres n’avait pas su s’inculturer, mais bien en raison aussi d’une tension fondamentale existant entre l’histoire humaine et l’histoire du salut. Vatican II, pour avoir voulu montrer que la mission répondait aux attentes de l’homme, a mis l’accent sur une théologie de la Création et de l’Incarnation, attribuant une plus modeste place au mystère de la Croix. Sans revenir sur les acquis théologiques fondamentaux d’une telle perspective, il faut probablement aujourd’hui modérer les interprétations parfois trop naïves des intuitions du Concile par le développement d’une juste théologie de la Croix[29]. Le pape François revient souvent sur ce point d’attention :
Combien de fois n’aspirons-nous pas à un christianisme de vainqueurs, à un christianisme triomphaliste qui ait de l’ampleur et de l’importance, qui reçoive gloire et honneur. Mais un christianisme sans la croix est mondain et devient stérile[30].
La théologie de la Croix peut effectivement nous faire mieux comprendre la mission des baptisés d’être les témoins de la résurrection et les garants de l’espérance de la vie éternelle dans le monde, car, comme le dit encore le pape François, « la croix est la porte de la résurrection. Celui qui lutte avec Lui, triomphera avec Lui. C’est le message d’espérance que contient la croix de Jésus, exhortant à la force dans notre existence[31] ».
Dans une même ligne problématique, lorsque l’on parle d’adaptation du message évangélique aux cultures locales, ou plutôt d’inculturation de l’annonce, par analogie au mystère de l’Incarnation, on ne doit pas oublier que la prédication chrétienne présentera toujours une étrangeté. En effet, quelle que soit la qualité des préparations à l’Évangile opérée par la grâce dans tout l’univers, le contact avec la parole de Jésus apportera une nouveauté radicale et un choc de discontinuité[32]. Il est « scandale pour les juifs, folie pour les païens » (1 Co 1,23). Le christianisme, même légitimement dégagé d’éléments étrangers à son essence, ou trop lié à la culture judaïque ou gréco-latine, sera toujours un défi lancé à toutes les cultures. Il les assume et en même temps les dépasse, ne serait-ce que par la dimension d’universalité qu’il porte en lui. Une question plus radicale peut être encore posée : n’est-il pas utopique de vouloir absolument dissocier le christianisme de son véhicule culturel ? Le Verbe s’est incarné dans un peuple, dans une culture. Dans quelle mesure, jusqu’où peut-on désenvelopper le message sans l’atteindre lui-même[33] ?
L’ère post-conciliaire est animée et sera encore longtemps animée par ce long travail de discernement qui doit éviter deux écueils.
Premièrement, celui de l’affirmation de la valeur universelle et exclusive de la culture judéo-chrétienne et de ses premiers bastions dans l’Orient et l’Occident chrétien qui ont, jusqu’ici, transporté d’une façon privilégiée le message chrétien, en rejetant toute adaptation. Ce serait contraire à l’enseignement le plus clair du Concile.
Deuxièmement, celui de l’éclatement du message et de sa vérité, dans un particularisme, ou un pluralisme, qui risquent de lui ôter sa substance. Le Concile valorise les particularités dans la mesure où elles sont ordonnées à l’unité d’une même foi, dans une même communion d’amour. Ici encore, le modèle suprême de la diversité dans l’unité est la Sainte Trinité[34].
La mise en place d’une théologie de la Croix et de critères de discernement pour une praxis d’inculturation est nécessaire à une saine application des intuitions conciliaires concernant les rapports de l’Église et du monde. Il y a là aussi un vaste domaine de recherche à exploiter. Le travail engagé au synode va dans ce sens et les équilibres recherchés autour de Fiducia Supplicans manifestent que ce travail de discernement est en cours, en ce domaine (objet de cette déclaration) comme en d’autres à venir.
La finalité unitive de la mission et l’appel à l’unité des chrétiens
La théologie missionnaire du Concile ne prend pas tant pour finalité anthropologique le salut des hommes que leur rassemblement dans l’unité d’un seul peuple. Dans la perspective de Vatican II, plutôt que le sacrement universel du salut, l’Église est « le signe et le moyen de l’union avec Dieu et de l’unité du genre humain » (LG 1). Si nous ne voulons pas opposer la poursuite du salut et celle de l’unité, nous dirons, comme LG 9, qu’elle est « le sacrement visible de l’unité salutaire ». La problématique de la possibilité du salut hors de l’Église semble bien dépassée, même si elle réapparaît ici ou là à la demande insistante de quelques évêques[35]. Elle est dépassée, non pas parce que le Concile enseigne que l’on peut se sauver hors de l’Église (ce qui serait contradictoire avec l’enseignement précédent du Magistère), mais parce qu’il a considérablement élargi, dans le temps et dans l’espace, la compréhension du lien salutaire avec l’Église. Tout homme, d’où qu’il soit, peut appartenir à l’Église, ne fût-elle présente qu’en germe dans sa culture[36]. Mais cette appartenance salutaire est tout entière tendue vers une réalisation plénière dans la communauté de foi, d’amour et de culte fondée historiquement par notre Seigneur Jésus-Christ et confiée par lui aux apôtres et à leurs successeurs. La finalité missionnaire est la finalité récapitulatrice du Christ Jésus lui-même, qui est venu pour constituer les hommes en un seul peuple. Le chrétien, missionnaire par vocation, doit se faire « nœud de relations », élément unificateur. Il œuvre pour mener à leur épanouissement les germes du Verbe décelés dans l’humanité.
C’est cela qui nous aide à comprendre aussi combien est urgent le dialogue œcuménique pour la crédibilité de l’action missionnaire de l’Église. Comment prêcher l’unité au nom de l’Évangile, quand ceux qui annoncent cet Évangile sont divisés entre eux par toutes sortes de ruptures ? Ce Concile a enseigné nettement que le sort de l’évangélisation était lié au témoignage d’unité donné par l’Église. Parmi les points de convergence de la première session du synode, à la suite de la veillée œcuménique d’ouverture, cette attention à la communion entre tous les disciples de Jésus ressort de façon très forte.
C’est précisément le baptême, qui est le principe de la synodalité, qui constitue aussi le fondement de l’œcuménisme. Par lui, tous les chrétiens participent au sensus fidei et, pour cette raison, doivent être écoutés attentivement, quelle que soit leur tradition, comme l’a fait l’Assemblée synodale dans son processus de discernement. Il ne peut y avoir de synodalité sans la dimension œcuménique[37].
Mission de promotion humaine et mission spirituelle. Théologie eucharistique missionnaire
L’unité poursuivie par l’Église répond aux aspirations profondes de la nature humaine qui, ayant été créée une à l’origine, a la nostalgie de cette situation initiale. Elle était faite d’une parfaite harmonie des hommes entre eux, et de tous en rapport avec la création. Le don que l’Église veut faire aux hommes n’est donc pas comme imposé de l’extérieur et il s’inscrit dans la ligne d’une promotion humaine. Rien de ce qui rend les hommes solidaires en faisant reculer les frontières de la misère, de l’injustice ou de la haine n’est étranger au message évangélique et à la visée missionnaire de l’Église. Le lien entre l’évangélisation et la promotion de l’homme est sans aucun doute un élément marquant de l’enseignement conciliaire. Le synode, tout comme le Concile Vatican II, n’ont été en rien indifférents aux drames et aux inégalités qui marquent la vie de notre monde. Ils ont consacré de vastes espaces de leur écoute attentive aux questions sociales, aux « cris de la terre et aux cris des pauvres ». Illustrons cela simplement par quelques recommandations du chapitre quatrième de la première partie du Rapport de synthèse du synode :
o) Que l’expérience de la rencontre, du partage de la vie et du service des pauvres et des marginalisés devienne partie intégrante de tous les parcours de formation proposés par les communautés chrétiennes : c’est une exigence de la foi, non une option facultative. Ceci est particulièrement vrai pour les candidats au ministère ordonné et à la vie consacrée.
p) Dans le cadre d’une réévaluation du ministère diaconal, il convient d’en promouvoir une orientation plus marquée vers le service des pauvres.
q) Que les fondements bibliques et théologiques de l’écologie intégrale soient plus explicitement et soigneusement intégrés dans l’enseignement, la liturgie et les pratiques de l’Église.
Pourtant, il faut éviter de dissocier, parce que le synode, pas plus que le Concile, n’a voulu le faire, mission de promotion humaine et mission spirituelle, le service des pauvres et le culte rendu à Dieu, le bonheur de l’homme et la gloire de Dieu. Ce n’est pas servir l’homme et lui apporter une entière libération que de l’enfermer dans une pure espérance humaine. La vie aux côtés des pauvres, dans les situations les plus dramatiques, doit être alimentée et illuminée par ce qui constitue la source et le sommet du dynamisme de communion qui nous pousse vers eux : l’Eucharistie. C’est le sacrement de l’anticipation du rassemblement de l’ère eschatologique. Aider l’homme à se retrouver lui-même tout en retrouvant tous ses frères cela signifie aussi, d’une certaine manière, l’orienter graduellement, le conduire à son rythme, vers la table eucharistique pour qu’il s’unisse peut-être un jour à l’offrande, sacramentellement actualisée, que le Christ fait de lui-même, à son Père, dans l’Esprit.
Une théologie missionnaire eucharistique nous semble être appelée par la réflexion du concile Vatican II, bien qu’elle n’y soit pas explicitement développée. Les théologiens et le Magistère s’y emploieront ensuite[38].
L’espérance à laquelle est finalisée la mission n’est-elle pas de voir le jour où « tous ceux qui participent à la nature humaine (…) ensemble (…) pourront dire “Notre Père[39]” » ? Ce jour-là il n’y aura plus ni missions ni missionnaires, mais uniquement l’éternel échange d’amour trinitaire dans lequel tous auront leur place pour la plus grande gloire de Dieu.
[1]. Acta synodalia sacrosancti Concilii œcumenici Vaticani II, Typis polyglottis Vaticanis, 1970-1980 (désormais « AS »).
[2]. « C’était là une requête absolument urgente : rapatrier la mission au cœur de l’Église, au centre le plus profond de son être et de son envoi. » J. SCHUTTE, « Ce que la mission attendait du Concile », dans Vatican II. L’activité missionnaire de l’Église, coll. Unam Sanctam 67, Paris, Cerf, 1967, p. 109.
[3]. Le premier schéma « de missionibus », présenté à l’assemblée des Pères du Concile le 17 janvier 1964, pouvait laisser à penser que l’on se référait à une activité de l’Église, en quelque sorte périphérique, non essentielle, concernant un petit nombre de spécialistes ayant reçu une vocation particulière : les missionnaires. Le document définitif, particulièrement en raison du travail sur les fondements théologiques de la mission, se situe dans une autre veine.
[4]. Y. CONGAR, À mes frères, coll. Foi Vivante 71, Paris, Cerf, 1968, p. 18.
[5]. Il s’agissait de penser la mission autrement que comme un devoir ajouté (« pensando la missione non più come una sorta di dovere aggiunto »), G. TANGORRA, La Chiesa secondo il Concilio, coll. Nuovi saggi teologici, Bologne, EDB, 2007, p. 236.
[6]. L. BOUYER, L’Église de Dieu. Corps du Christ et Temple de l’Esprit, Paris, Cerf, 1970, p. 654.
[7]. Eph 1,9-10.
[8]. C. JOURNET, L’Église du Verbe Incarné III, Paris, 1942, p. 616.
[9]. Pape FRANÇOIS, Exhortation apostolique La joie de l’Évangile 49.
[10]. Partie II, no 8, §j – § classé, de fait, parmi les « questions à traiter ».
[11]. On peut se référer ici au décret conciliaire sur l’apostolat des laïcs Apostolicam Actuositatem du 18 nov. 1965 (désormais « AA ») : « Il y a dans l’Église diversité de ministères, mais unité de mission. Le Christ a confié aux Apôtres et à leurs successeurs la charge d’enseigner, de sanctifier et de gouverner en son nom et par son pouvoir. Mais les laïcs rendus participants de la charge sacerdotale, prophétique et royale du Christ assument dans l’Église et dans le monde leur part dans ce qui est la mission du Peuple de Dieu tout entier » (AA 2).
[12]. « Intervention de M. Eugène Adjakpley », 13 oct. 1965, AS, volumen IV, pars IV, p. 328-330.
[13]. Evangelii Nuntiandi 73. Ici le pape Paul VI en viendra à parler aussi de ministères non ordonnés pour répondre aux besoins nouveaux de l’Église.
[14]. CIC 1983 c. 517 § 2.
[15]. « L’appel du Seigneur Jésus ne cesse de se faire entendre depuis ce jour lointain de notre histoire : il s’adresse à tout homme venu en ce monde. De nos jours, dans une effusion renouvelée de l’Esprit de la Pentecôte, arrivée avec le concile Vatican II, l’Église a vu mûrir en elle un sentiment plus vif de son caractère missionnaire et, dans un mouvement d’obéissance généreuse, elle a de nouveau écouté la voix du Seigneur qui l’envoie dans le monde comme “le sacrement universel du salut”. Allez, vous aussi. L’appel ne s’adresse pas seulement aux Pasteurs, aux prêtres, aux religieux et aux religieuses ; il s’étend à tous : les fidèles laïcs, eux aussi, sont appelés personnellement par le Seigneur, de qui ils reçoivent une mission pour l’Église et pour le monde » (Christifideles Laici 2).
[16]. CIC c. 517 § 2.
[17]. Cette question sera certainement un des axes du travail théologique et canonique entre les deux sessions du synode. La Constitution apostolique Prædicate Evangelium, par laquelle le pape François, le 19 mars 2022, entend réformer la Curie Romaine opte pour une praxis de la distinction entre le pouvoir d’ordre et le pouvoir de gouvernement. Le Cardinal et canoniste Gianfranco Ghirlanda le dira très explicitement lors de la présentation de cette Constitution le 21 mars.
“Sans bruit Sans bruit, sous le miroir des lacs profonds et calmes,
Le cygne chasse l’onde avec ses larges palmes,
Et glisse.”
Le Frère … Jean-Marc Eychenne est en train de saborder la petite vitalité catholique du diocèse de Grenoble.
Il ne faut surtout pas le contredire.
Dommage il y avait un bon travail d’évangélisation à faire.
R.R.
Quelle honte !
On préfère virer les tradis (FSSP de la Collégiale St André notamment) ou encore ennuyer une pauvre école catho hors contrat (FSSPX) qui eux sont les gardiens de la Tradition de notre Très Sainte-Eglise catholique.
Encore un diocèse égaré malheureusement.
Le néo-catholicisme n’est pas avant tout ou n’est pas seulement missionnaire, mais il est également partenaire : partenaire des confessions chrétiennes non catholiques, partenaire des religions non chrétiennes, partenaire de l’humanisme agnostique.
Cette caractéristique fondamentale du néo-catholicisme est à l’ordre du jour encore plus depuis le début du deuxième avant-Concile, sous Jean-Paul II, sur le plan doctrinal et pastoral, que depuis celui du premier avant-Concile, sous Pie XI, sous l’angle philosophique et théologique.
A partir de ce rappel, on est en droit de se poser ces questions :
– le mot “mission” ou le mot “missionnaire” a-t-il le même sens, dans l’esprit de François, et dans celui de Pie XII ?
– qu’est-ce qui légitime in Christo la conception inclusiviste, partenariale, périphériste et synodaliste de la mission ?
Du baratin, source de graves erreurs, du temps perdu et de l’argent aussi (i’ aura fallu payer cher des “unités d’œuvre” utilisées par des “communiquants” engagés par un évêché qui ferait mieux de réserver son budget à des œuvres plus essentielles pour la vie de l’Église au ciel comme sur la terre).
Ce n’est pas comme si les évêques rénovateurs n’avaient pas connaissance et conscience du fait que l’échec du Concile a débouché sur la faillite de l’après-Concile, en Amérique latine et en Europe occidentale, ce dont ils ne parlent publiquement presque jamais.
Or, chez ces évêques, non seulement il n’y a aucune volonté de remettre en cause les acquis mentaux néo-catholiques, dont l’anthropologie personnaliste, l’ecclésiologie oecuméniste, la pneumatologie inclusiviste et la politologie intégraliste, à cause desquels ils sont aussi souvent silencieux, sinon complices, face au subjectivisme, au confusionnisme interconfessionnel, au consensualisme interreligieux et face à l’immanentisme, mais en outre, chez les mêmes évêques, il y a la volonté de tirer parti de l’orientation pontificale actuelle pour aller encore plus loin dans une direction, pseudo-évangélique, qui est placée sous le signe de l’auto-déconstruction permanente ou de l’auto-dépassement indéfini.
En effet, pendant des siècles, au moins du milieu du XIIIème siècle au milieu du XXème siècle, ou de Saint Thomas d’Aquin à Pie XII, il n’a jamais été officiellement question de prendre appui sur un affranchissement ou sur une émancipation, à l’égard de la foi catholique en tant que théologale, de la loi morale en tant que naturelle et de la vie chrétienne en tant que surnaturelle, pour aller en direction d’un catholicisme bien plus évangélique ou enfin évangélique.
Or, c’est bien une telle prise d’appui, sur un tel affranchissement ou sur une telle émancipation, qui est mise en avant et en valeur, encore plus depuis le début du pontificat de François que depuis celui de Jean XXIII, d’où l’expression d’après laquelle nous sommes en présence d’un courant de pensée et d’action, non seulement “pastoral” mais aussi “synodal”, à caractère assez souvent pseudo-évangélique.
Le cheminement de l’Eglise et des fidèles, à contre-courant, face à l’esprit du monde de ce temps, qui sévit avant tout en matière religieuse, et pas seulement en matière morale, ce cheminement à contre-courant serait, lui, pleinement évangélique, alors que le cheminement préconisé par les évêques rénovateurs, dont celui de Rome, est, de son côté, bien plus consensualiste ad extra qu’évangélique in Christo.
C’est comme si nous étions en présence de l’actualisation systématique d’une chimère ou de la maximisation volontariste d’une utopie.
Jean Marc Eychenne….comme il a bien renié ses années passées à la communauté St Martin.
Triste mitre !