Responsable du groupe de travail bioéthique de la Conférence des Évêques de France, l’archevêque de Rennes, Mgr Pierre d’Ornellas, publie dans Ouest-France une tribune :
Et si tous ensemble, on s’engageait derrière les soignants impliqués dans les soins palliatifs ? Si tous, on reconnaissait la valeur de leurs soins, la sagesse de leurs convictions, les vertus humanistes de leur engagement au quotidien ? Ces soignants font tout pour que chaque patient souffre le moins possible, vive apaisé et soit accompagné en étant considéré jusqu’au bout comme une personne.
Cette vision pourrait être partagée par la société qui ferait l’expérience de la qualité du soin apporté aux personnes en fin de vie. Chaque famille serait reconnaissante au personnel soignant. Encore faut-il que les soins palliatifs soient développés partout sur le territoire et que chaque Ehpad en bénéficie. C’est l’honneur d’une société de se rassembler autour de ce projet de soin !
Le 16 février, 13 associations françaises représentant 800 000 soignants ont tiré la sonnette d’alarme : ni l’euthanasie, ni le suicide assisté ne sont des soins. François Braun, Ministre de la santé, lui-même médecin, l’a dit : l’aide active à mourir n’est pas un soin !
Or, le 21 mai, la ministre Agnès Firmin Le Bodo a dévoilé les contours du projet de loi à venir. Il s’y mêle ensemble aide active à mourir et soins palliatifs. Cela donne la désagréable impression que le projet voulu dès le début demeure inchangé aujourd’hui. Comme si les soignants ne s’étaient pas exprimés !
Ne se sentant pas écoutés, ils ont redit ce 28 mai que leur démarche s’articule autour de « la relation de soin » qui est une « alliance » basée sur « un acte de confiance inouï » du patient vis-à-vis du soignant : « La qualité de cette relation ne peut faire l’objet d’aucun soupçon. » Introduire l’euthanasie ou le suicide assisté dans cette relation, c’est la vider de son sens en troublant la confiance.
Qui donnera la mort ?
Pourquoi les soignants ne sont-ils pas écoutés ? Pourquoi leur expérience n’est-elle pas considérée ?
En 2012, le Rapport Sicard précise que les soins palliatifs ont vocation à exister dès que les soins curatifs débutent. En 2021, un Rapport interne au Sénat sur les soins palliatifs précise la même orientation. Il ne s’agit donc pas de commencer les soins palliatifs quand le traitement de la maladie s’arrête ! Les soins palliatifs sont « essentiels » à la médecine, affirme le Conseil de l’Europe. Telle est la culture palliative à développer ! Faute de quoi, on risque de « subvertir la notion même de soin », s’inquiètent les soignants.
Si la future loi ouvrait la possibilité de la « mort choisie », selon l’expression de la Ministre, qui donnera la mort ? La Ministre met en avant la clause de conscience. Mais le soignant, en s’excluant légitimement de l’acte létal qui est contraire à sa mission, sera peu à peu exclu du système de soin ! D’autant plus que l’accompagnement d’une personne en fin de vie se fait en équipe pluridisciplinaire avec laquelle le soignant fait corps pour trouver le meilleur soin à prodiguer.
L’humanisme déployé par les soins palliatifs depuis 1970 est un appel pour un modèle à la française. Ce modèle palliatif est un tout : impossible de séparer l’esprit du palliatif de sa pratique. L’euthanasie est incompatible avec l’esprit palliatif à la française. Elle serait une « transgression » qui blesserait gravement notre humanisme. Les soignants ont le droit d’être confortés dans leur indispensable mission. C’est une question de justice ! Leurs actions sont une silencieuse plaidoirie pour un humanisme qui voit l’ultime dignité, et qui, avec compassion, solidarité et compétence, la respecte jusqu’au bout.