Le Nouveau Présent a repris un article de Zentromag sur le vrai visage de l’Euthanasie, il mérite d’être cité en entier; une fois de plus, ce sont des laïcs qui affirment clairement ce que bien des dignitaires d’Eglise ne sont plus capables de poser :
Comme le sujet est tristement d’actualité, nous republions, ci-dessous, un excellent texte initialement paru dans le magazine « Zentromag »(1), résumant fort bien la stratégie adoptée par les tenants de la culture du mort et mettant en exergue toutes les dérives déjà constatées dans d’autres pays.
« L’euthanasie va être dépénalisée en France. Cet été, le Conseil consultatif national d’éthique, qui avait toujours été fermement opposé à l’euthanasie, a rendu un avis favorable – comme si l’éthique variait dans le temps. Un comité citoyen bidon va entériner l’affaire. Une mutation majeure est en marche.
De quoi parle-t-on exactement lorsque l’on parle d’euthanasie ? Ses partisans tiennent tous le même discours. Il s’agirait d’un suicide assisté pour les personnes âgées atteintes d’une pathologie incurable faisant cruellement souffrir. L’euthanasie respecterait donc la liberté du malade et son droit à mourir dans la dignité. Par conséquent, ceux qui s’opposent à l’euthanasie sont des adversaires de la liberté et du droit à disposer de son propre corps : on aura reconnu l’extrême droite et les cathos intégristes. Vient alors inévitablement le reportage larmoyant sur la mère Michelle, 95 ans, rongée par un cancer qui la fait se tordre de douleur et qui supplie les médecins de mettre un terme à ses souffrances inutiles.
Ceux qui ne sont pas concernés sont favorables à l’euthanasie
Ça, c’est le discours, l’image, la propagande. Dans les faits, c’est très différent. Le journal La Croix, favorable à l’euthanasie, a publié le 5 avril un sondage révélant que 75 % des Français sont favorables à l’euthanasie. Cependant, dans les unités de soins palliatifs, les résultats sont tout autres : 85 % des soignants et 97 % des malades y sont opposés. En d’autres termes, dans la réalité, ce sont les bien portants et ceux qui ne sont pas concernés qui sont favorables à l’euthanasie. La mère Michelle qui demande à mourir n’est pas l’image réelle de la demande d’euthanasie ; présenter l’euthanasie sous cet angle est trompeur.
Plus encore : comprendre l’euthanasie comme la mise à mort d’une personne âgée, atteinte d’une maladie incurable et douloureuse ne correspond pas à la réalité. Car cela n’est que le premier pas, la première étape, de même que le mariage pour tous a sa suite logique dans la GPA. Pour saisir ce qui se cache derrière le projet de loi actuel sur l’euthanasie, il n’est pas besoin de faire des projections douteuses et hypothétiques, il suffit de s’en tenir aux faits. Le Canada et la Belgique sont des pays comparables à la France qui ont légalisé l’euthanasie depuis quelques années (2016 pour le Canada, 2002 pour la Belgique). Ils publient chaque année sur ce sujet de très-officiels et très-instructifs rapports. Le futur de l’euthanasie en France est le présent de l’euthanasie en Belgique et au Canada : voilà comment on saisit ce qui nous attend une fois qu’on aura mis le doigt dans l’engrenage.
Premier enseignement, le nombre d’euthanasies est faible (3.3 % des décès au Canada) mais en croissance rapide (30 % par an). Un processus est en marche. D’autre part, l’euthanasie a été très rapidement élargie à des personnes qui n’étaient pas condamnées. Par exemple, des sourds et des dépressifs ont été euthanasiés. Depuis 2014, on euthanasie des enfants en Belgique. En 2023, l’euthanasie sera ouverte aux malades mentaux au Canada. Dans moins de dix ans, on en sera au moins au même point en France, très loin de cette pauvre mère Michelle en phase terminale.
Quel est l’avenir, toujours si l’on s’en tient aux faits ? Une société qui s’accoutume à l’euthanasie s’est prononcée en 2019 : 40 % des Belges ne veulent plus soigner les malades de plus de 84 ans afin de réaliser des économies d’argent.
Quels enseignements tirer de ces faits ? L’euthanasie n’a rien à voir avec le suicide. Ce n’est pas une demande d’un malade souffrant et condamné, c’est une proposition de l’Etat. De la proposition à l’incitation, il n’y a qu’un pas. Là encore, il ne s’agit pas d’hypothèses douteuses, mais de faits.
Le délabrement de la santé publique, une incitation de fait à l’euthanasie
Dans les faits, en France, les personnes en fin de vie devraient aller dans des unités médicales adaptées, les soins palliatifs. Il y a en France, d’après l’Inspection générale des affaires sociales, 311 000 personnes nécessitant des soins palliatifs, pour 7 500 lits de soins palliatifs. 26 % des départements français, un hôpital sur quatre, n’en sont même pas pourvus. Pour 75 % des Français, la fin de vie est donc la suivante : d’abord maltraité dans un EPHAD que l’Etat laisse à l’abandon, puis la souffrance et la mort dans un hôpital inadapté que l’Etat laisse à l’abandon. Ce délabrement de la santé publique est une incitation de fait à l’euthanasie. Cette incitation est encore accentuée par les crises successives et les pénuries. Le premier rapport annuel du Canada sur l’euthanasie souligne qu’un nombre sans cesse croissant des candidats à l’euthanasie « mentionne le fait d’être une charge pour sa famille ou ses proches comme motif de la demande ». On est décidément très loin de notre mère Michelle et de sa maladie incurable et insupportable.
L’euthanasie c’est pour les pauvres ?
L’euthanasie est en réalité un calcul économique, le moyen le plus efficace de traiter le problème du vieillissement de la population, du coût de la santé publique et des retraites. Le Canada n’a aucun scrupule à calculer publiquement les économies réalisées, soulignant que « 1200 euthanasies en plus, c’est 149 millions de dollars de frais de santé en moins ». L’euthanasie est présentée comme un dispositif médical accompagnant les mourants, mais en réalité c’est un dispositif d’Etat pour traiter le coût du vieillissement de la population.
Dans les faits enfin, l’euthanasie est marquée par les inégalités sociales. Ce sont les pauvres qui sont abîmés par des métiers pénibles et des conditions de vie dégradées, qui vivent dans des déserts médicaux et n’ont pas les moyens de payer la belle maison de retraite ni la bonne clinique privée. L’euthanasie c’est pour les pauvres : ceux qui ont une vie de chien finiront piqués comme des chiens. Être favorable à l’euthanasie, c’est en réalité être favorable à l’euthanasie des pauvres.
Une bascule anthropologique majeure : l’Etat et la société affirment qu’il y a des vies qui ne valent plus d’être vécues
On voit donc que, dans les faits, l’euthanasie n’est pas un suicide assisté de personnes condamnées et souffrantes. Il s’agit en réalité de proposer la mort à des innocents, ou plus exactement de les inciter à consentir à leur mise à mort. Désormais l’Etat et la société affirment qu’il y a des vies qui ne valent plus d’être vécues. Qui ne mérite plus de vivre ? Les pauvres lorsqu’ils ne sont plus capables de produire et de consommer, lorsqu’ils coûtent plus cher qu’ils ne rapportent. Dans un monde capitaliste où l’argent est dieu, il y a des bouches inutiles et des hommes en trop. La légalisation de l’euthanasie est la solution efficace qui permet de les éliminer en les enfermant dans une situation où il leur est difficile de refuser la mort.
Il y a donc dans l’euthanasie une bascule anthropologique majeure. Désormais, il y a « les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien ». Ce basculement civilisationnel est explicitement revendiqué par certains partisans de l’euthanasie, comme l’Association pour le droit à mourir dans la dignité qui réclame d’en finir avec la morale biblique (« tu ne tueras pas ») comme avec l’éthique grecque (« je ne provoquerai jamais la mort délibérément » dit le serment d’Hippocrate). L’euthanasie, c’est donc la mise à mort des bouches inutiles et la mise à mort de la civilisation européenne gréco-chrétienne, pour lui substituer une société eugéniste où l’argent décide qui peut vivre et qui en est indigne.
Les souffrances de la mère Michelle sont très tristes, mais ce n’est pas le véritable visage de l’euthanasie. »
Merci et bravo, on ne saurait être plus clair!