L’évêque de Nanterre a publié une tribune dans L’Opinion dans laquelle il évoque le débat sur la fin de vie, qui se serait constituée autour de deux « piliers » : les soins palliatifs et l’ouverture possible de l’aide active à mourir :
On ne peut que se réjouir d’entendre le Président de la République annoncer « un plan décennal national pour la prise en charge de la douleur et pour les soins palliatifs » et affirmer :
« Il nous faudra avancer dans les prochaines semaines pour mieux garantir l’égalité d’accès et développer la prise en charge des soins palliatifs. Cela signifie adapter les réponses en fonction des publics et des lieux, mieux intégrer à l’hôpital les soins palliatifs dans le parcours de soins, former les professionnels, fixer un seuil de lits identifiés par territoire et un meilleur maillage par des équipes mobiles, poursuivre le développement des soins palliatifs à domicile ».
L’insistance d’Emmanuel Macron sur l’aide aux aidants, la prise en charge de la douleur pédiatrique et l’attention spécifique au milieu médico-social, les maisons de retraite en particulier, est également très importante.
Le deuxième pilier de la réflexion présidentielle tourne autour de la question de l’euthanasie et du suicide assisté. Evoquant « un modèle français de la fin de vie », Emmanuel Macron énonce deux repères significatifs : résister à l’injonction de renoncer à vivre pour ne pas peser sur la société, que ferait peser sur les personnes les plus fragiles la légalisation de l’euthanasie ; renoncer à l’aide active à mourir pour les mineurs. Ces affirmations sont salutaires mais demeure la question de leur mise en œuvre effective. L’exemple de certains pays voisins montre que la légalisation de l’euthanasie entraîne presque mécaniquement la négligence des soins palliatifs, un sentiment de peser trop lourdement sur la société chez les personnes âgées et fragiles, un desserrage progressif de tous les verrous éthiques établis au commencement.
Pour le reste, le Président en appelle à préférer les « confrontations respectueuses » à la « confrontation permanente des avis irréductibles », à accepter « de vivre avec des doutes ». Cet éloge du débat sérieux, contradictoire, ouvert et serein est particulièrement appréciable et l’auteur de ces lignes y adhère pleinement. Encore faut-il se demander si un tel débat est possible en dehors d’un minimum de certitudes partagées. Cette question est cruciale pour nos sociétés aujourd’hui tiraillées entre tyrannie du relativisme et, corrélativement, affrontement des particularismes. La condition de possibilité du débat sérieux et serein n’est-elle pas précisément le respect inconditionnel de la vie d’autrui et la prise en compte plénière de la dignité inaliénable de toute personne humaine ?
Il est intéressant, dans ce contexte, que le Ministre de la Santé, François Braun, médecin urgentiste, ait pris la parole pour exprimer ses réserves sur une loi en faveur de « l’aide à active à mourir ». Et d’ajouter : « Un texte de loi allant en ce sens changerait profondément notre société et notre rapport à la mort ». Voilà qui n’est pas sans faire penser à « la rupture anthropologique » évoquée il y a quelques mois par le Grand Rabbin Haïm Korsia à propos de la possible légalisation de l’euthanasie. Beaucoup de soignants, à partir de leurs connaissances spécifiques mais aussi de leur écoute des patients et de leurs familles, se sont exprimés dans le même sens que leur ministre de tutelle depuis des semaines. Leur parole, frappée du double sceau de la compétence et de l’expérience, doit pouvoir compter.
Le discours présidentiel s’achève par l’annonce d’un projet de loi « d’ici à la fin de l’été ». On ne peut pas imaginer qu’un débat parlementaire ait lieu sur ce sujet si important pour notre démocratie et notre civilisation comme en catimini, à la toute fin du mois de juillet, au moment d’une trêve estivale alors indigne de son nom. C’est pourtant ce qui s’est passé en 2012 pour des changements éthiques importants et à nouveau en 2021 pour la dernière des révisions de la loi de bioéthique. Il est pour le coup indubitable qu’un passage en force, ou en faiblesse, en tout cas dissimulé, en bout de session extraordinaire serait l’exact contraire d’une « confrontation respectueuse ». En démocratie, on peut sans doute douter de tout mais pas du respect des personnes et du sérieux avec lequel mener les débats essentiels.