Le père Tomas Halick, Tchèque, a été invité à ouvrir l’Assemblée synodale européenne lundi 6 février à Prague. Il a aussi donné un entretien révélateur au quotidien La Croix. C’est le retour de la stratégie de l’enfouissement, du mariage de la carpe et du lapin, de la modernité et de l’épiscopat. Il révoque l’idée d’une contre-culture, d’une force de résistance à la dictature du relativisme. Un vrai retour aux années 60. Exit Jean-Paul II et Benoît XVI.
La mission principale de l’Église est l’évangélisation, qui consiste en une inculturation, un effort pour insuffler l’esprit de l’Évangile dans la manière de penser et de vivre des gens aujourd’hui. Sans cela, l’évangélisation n’est qu’un endoctrinement superficiel. L’Église ne peut, et ne doit pas faire partie de la contre-culture, ou être en résistance, si ce n’est face à des régimes répressifs tels que le nazisme, le fascisme et le communisme. Les tentatives de faire du catholicisme – surtout entre le milieu du XIXe, et le milieu du XXe siècle – une contre-culture contre la société, la culture, la science et la philosophie modernes ont conduit à une autocastration intellectuelle, causant l’éloignement d’une grande partie de la classe ouvrière, des intellectuels et des jeunes.
La peur et l’aversion pour la culture moderne ont mené à une ex-culturation, contribuant sensiblement à la sécularisation de la société occidentale. Les efforts de Vatican II pour dialoguer avec la modernité et l’humanisme séculier sont arrivés trop tard, à un moment où la modernité touchait déjà à sa fin. La société postmoderne présente aux Églises des défis et des opportunités très différents de ceux de la modernité. Pour devenir une voix crédible et intelligible à une époque de pluralité radicale, l’Église doit subir une réforme profonde – et j’espère que le chemin synodal sera une telle réforme.
De telles transformations ne risquent-elles pas de dissoudre le message chrétien, comme ce que semble craindre le pape devant les positions les plus extrêmes du chemin synodal allemand ?
La voie synodale allemande semble accorder une grande importance au changement des structures institutionnelles. Elle soulève avec audace des questions qui ne peuvent être taboues, et parle de problèmes dont la solution ne peut être reportée indéfiniment. J’insiste cependant sur le fait que les réformes institutionnelles – comme les questions autour des conditions d’exercice du ministère sacerdotal – doivent précéder, et l’accompagner, un approfondissement de la théologie et de la spiritualité.
J’ai récemment publié un livre, « L’Après-midi du christianisme », dans lequel je réfléchis à la théologie et à la spiritualité du renouveau synodal. J’applique une méthode que j’appelle « kairologie » – une herméneutique théologique du changement de culture et de société, inspirée de la méthode ignatienne de « discernement spirituel ». Une distinction doit être faite entre « l’esprit du temps » (Zeitgeist), qui est le « langage du monde », et les « signes des temps », qui sont le langage de Dieu à travers les événements du monde.
Certains théologiens – comme Karl Barth et Dietrich Bonhoeffer – se sont demandé si le christianisme était ou non une religion. Je crois que le christianisme de demain sera une religion dans un sens très différent de ce qu’il était autrefois. Le mot religion (religio) est dérivé du verbe religare, réunir ; la religion était la force intégratrice (« langage commun ») de toute une société. Mais le mot religion (religio) peut aussi être dérivé du verbe relegere, « relire ». Le christianisme devrait offrir une nouvelle herméneutique, une nouvelle lecture, et une compréhension plus profonde de ses propres sources – l’Écriture et la Tradition – mais aussi des « signes des temps ». […]