Paix Liturgique (dans ce dernière lettre, 888bis) reprend l’éditorial de la lettre mensuelle Res Novae – Perspectives romaines du 1er octobre où l’abbé Barthe appelle à une vraie réforme de l’Eglise constatant l’échec de la restauration de l’unité :
Tentatives de restauration de l’unité perdue : un double échec
Quand l’Église a abordé aux rives du vingt-et-unième siècle, on a pu mesurer l’échec fondamental de Vatican II du point de vue qui est le premier pour elle, celui de la mission : non seulement elle ne convertissait plus, mais le nombre de ses fidèles, de ses religieux et de ses prêtres se réduisait à tel point qu’elle semblait en voie de disparition, au moins en Occident. Vatican II, dont toute l’ambition avait été d’adapter le message à la sensibilité des hommes de ce temps et de les attirer à une Église rajeunie, transformée, modernisée, n’est même pas arrivé à les intéresser.
Et surtout, le recul du temps a fait apparaître qu’une déchirure, on peut dire un schisme latent, s’était produit après Vatican II, partageant l’Église entre deux courants, l’un et l’autre composites mais bien identifiables, le premier, pour lequel il fallait revenir sur le Concile ou au minimum l’endiguer, l’autre pour lequel il n’était qu’un programme de départ. Le projet de rétablir l’unité autour ce Concile qui ne se donnait pas pour être le magistère infaillible, autrement dit qui n’était pas un principe de foi à proprement parler, a été la croix des papes de l’après-Vatican II. Ils y ont échoué. Tant les papes de restauration, Jean-Paul II et surtout Benoît XVI, que François, pape de progrès, n’ont pu même en maintenir la fiction.
2005, la tentative Ratzinger : encadrer le Concile
Peu après son élection, dans son bien connu discours à la Curie du 22 décembre 2005, Benoît XVI distinguait deux interprétations de la réforme conciliaire, « l’herméneutique de la discontinuité et de la rupture », qu’il estimait néfaste, et « l’herméneutique de la réforme ou du renouveau dans la continuité », qu’il faisait sienne, destinée, disait-il, à empêcher « une rupture entre Église préconciliaire et Église postconciliaire. » Étaient en somme définis par le pape ce qu’on appellerait dans une démocratie libérale – aux modes de pensée de laquelle l’Église est de plus en plus perméable – un centre-droit, que légitimait le pape, et un centre-gauche, qu’il disqualifiait.
Il ne s’agissait nullement pour lui d’adhérer au front traditionaliste qui, à des degrés divers, refusait le Concile et/ou sa liturgie. Pourtant, du fait de son intérêt pour la liturgie d’avant le Concile, Benoît XVI aurait pu aller plus loin que l’herméneutique du renouveau dans la continuité. Son « restaurationnisme » pouvait devenir l’amorce d’un processus de transition, comme celui qui se déroula avec Jean XXIII, mais en sens inverse.
Pourtant, comme on sait, le processus est resté au milieu du gué, y compris en ce qui concerne « le renouveau dans la continuité » : non seulement on n’en n’est pas venu à un refus du Concile, mais le restaurationnisme, l’endiguement du Concile, a été perçu comme un échec, une tentative sans résultat. L’Église en Occident continuait de disparaître de l’espace social, le personnel ecclésiastique, prêtres, religieux, séminaristes ne cessait de s’amenuiser et le centre romain donnait l’impression de n’avoir plus de timonier. Devenu la cible d’attaques continues des tenants de « l’herméneutique de la discontinuité », Benoît XVI s’est isolé dans son cabinet de théologien privé, anticipant moralement la démission à laquelle il s’est finalement décidé en 2013.
2013, la tentative Bergoglio : maximaliser le Concile
Comme naturellement (en réalité, au terme d’une intense préparation électorale), le conclave de 2013 essaya l’autre option, celle de centre-gauche, l’« herméneutique » de Vatican II opposée, à laquelle s’était rallié Jorge Bergoglio. Le nouveau pape, qui dans un discours aux revues jésuites de 2022 s’est dit en lutte d’une part contre le « restaurationnisme », lequel veut « bâillonner » le Concile, et d’autre part contre le « traditionalisme », qui veut l’évacuer, s’est donc employé à « abattre les murs », selon l’expression qu’il affectionnait :
- celui d’Humanæ vitæ et de l’ensemble de textes qui à sa suite avaient préservé la morale conjugale de la libéralisation que Vatican II avait fait subir à l’ecclésiologie. Amoris lætitia déclara en 2016 que des personnes vivant dans l’adultère public peuvent y demeurer sans commettre de péché grave (AL 301).
- Celui de Summorum Pontificum, quiavait reconnu un droit à ce conservatoire de l’Église d’avant qu’est la liturgie ancienne avec sa catéchèse et son personnel clérical. Traditionis custodes, en 2021,et Desiderio desideravi, en 2022,invalidèrent cette tentative de « retour » et déclarèrent que les nouveaux livres liturgiques sont la seule expression de la lex orandi du rite romain (TC, art. 1).
Mais l’option Bergoglio est en train d’échouer comme avait précédemment échoué l’option Ratzinger : l’institution ecclésiale a continué de s’effondrer et la mission de s’éteindre. Et si sous Benoît XVI, la désillusion s’était cristallisée sur l’absence de gouvernance, c’est au sujet du trop-plein d’un gouvernement brouillon et dictatorial, malgré le mot d’ordre de synodalité et malgré Prædicate Evangelium, que les critiques se manifestent de plus en plus sous François. Par ailleurs, pas plus que Benoît XVI n’avait jamais pris le risque d’une rétrogradation en deçà du Concile, François s’est soigneusement gardé de le dépasser au risque de faire exploser une structure institutionnelle : par exemple, malgré toutes ses déclarations contre le cléricalisme, il n’a jamais vraiment remis en cause le célibat sacerdotal ni ouvert la prêtrise aux femmes.
Ainsi, ni la tentative d’assagir le Concile, ni celle de le maximaliser n’ont stoppé l’hémorragie, qui s’est poursuivie. Elle s’est même accentuée, dans la mesure où le pôle de conservation (ratzinguériens et traditionalistes, pour résumer grossièrement) s’est fortifié. Relativement, d’abord, parce qu’il croit régulièrement, au moins par l’arrivée de nouvelles générations, alors que le pôle progressiste ne connaît pas de transmission. Et aussi, parce qu’il est devenu un peu plus homogène, l’alliance s’est resserrée entre les ratzinguériens, tenants de « l’herméneutique de la réforme dans la continuité » et le « front du refus », le traditionalisme. Ce dernier est plus présent que jamais, comme le prouvent les coups répétés qui lui sont portés comme s’il était l’ennemi par excellence.
La thèse Ratzinger Benoit XVI “d’herméneutique de la continuité” ne tient pas la route car il y bien rupture entre Vatican II et les papes jusqu’à Pie XII inclus (liberté religieuse, oecuménisme). Les progressistes comme Bergoglio l’ont bien compris.
Il faut rejeter Vatican II -qui a été un concile manipulé par les modernistes et les franc-maçons – et ses textes hérétiques.
BIen résumé au niveau institutionnel. Peut-on compléter le propos en posant la question d’examiner le terrain ?
– les instituts traditionnels recrutent. Cependant il faudrait analyser ce qui relève de la croissance et ce qui relève d’une résistance au déclin. Sans avoir les chiffres précis en tête, il semble que les vocations diocésaines s’abaissent jusqu’au niveau des vocations tradis, celles-ci restant relativement stables ou de croissance modérée. Il ne semble pas y avoir pas de phénomène de vases communiquants. IL faudrait poser la question de la relative modestie de la croissance des instituts conservateurs. Certes, ils font mieux que les diocèses, mais ce n’est pas encore vraiment triomphant. RC pourrait rappeler les chiffres ?
– sur le terrain, et indépendamment des questions d’hérméneutique de rupture ou de continuité, les mouvements fondés sur l’adoration eucharistique (communauté de l’Emmanuel & co) recrutent. Les tradis de tous poils feraient bien de remettre dans l’adoration de l’eucharistie un peu de la suavité qu’on trouve dans le milieu charismatique. Sans en être, il faut reconnaître qu’ils ont retrouvé là quelque chose de vrai dans l’amour entre Dieu et son peuple. Un dialogue tradi-chari sur ce point pourrait être très fécond, s’il n’achoppe pas sur le hiératisme des clercs.
– les deux premiers points préparant une véritable enquête de terrain, en allant interroger les gens : pouquoi quitte-t-ils l’Egilse aujourd’hui, pourquoi y reviennent-ils ?
L’abcès est entrain de crever, l’église conciliaire ne remplacera pas l’Eglise du Christ.
Pour être moderne et de notre temps selon leurs formules consacrées, les acteurs du concile qui avaient programmé l’euthanasie de l’Eglise se sont trompés, leurs magouilles hérétiques, ne marchent pas, ils sont entrain de voir revenir le boomerang !