Du Père Philippe de Kergorlay, prêtre :
La noyade du père Jean-Marie Petitclerc, éducateur remarquable, nous attriste tous. Et pose bien des questions. Il était, paraît-il, très affecté par l’accusation de « voyeurisme » et la suspension de ministère dont il avait fait l’objet. Il avait immédiatement fait appel d’une décision qui lui paraissait totalement infondée.
Il n’est pas le premier.
On compte en quelques années une bonne douzaine de suicides de prêtres, accusés à tort ou à raison. Du jamais vu.
Depuis le rapport de la CIASE, les autorités ecclésiastiques ont décidé la tolérance 0. Tout prêtre accusé est immédiatement suspendu et son nom est publié dans les médias pour susciter d’autres plaintes éventuelles. Avant même les conclusions d’une enquête judiciaire, le prêtre est « grillé » dans l’opinion publique. Il ne retrouvera jamais sa place. Même s’il n’y a pas de poursuites, c’est terminé pour lui.
Le prêtre est l’homme de la miséricorde. Le pape François répétait aux confesseurs : « Pardonnez, pardonnez toujours. » Mais cela ne vaut sans doute pas pour les accusés de délits sexuels.
Dans ce cas, la miséricorde qu’il prêche s’efface devant la justice, et une justice plus impitoyable que la justice pénale civile. En Église, il n’y a ni prescription ni présomption d’innocence. On punit d’abord. Dieu fera peut-être miséricorde ensuite.
On pense à ce hadith où Muhammad fait d’abord lapider une femme adultère pour qu’ensuite elle puisse bénéficier de la miséricorde d’Allah. Quand il s’agit d’abus sexuels, nos autorités deviennent musulmanes.
On se demande d’ailleurs pourquoi Jésus ne parle jamais en termes de coupables et de victimes, pourquoi il parle tant de miséricorde et si peu de justice, pourquoi il a choisi des apôtres au lourd passé comme le publicain ou le zélote, ou prêts à trahir comme Judas ou à renier comme Pierre. Jésus était bien naïf et ne connaissait pas les agressions sexuelles.
L’Education Nationale ou le ministère de la Jeunesse et des Sports font plus attention à leur personnel. Ils savent que les enseignants et les entraîneurs ont une tâche difficile et peuvent avoir des fragilités. Inutile de risquer une vague de suicides par une mise au pilori médiatique précoce. Les enquêtes sont plus discrètes mais non moins rigoureuses.
Les responsables ecclésiastiques viennent de changer, tant au niveau des évêques que des religieux. On peut espérer plus de délicatesse et plus d’attention aux problèmes vraiment contemporains. Les alertes de la CIVIISE sur les 300.000 enfants abusés chaque année en France, l’augmentation inquiétante d’agressions sexuelles commises par des mineurs ou la croissance exponentielle de la cyberpédocriminalité demandent la mobilisation de tous.
Et surtout l’éducation à l’amour vrai est une priorité où l’Eglise a toute sa place.
Père Philippe de Kergorlay, prêtre
