Le 8 novembre dernier des associations et collectifs représentant des victimes d’abus ont manifesté devant la CEF à Paris. Le communiqué, que nous reproduisons, témoigne d’une certaine exaspération devant l’attitude attentiste de l’Eglise et le manque de transparence, quatre ans après la CIASE, sur l’ensemble des affaires d’abus et de violences au sein de l’institution.
Chers amis et chers soutiens
Nous étions 25 l’an dernier, nous sommes aujourd’hui 39 associations et collectifs. C’est beaucoup ! Cela représente beaucoup de monde et beaucoup d’engagement. C’est le signe d’une parole qui s’élève, d’une force qui se construit ;
Nous sommes ici pour porter votre voix : celles des victimes, des survivants, des ex-victimes, peu importe le vocable choisi.Merci d’être là pour répondre à notre appel à nous manifester, à nous rendre visibles et audibles.
Nous ne sommes pas là pour scandaliser.
Nous ne sommes pas là pour détruire.
Nous sommes là pour dire la vérité, la nôtre !
Nous sommes là pour exiger la justice.
Si nous sommes rassemblés ici, devant le siège de la Conférence des évêques de France, ce n’est pas un hasard. C’est un symbole et c’est aussi une réalité.
Nous nous tenons devant l’institution qui a organisé le silence, celle qui manipulé les victimes pour qu’elle ne porte surtout pas plainte, celle qui a étouffé trop souvent leur parole, celle qui a protégé les agresseurs.
De manière symbolique nous sommes là devant l’agresseur, aux côtés de ceux qui souffrent et qui vous réclament non plus des paroles mais des actes, non pas la pitié mais la Justice.
Nous parlons là où, trop longtemps, on nous a demandé de nous taire et ou la parole de l’institution, trop souvent, recouvre la nôtre quand ce n’est pas pour parler à notre place.
Aujourd’hui, pendant que nous parlons, des survivants belges rencontrent le pape pour réclamer la professionnalisation de l’accompagnement des victimes et des instances qui s’occupent d’elles. Nous sommes à leurs côtés !
En France, nous vivons encore beaucoup trop d’amateurisme. La motivation d’aider l’Eglise, de faire charité, de nourrir une appartenance plus confortable prime sur les intérêts de ceux dont on doit s’occuper. La tâche est trop grave pour se suffire dans les cellules d’écoute de gentilles dames ou de retraités disponibles qui soulagent leur conscience pour gagner leur paradis, ou pour retrouver une place sociale avec un petit pouvoir. Nous n’avons rien contre la gentillesse mais elle n’est pas suffisante.
Nous voulons des professionnels. S’occuper des victimes est un travail de justice qui requiert un cadre strict et des professionnels qui s’y conforment. En France il y a des travailleurs sociaux, des juristes et des psychopraticiens spécialisés en psycho-trauma qu’il faut embaucher, rémunérer pour cette tâche, de même que les lanceurs d’alertes et les associations doivent avoir un statut de partenaires pas de supplétifs.
Nous voulons la fin de l’impunité des auteurs et surtout de leurs complices et des réformes concernant la gouvernance doit enfin advenir. Une nouvelle affaire Kérimel n’est pas une option !
Un nouveau cadre doit être envisagé et reconstruit dans un processus démocratique tri-partite : Etat / Victimes/Eglise
Il faut continuer dans la voie qu’ont ouvert Paul Vannier et Violette Spillebout avec leur commission d’enquête et leurs suites. Ce qui semble s’amorcer pour les collectifs éducatifs avec ce projet d’instance administrative pour l’éducation doit s’étendre à l’ensemble de l’Eglise catholique et pour TOUTES les victimes : adultes et enfants, les religieux et religieuses, les prêtres et ce, quel que soit le type d’agressions : spirituelles, physiques, psychiques, sociales, sexuelles et j’y inclus les thérapies de conversion.
Les évêques doivent non seulement ECOUTER ET ENTENDRE MAIS AUSSI AGIR ET DEVENIR RESPONSABLES.
Non pas s’agiter avec la multitudes de mesurettes très marginales sur lesquelles sont branchés habilement les projecteurs et les conférences de presse.
Non pas s’abriter derrière des instances écran de leurs responsabilités, je veux parler de l’INIRR et de la CRR mais aussi de cette mosaïque de comités sur lesquels l’Eglise garde la main : l’IFJD pour Bétharram, le DIAMS pour les Béatitudes, Emmaüs qui a créé sa propre structure, la communauté de l’Emmanuel qui traite avec les victimes par avocats interposés.
Cet éclatement des instances de reconnaissance et de réparation est préjudiciable aux victimes qui se retrouvent de manière frontale en position de fragilité.
Avec l’affaire Kérimel cet été, nous voyons que les bonnes vieilles pratiques des déplacements en douce, des nominations contraire à l’éthique, des mensonges au bénéfice de la défense de l’institution continuent ;
Nous savons qu’ils mentent,
Ils savent qu’ils mentent,
Ils savent que nous savons qu’ils mentent,
Nous savons qu’ils savent que nous savons qu’ils mentent et pourtant, ils persistent à mentir.
Les mêmes réflexes continuent.
Les mêmes silences perdurent
Les mêmes déplacements d’auteurs continuent
La même autosatisfaction se répands à coups médiatiques
Aujourd’hui 8 novembre, à Lourdes, on fait des photos de famille à en habits du dimanche, on se dandine en paillettes à l’ Accor Arena de Bercy sur des airs de Glorious avec l’argent des cathos complaisants et conquérants. Nous sommes passés des lugubres confessionnaux et dortoirs, des cours de catéchisme ou patronages sordides où des mains baladeuses et des sexes triomphants nous agressaient et nous violaient, à ces démonstrations en paillettes pour séduire le jeune futur adepte d’un entre soi confortable, cette nouvelle vague de la coolitude catho triomphante des Bolloré et Stérins.
C’est juste abject, scandaleux.
Quel évêque est là à notre côté ? Là parmi nous ? Personne ? Le nonce apostolique ? Dans son palais parisien bien au chaud ?
Aujourd’hui encore, trop de victimes ressortent des cellules d’écoute plus abîmées qu’elles n’y sont entrées.
Nous voulons :
• Un guichet unique, indépendant de l’Église.
• L’égalité de traitement entre toutes les victimes.
• La mise en œuvre réelle des 45 recommandations du rapport Sauvé avec un cadre tripartite
• Un suivi transparent, vérifiable, incontestable.
• L’ouverture des archives et la recherche active des victimes qui, aujourd’hui encore, n’osent pas parler et se manifester.
Nous voulons une Église responsable devant la société.
Nous voulons un État garant de l’égalité et de la justice.
Annexe : communiqué de l’association de la Parole aux actes, cosigné par de nombreux collectifs de victimes

