Il a fallu un quart de siècle pour l’Eglise depuis le premier signalement en 1992 pour que la justice de l’Eglise se saisisse du dossier du père Mercier, et trente ans pour qu’il soit renvoyé de l’état clérical. Il a fallu 33 ans pour que la justice des hommes – la cour criminelle des Hautes Pyrénées – le juge pour viol d’un seul mineur entre 1997 et 2000 – la plupart des dizaines de faits figurant dans les plaintes étant prescrits – et il a été condamné à huit ans de prison pour viol, et 25.000 euros de dommages et intérêts à verser à sa victime.
Comme le rappelle la Semaine des Pyrénées dans un compte-rendu très détaillé, l’avocate de la Fondation pour l’enfance a plaidé au sujet de la théologie déviante déployée par l’ex-abbé auprès de ses victimes pour justifier ses abus : » Le père Jean-Claude Mercier a une attirance pour les mineurs. Il regardait des revues pédopornographiques. Cela ne lui suffisait pas. Il est passé à l’acte en commentant des viols sur des mineurs. Pour ces enfants, il représentait la toute-puissance. Il leur a dit qu’ils devaient se laisser faire.
Pour cela, il leur a expliqué que Jésus avait des relations sexuelles avec ses apôtres et que Jésus était homosexuel. Ces victimes se sont laissées faire. Il choisissait les victimes et il s’en prenait aux plus fragiles. David se droguait. Il a abusé d’une dépendance économique pour avoir des relations sexuelles avec lui. Il lui donnait de l’argent pour s’acheter de la drogue pour assouvir son pire fantasme criminel. La famille de David était dans le besoin. Il donnait de l’argent pour acheter du bois, de l’essence ou à manger et ainsi cela lui a permis de prospérer pendant des années ».
Comme l’a rappelé l’avocat de la victime, « Jean-Claude Mercier n’a pas tenté de sauver David. Il a cherché à le manipuler et à l’utiliser. Jean-Claude Mercier est un prédateur. Il a profité de la vulnérabilité de David pour satisfaire ses pulsions et avoir des relations sexuelles avec lui. Les parents de David ont reconnu que Jean-Claude Mercier leur a donné de l’argent pour acheter du bois ou de la nourriture. C’était entre 300 et 600 €. Est-ce le prix d’une vie? »
L’avocat général est revenu sur les témoignages d’autres victimes de l’ex abbé Mercier, pour des faits aujourd’hui prescrits : « il a redonné une certaine splendeur à cette [fausse] abbaye, avec l’argent des autres. Mais derrière cette façade, nous avons l’autre Jean-Claude Mercier.{…] Il a reçu dans cette abbaye des scouts, des colonies et des jeunes qui étaient perdus. Il faisait cela pour pouvoir y faire son marché sexuel. Il est décrit par de nombreux témoins comme un manipulateur, un escroc. Il recueille de l’argent pour se payer des petits jeunes. Il y a quelque chose chez lui qui rappelle un gourou. Il va ainsi avoir des relations sexuelles avec des enfants, des adolescents et de jeunes adultes. Pour cela, il va leur expliquer que Jésus était homosexuel et qu’il avait des relations sexuelles avec ses apôtres. Il est sans foi ni loi ».
Et d’enfoncer le clou sur le long silence de l’Eglise et les protections dont semble avoir bénéficié l’ex abbé Mercier : « L’Eglise a été très tolérante ! Jean-Claude Mercier minime les faits. Il n’y a pas de culpabilité pour lui. Il dit même qu’il est une victime. Il n’y a aucune place pour l’autre. C’est un pédophile qui a abusé de nombreuses victimes. Son plaisir passait avant tout. Il a profité de l’autorité qu’il avait sur ces enfants pour obtenir des relations sexuelles. Ces jeunes ne pouvaient pas résister. Il a assouvi ses fantasmes sur eux et sur David. Si j’évoque les autres victimes, ce n’est pas pour demander une peine pour l’ensemble des faits. Je le fais, car ça aide à comprendre la personnalité de Jean-Claude Mercier« .
En fin de compte, la cour criminelle a condamné Jean-Claude Mercier, qui a coulé à pic pendant son procès, accusant l’Eglise et la « différence d’époque » de ses propres turpitudes, à 8 ans de réclusion criminelle – un peu moins que les réquisitions de l’avocat général (10 ans). Il a dix jours pour faire appel. Il devra verser à la fondation de l’enfance 1000 €, et 25.000 euros à sa victime.