À la suite du rapport présenté par les députés Violette Spillebout et Paul Vannier qui préconise notamment la levée du secret de la confession des mineurs, le père Bruno Gonçalves, professeur de droit canonique, a réagi à cette proposition dans un entretien donné à La Croix. Voici un extrait de cet entretien.
La Croix : Le rapport sur la prévention des violences dans les établissements scolaires de la commission d’enquête parlementaire recommande « de lever systématiquement le secret obtenu dans le cadre de la confession dès lors qu’il porte sur des faits de violences commis sur un mineur de moins de 15 ans, qu’ils soient en cours ou non ». Est-ce possible qu’une telle mesure soit appliquée en France ?
Père Bruno Gonçalves : Ce qui me frappe avant tout dans cette recommandation, qui a pourtant vocation à modifier potentiellement la loi, est qu’elle se concentre sur le cas particulier du secret de pénitence. Celui-ci est souvent considéré comme une sorte de totem. Il fascine notamment par son caractère intangible et sa part de mystère. Cette fascination est présente dans de nombreux films, comme le célèbre La loi du silence d’Alfred Hitchcock.
Quelquefois perçu comme un privilège de l’Église, il s’inscrit pourtant dans un cadre légal. Le secret de confession n’est pas reconnu autrement dans le droit français que comme un secret professionnel, le même auquel sont tenus entre autres les médecins, les avocats et l’ensemble des ministres du culte. La loi en vigueur en France permet – elle n’oblige donc pas– à ces professionnels de parler dans certaines conditions s’ils estiment devoir le faire en conscience.
Une loi s’exprimant en termes généraux, il est étonnant que cette recommandation de la commission parlementaire vise le secret de confession en particulier. Elle devrait concerner le secret professionnel dans son ensemble. En légiférant ainsi, on risque de faire disparaître les lieux utiles d’une parole libre et accompagnée, au bénéfice du culte de la transparence, qui est peut-être un diktat plus pernicieux que celui du secret. Cela pourrait peut-être libérer certaines personnes, car certains profitent et abusent du secret. Mais c’est un jeu de valeurs et d’équilibres.
Je comprends qu’on cherche un moyen pour lutter contre les abus, et c’est normal. Je comprends aussi qu’on puisse penser qu’agir sur le secret de la confession puisse en être un. Mais on se trompe en fait.
Pourquoi ne plus garantir le secret de la confession ne serait pas efficace ?
B. G. : Il y a une certaine méconnaissance du sacrement de confession chez ceux qui recommandent de changer la loi. Le prêtre qui reçoit en confession – et à qui on demanderait donc de dénoncer – n’a pas les moyens de connaître l’identité du pénitent, ni de vérifier si les faits se sont déroulés comme celui-ci les racontent. Dans un confessionnal, il ne distingue parfois même pas les traits du pénitent, et bien souvent ceux qui ont commis de tels péchés ne vont pas voir un prêtre qu’ils connaissent.
Ensuite, c’est précisément parce qu’une personne sait que le secret sera gardé qu’elle peut parler librement en confession. C’est le lieu où elle peut recevoir des conseils et vivre un cheminement positif. Le prêtre va l’inciter à assumer ses actes, et ainsi la personne va pouvoir sortir de l’anonymat. Ne plus garantir le secret de la confession, c’est risquer de retirer cette possibilité pour une personne de sortir de son enfermement. Le secret est ce qui fait « l’efficacité » du sacrement. S’il était mis en doute, cela tuerait le sacrement et plus personne n’irait se confesser. Pour ma part, je n’ai jamais été confronté à une confession d’actes de violence sexuelle sur mineurs, les délinquants ne fréquentent pas forcément les confessionnaux…
Comment se positionne l’Église à ce sujet ?
B. G. : Le « sceau sacramentel » de la confession est protégé par l’Église. La pénitencerie apostolique l’avait rappelé dans une note publiée en 2019. Le document soulignait que le prêtre n’est pas propriétaire de ce qu’il entend : il est seulement un canal efficace agissant au nom de son mandat, qui a accepté d’être l’instrument de la miséricorde de Dieu.
C’est pourquoi toute parole au sujet d’une confession reçue est déjà une trahison. Le prêtre, parce qu’il n’écoute pas en tant qu’homme mais au nom de Dieu, peut donc nier honnêtement, même sous serment, connaître le contenu d’une confession selon le texte de la pénitencerie.