Cette commémoration, qui, dans le martyrologe hiéronymien, porte le simple titre de Romae translatio sancti Pauli, manque complètement dans les anciens sacramentaires et capitulaires romains, et semble être entrée dans l’usage de la cour papale vers le Xe siècle seulement, par suite de l’influence franque. En effet, la messe in conversione sancti Pauli apostoli se trouve précisément dans le Missel gothique, où elle fait suite à celle de la Chaire de saint Pierre, rapprochement assez significatif pour écarter l’hypothèse de l’anniversaire de la conversion du grand Apôtre des Nations sur la voie de Damas.
Il n’est pas facile de déterminer la genèse et l’évolution de cette fête. Il est possible toutefois que dans les martyrologes la translatio sancti Pauli se rapporte à l’une des hypothèses suivantes :
a) La translation du saint Corps de l’Apôtre, de la cachette ad catacumbas sur la voie Appienne à sa tombe primitive sur la voie d’Ostie, après que Gallien eut restitué aux chrétiens leurs cimetières ;
b) la réédification de sa basilique sépulcrale sur la voie d’Ostie, commencée par Théodose, poursuivie par Valentinien et Honorius et enfin achevée par saint Léon Ier ;
c) une translation occasionnelle de sa statio (natalis) en raison de quelque empêchement survenu — comme il advint une certaine année où le pape Léon Ier étant absent, les Romains attendirent son retour pour célébrer la fête de saint Pierre et de saint Paul ;
d) enfin, et cela est plus probable, une translation quelconque dans les Gaules de voiles appliqués à la tombe de saint Paul, et de limaille de ses chaînes. Ces objets de dévotion étaient improprement appelés reliques et le fait de les déposer dans les autels prenait le titre de translatio, qu’on insérait jusque dans les martyrologes locaux ; grâce à une sorte de fictio iuris ces reliques constituaient comme une annexe, une extension du sépulcre même de l’Apôtre à Rome. L’indication Romae aurait pénétré dans le Laterculus par l’ignorance du copiste qui, lisant une translatio sancti Pauli aurait pensé qu’elle ne pouvait convenir qu’à Rome au lieu de la référer à une Église quelconque, Autun, Arles ou toute autre.
Qu’elle soit ou non d’origine romaine, cette fête hivernale de saint Paul se trouva, dans les Gaules, rapprochée de celle de la Chaire de saint Pierre, et cela à une époque où Rome ne les célébrait point— si toutefois le siège apostolique célébra jamais la translatio de saint Paul. Peu à peu néanmoins l’orientation historique se déplaça, et au concept d’une translation matérielle des reliques de saint Paul, se substitua celui d’une translation ou changement psychologique et spirituel survenu en lui sur le chemin de Damas. Ainsi, de la translatio physique on passa à la conversio mystique de l’Apôtre.
La fête de la conversion de saint Paul est notée en ce jour dans le Laterculus de Berne du martyrologe hiéronymien : Translatio et conversio sancti Pauli in Damasco. Dans l’Ordo de Pierre Amelius (XIVe siècle), on attribue à cette solennité la préséance sur l’office dominical lui-même.
Dans la basilique patriarcale de Saint-Paul a lieu en ce jour une station très solennelle, et, en l’absence du Souverain Pontife, en vertu d’une antique tradition, les abbés de ce sacratissimum monastère, qui a donné à l’Église saint Grégoire VII, célèbrent dans le rite pontifical le divin Sacrifice sur l’autel papal lui-même qui recouvre, aujourd’hui encore, la chambre funéraire de l’Apôtre.
Bienheureux Cardinal Schuster