Comme nous le verrons par la suite, la série des dimanches après la Pentecôte s’interrompait autrefois vers la fête de saint Laurent, pour constituer, autour de cette solennité (qui, à Rome, dès le IVe siècle, était célébrée avec la plus grande splendeur), un cycle liturgique comptant plusieurs semaines de préparation et de clôture. La rayonnante figure du Martyr se détachait, majestueuse, sur ce fond, et, la monotonie de la série dominicale des messes d’été étant quelque peu rompue, la liturgie romaine devenait ainsi plus variée et, partant, plus populaire. La diminution de l’esprit de foi dans la société chrétienne a été la première et la vraie raison pour laquelle, le nombre et le rang des fêtes ayant été amoindris, la liturgie ne put plus continuer à parler aux cœurs des fidèles d’une manière aussi suggestive qu’aux temps heureux de vive piété.
La série de ces dimanches après la fête de saint Laurent n’était pas partout identique, car, tandis qu’en général les documents romains de la période franque comptent cinq dimanches après le Natalis du Staurophore, le Calendrier de Fronteau en a seulement quatre. Il y a donc quelque incertitude dans le nombre de ces dimanches, incertitude accrue par le fait qu’il s’agit de dimanches mobiles, qui dans le cycle annuel, ne dépendent pas seulement de la date de la solennité du Martyr, mais aussi de celle de la Pentecôte.
Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le faire remarquer, la série des psaumes des introïts après la Pentecôte présente maintenant des lacunes si grandes qu’on peut se demander s’ils ont vraiment constitué un groupe déterminé. Jusqu’au mercredi des Quatre-Temps d’automne, le Psautier se déroule dans cet ordre progressif : Psaumes 12,17, 24, 26, 26, 27, 46, 47, 53, 54, 67, 69, 73, 83, 85, 85, 118. Avec les Quatre-Temps, cet ordre progressif s’interrompt ; viennent alors quelques antiennes d’introïts tirées des psaumes, qui cèdent ensuite la place à d’autres, tirées de l’Ecclésiastique, de Jérémie, de Daniel, d’Esther ; c’est en somme un cycle à part, de caractère parfaitement distinct.
Il est difficile maintenant de déterminer la cause des grandes lacunes que l’on remarque dans la première série, puisque, même en supposant que les messes des IVe et VIe féries de chaque semaine, en usage dans l’antiquité chrétienne, et desquelles sont demeurées des traces nombreuses dans les lectionnaires du moyen âge, aient eu chacune son introït, la lacune n’est pas comblée. Il faut donc conclure que, à l’occasion de la réforme grégorienne, l’ancien recueil romain des chants de la messe aura subi un remaniement profond, si bien qu’il n’est plus possible désormais d’en retrouver l’ordre primitif. On ne peut pas non plus exclure que les divers introïts des messes quadragésimales, pris ça et là dans le Psautier aient, les premiers, ouvert ces grandes lacunes dans le cycle des psaumes en ordre progressif que nous examinons en ce moment. Dans cette dernière hypothèse, nous estimons qu’on n’aura pas voulu répéter les chants qui avaient déjà été exécutés pendant le Carême, et qu’on aura été de l’avant. Quoi qu’il en soit, l’Antiphonarius cento de saint Grégoire a dû faire subir de grands remaniements au recueil musical romain primitif, et c’est beaucoup si, maintenant, à travers cette ordonnance homogène que présente le Liber Gradualis, nous pouvons reconnaître les traces de séries et de cycles de chants absolument distincts à l’origine.
Bienheureux Cardinal Schuster