Pas de crèche sans bergers… Pas de crèche sans moutons et sans agneaux… Pourtant, des quatre évangélistes, seul saint Luc évoque la présence des bergers dans la nuit de Noël. Car saint Mathieu ne parle, quant à lui, que de la visite des Rois mages : ayant vu son étoile ils viennent adorer l’Enfant-Jésus à Bethléem. Et de son côté, saint Jean, dans son prologue, s’élève davantage à une contemplation du Verbe fait chair : il ne parle pas concrètement des circonstances « historiques » de cette naissance. Saint Marc, enfin, commence son récit par la prédication de saint Jean-Baptiste et ne parle donc pas de la naissance et de l’enfance de Jésus.
Mais revenons à saint Luc et à son évocation des bergers : les exégètes supposent, non sans fondements, que c’est le témoignage de la Vierge Marie elle-même qui lui a servi de source, plus ou moins direct pour composer son récit. C’est lui en effet qui nous donne le plus de détails sur les évènements qui ont précédé la vie publique de Jésus : la visite de l’ange à Zacharie, l’Annonciation, la Visitation puis tous les récits de l’enfance du Sauveur. Dans bien des cas, seule la Sainte Vierge a pu en effet rendre compte de ce qu’elle avait vécue. Ainsi des bergers : c’est très probablement Marie qui a rapporté à notre évangéliste leur présence. Il nous semble trouver là un indice de la prédilection de Marie pour les petits et les pauvres, prédilection dont elle témoignera plus tard pour Bernadette de Lourdes, pour Maximin et Mélanie de La Salette ou pour Lucie, Jacinthe et François de Fatima. Tous étaient de jeunes bergers pauvres… comme ceux « qui campaient et veillaient cette nuit-là pour garder leurs troupeaux ».
Pour nous approcher de la crèche, pour être capables d’accueillir cette bonne nouvelle, cette « grande joie pour tout le peuple », devenons semblables aux bergers. Comme eux, quittons la ville et son tumulte. Comme eux retirons-nous dans le silence de la nuit. Comme ces humbles pasteurs, écoutons l’annonce de l’ange : « vous trouverez un nouveau-né, emmailloté et couché dans une crèche », dans une étable. Approchons-nous. Ne craignons pas. La Vierge Marie nous accueille : nous sommes en famille, car elle aussi est une bergère, puisqu’elle est la mère et la nourrice de « l’Agneau de Dieu » qui va offrir sa vie en sacrifice parfait pour l’expiation des péchés.
Oui, pour entrer dans le mystère de Noël, devenons semblables aux bergers. Quel est la qualité d’un berger ? Il est attentif, courageux, aimant, tout en restant simple et caché.
Le berger est attentif : il ne dort pas, il a toujours un œil sur son troupeau et s’il passe de longues heures, seul, loin du monde, il n’est pas un doux rêveur pour autant. Il est attentif, aussi bien aux choses visibles comme aux invisibles car bien souvent c’est son instinct qui lui fait connaître le temps qu’il va faire, le chemin à prendre ou à éviter et l’état de ses bêtes.
Le berger est courageux : Jésus le fera remarquer, le bon pasteur ne s’enfuit pas lorsqu’il voit venir le loup. Il lutte vaillamment contre l’ennemi et garde son troupeau même au péril de sa vie. Il travaille sans relâche à son unité.
Il est d’ailleurs aimant, aimant chacune de ses brebis qu’il connait par son nom. Il n’a pas de préférence, ou plutôt il va jusqu’à préférer la brebis perdue, la cherchant sans relâche. Il n’est jamais cruel ou violent : s’il élève la voix c’est pour éviter à celle qui s’éloigne, un péril.
Enfin il reste simple et caché des hommes : nous le disions, ce furent souvent, au fil des siècles, des enfants, des illettrés, des gens simples ou même un peu simplets qui assurèrent en partie ce travail. En tout cas ce sont toujours des gens humbles et cachés.
Toutes ces qualités, ne sont-elles pas celles que le Seigneur attend de nous ? Dieu nous invite à être attentifs à son enseignement, à ses commandements, capables, dans la foi, de voir au-delà des choses visibles et matérielles. Il nous invite à être courageux dans le combat spirituel contre notre ennemi le diable et à lutter contre le mal et le péché. Il nous veut charitables, aimants envers tous, lents à la colère et pleins de patience et de miséricorde envers les faibles et les pécheurs. Enfin il attend de nous qu’en tout cela, nous restions humbles et cachés, ne cherchant pas à être reconnus des hommes mais plaçant en Lui toute notre espérance.
Demandons à l’Enfant Jésus de la crèche, par l’intercession de Marie, sa mère qui veille tendrement sur lui, demandons à Dieu, de faire de nous des bergers. Que Jésus lui-même, le bon berger, qui donne sa vie pour son troupeau, et qui, selon la prophétie d’Isaïe, « conduit son troupeau, son bras rassemblant les agneaux, et les portant sur son cœur, lui, le Seigneur notre Dieu », nous comble de sa grâce.
Abbé Arnaud Evrat, FSSP
Extrait du bulletin Introibo (n°195, Janvier 2025), Fraternité Saint-Pierre dans le diocèse de Lausanne Genève Fribourg.
Dans ce diocèse, la Fraternité Saint-Pierre est en charge des apostolats de Bulle (Chapelle Notre-Dame de la Compassion), de Genève (Eglise Sainte-Claire), de Fribourg (Basilique Notre-Dame), d’Hattenberg (Chapelle Sainte-Anne), de Lausanne (Chapelle Saint-Augustin) et de Neuchâtel (Eglise Saint-Norbert)