Voici l’homélie de la messe chrismale de Mgr Gusching, évêque de Verdun dans la Meuse – bien garnie de novlangue ecclésiastique; le “poste fort” pour un prêtre signifie sans doute des responsabilités dans une paroisse ou dans le diocèse. Il y a aussi beaucoup de fraternité, des préoccupations sociales au premier paragraphe, une métaphore filée du bâtiment (sans truelle, ciment ou équerre toutefois), une citation du pape François, mais pas de Salut, et l’annonce d’une énigmatique “Eglise diocèsaine H24″, probablement une énième réorganisation diocésaine pour faire autant avec (beaucoup) moins.
“Chers frères prêtres et diacres, chers frères et sœurs, chers amis,
Chaque année, la messe chrismale est une source de vie et de joie. Nous sommes venus de l’ensemble du diocèse pour la vivre dans la communion avec vos pasteurs et votre évêque. Nous prions les uns pour les autres, pour notre département. Nous prions aussi pour notre pays, traversé par des fractures difficiles à surmonter, pour nos concitoyennes et nos concitoyens inquiets pour leur avenir et celui de leurs enfants. Nous prions pour nos responsables politiques chargés de tracer des voies d’avenir qui puissent constituer un bien commun à tous. La crise autour de la réforme des retraites met en question fortement les processus de concertation et de décisions collectives prévus par nos institutions.
L’Evangile entendu est un appel à la fraternité. Appel à vivre des relations paisibles et fécondes entre nous. Jésus exprime clairement que le prochain ne se choisit pas. Le prochain est celui qu’on rencontre, quel qu’il soit, même le plus odieux, le plus opposé à nous. Au cœur de ce monde que Dieu aime, entendons cet envoi de Jésus : « Va, et toi aussi fais de même » ;
Plus que jamais, la fraternité est un besoin et un défi. Notre société paraît peu fraternelle. Elle est marquée par la violence, les intérêts économiques, les conditions de vie, l’indifférence. Or, c’est à la fraternité que Dieu vient appeler tous les hommes. En Jésus Christ, il nous révèle que nous sommes ses enfants, ses fils et ses filles bien-aimés, et donc, que nous sommes frères et sœurs les uns des autres.
Le don de la fraternité doit travailler nos communautés comme un ferment, pour aider chacun à sortir de son quant-à-soi, de ses intérêts personnels. Seules, les communautés fraternelles peuvent être missionnaires, où ensemble, prêtres, diacres et laïcs peuvent faire signe et donner le goût de l’Evangile.
En ce jour où les prêtres et aussi les diacres renouvellent leur promesse d’ordination, la fraternité entre prêtres et diacres est un signe d’humanité qui se concrétise dans la pastorale que nous vivons, signe d’une Eglise fraternelle. La fraternité au sein du presbyterium et du collège diaconal est une grâce à recevoir et un don à développer et cela en croisant les générations différentes. C’est le Seigneur qui nous a appelés, a fait de nous des prêtres, des diacres et nous envoie aujourd’hui travailler à sa Vigne. Nous ne pouvons réussir notre mission qu’en collaborant ensemble, chacun avec nos charismes, notre histoire personnelle. Cette fraternité appelle à la bienveillance sans jugement tranchés et surtout une estime mutuelle.
Tout cela nous pose la question de notre positionnement dans la société. Dans l’Evangile, Jésus raconte qu’il y avait un homme blessé, agressé. Plusieurs sont passés près de lui mais ont fui. C’étaient pourtant des personnes occupant des fonctions importantes, mais qui n’étaient pas habités par le bien commun. Seul, un étranger s’est arrêté et a consacré du temps. Voici un acte qui peut nous inviter à raviver notre vocation de citoyen car notre vie nous invite à être les bâtisseurs d’un nouveau lien social. La vie n’est pas un temps qui s’écoule, mais un temps de rencontre, dit le pape François.
Nous ne pouvons laisser personne rester en marge de la vie. Chaque jour, nous sommes confrontés au choix d’être de bons samaritains ou des voyageurs indifférents. Nous ne devons pas tout attendre de nos gouvernants, nous disposons d’un espace de coresponsabilité pour pouvoir vivre un nouveau mode de vie fraternelle.
Tous, laïcs, prêtres, évêques, diacres, laïcs en mission ecclésiale, consacrés, éducateurs, familles, unis au Christ, habités par Lui, nous avons mission de bâtir la fraternité en aimant et servant notre terre de Meuse. L’évangélisation commence par le respect aimant des gens qui nous entourent et découvriront peut-être l’amitié du Christ à travers l’amitié réelle que nous essayons de leur offrir.
Ce soir, nous sommes rassemblés avec vos pasteurs qui vont renouveler leur promesse d’ordination, nous fêtons nos frères prêtres jubilaires, je pense aussi à l’abbé Lorentz avec ses 102 ans, je n’oublie pas votre ancien évêque, François qui est venu ce jour. J’exprime ma fraternité et ma gratitude aux 46 prêtres du diocèse dont 20 en poste fort. Tous veulent témoigner de leur joie de croire et de servir le Peuple qui est à Verdun. Avec eux, dans la foi, Église de Verdun, nous sommes heureux de vivre notre Baptême et la mission reçue et confiée à chacun.
En l’Église de Verdun, nous continuons la réflexion sur notre Eglise diocésaine H24. Un premier groupe a terminé son travail classant par thèmes les diverses propositions. Un second groupe s’est mis au travail pour offrir des chemins de mise en œuvre. C’est un moment important pour qu’en notre diocèse, les paroisses, doyennés, services et mouvements puissent s’en nourrir. Le dimanche 18 juin prochain, en visio, dans les églises où aura lieu la messe, je ferai une communication plus longue pour vous dire où nous en sommes.
Dans un instant, nous allons accueillir le don des Huiles Saintes ! Dans la complexité de notre monde, l’huile facilite les rouages par nos engagements fraternels, au service de la paix dans la justice. Dans la vie de notre Église, les huiles saintes veulent favoriser les liens bienveillants dans la fraternité. Dans vos épreuves, frères et sœurs malades, accueillez l’huile de force. Et vous, catéchumènes, confirmands, pour vous, vos missions, l’huile parfumée !
En Eglise, devenons de bons samaritains, de bons Meusiens ! La route de Jéricho est la route de chacun, réclamant nos solidarités et la fraternité.
Dans la joie de cette messe chrismale, prions frères et sœurs, pour que le Seigneur nous fasse tous grandir en fraternité. Église de Verdun, n’aie pas peur, « va et toi aussi, fais de même ! »
+ Jean-Paul Gusching – le 4 avril 2023
En 2025, soixante ans après la clôture de Vatican II, dans combien de diocèses français aura-t-on le courage et la franchise d’organiser une journée de réflexion, ouverte au public, sur l’échec du Concile, prévisible dès l’année 1965-1966, notamment aux Pays-Bas, et sur la faillite de l’après-Concile, prévisible dès l’année 1969-1970, non en dépit mais en raison de la réforme officielle, ou plutôt de la subversion effective de la liturgie ?
En particulier, cet échec et cette faillite sont-ils considérés comme tels par les évêques non seulement diocésains, mais aussi rénovateurs d’aujourd’hui, en ce que presque tous ces évêques sont officiellement bien plus partisans qu’opposés à l’idéologie du dialogue, de l’inclusion, du renouveau et de l’unité, cette idéologie ayant été conciliaire jusqu’à aujourd’hui et risquant fort de devenir synodale demain ?
Plus précisément, au contact des expressions et des omissions caractéristiques de la langue de buis épiscopale et pontificale rénovatrice, qui ne comprend quelle est la vraie nature du nouveau régime ecclésial qui est imposé aux fidèles depuis les années 1960 et le Concile ?
Le plus impressionnant est ce qui suit : en soixante ans, avant tout en Occident, la rénovation a débouché sur une déconstruction de la mentalité de nombreux catholiques, puis sur une liquidation de nombreuses institutions catholiques (des paroisses, des séminaires),
– sans la moindre prise de conscience explicite et officielle du lien de causalité, ou de la relation de cause à effet entre, d’une part, la rénovation et, d’autre part, la déconstruction et la liquidation,
et
– sans la moindre remise en cause de la part de nocivité de cette rénovation, alors que celle-ci est non accidentellement mais substantiellement propice à la soumission de l’Eglise et des fidèles à une novlangue doctrinale et pastorale immanentiste et oecuméniste.
Or, comprenons-le, la rénovation est non seulement rénovatrice, mais aussi, très souvent, par a priori ou par esprit de système, anti-traditionnelle, ce qui nuit grandement à la fécondité spirituelle et à la fidélité doctrinale des clercs et des laïcs inféodés à ce renouveau…
Ces pauvres évêques se rendent-ils compte que leur baratin néo-clérical n’intéresse plus personne ? Se rendent-ils compte que leurs slogans pastoraux ne permettent qu’à des groupuscules centrés sur eux-mêmes de survivre sans rien produire de solide ? Se rendent-ils compte que les gens attendent d’eux autre chose que des homélies et des mots d’accueil qui sont des copiés-collés des discours maintes fois répétés par les hommes politiques de tous bords ? Bref, nos évêques se rendent-ils compte qu’ils sont les premiers responsables de ce que les églises sont vides et de ce que les vocations sont au point mort ?
Il est quasi certain que, du point de vue de presque tous ces clercs, le plus important soit qu’aucun contre-discours, pour ainsi dire “dé-conciliairisateur” et “re-catholicisateur”, ne puisse émerger, depuis l’intérieur des mouvements et des structures qui relèvent du catholicisme à la fois institutionnellement diocésain et intellectuellement proche de l’adogmatisme, de l’eudémonisme, de l’immanentisme, de l’oecuménisme et de l’unanimisme.
En d’autres termes, l’objectif n’est pas tant de susciter l’adhésion des fidèles au discours tenu que de continuer à tenir ce discours pour pouvoir continuer à faire obstacle ou à faire obstruction à l’émergence d’un tout autre discours, depuis l’intérieur du catholicisme diocésain et “conciliaire”, car ce tout autre discours mettrait alors en grand danger le consensus épiscopal “philo-pastoral”, voire “philo-synodal”.
En outre, il ne faut pas que les catholiques aient connaissance du fait que les évêques ont bien conscience de l’échec du Concile et de la faillite de l’après-Concile, faillite dont il gèrent les conséquences les plus concrètes, au moins depuis le milieu des années 2000, parce que, comme vous le comprenez, la connaissance, par les catholiques, du fait que les évêques sont conscients de l’échec du Concile et de la faillite de l’après-Concile pourrait amener ces catholiques à se dire que les catholiques traditionnels n’avaient pas tort, hier, et ont raison, aujourd’hui, de ne pas adhérer au Concile, ou, en tout cas, à la conception dominante de la réception dominante du Concile chère à l’épiscopat français.