A la suite d’une visite canonique, le diocèse de Montpellier a communiqué sur la fermeture de l’école d’évangélisation Cap Missio pendant un an (au moins) suite à la visite canonique conduite par l’ex-évêque de Blois, aujourd’hui auxiliaire à Toulouse Mgr Batut et demandé à son fondateur, le père René-Luc Giran de s’en retirer.
Comme l’indique la Croix, lors de cette visite canonique, dont les résultats ont été rendus le 3 avril dernier, en trois jours, “25 personnes ont été auditionnées, dont 8 jeunes passés par l’école“. Néanmoins l’exigence faite au père René-Luc de se retirer de son oeuvre ne fait pas l’unanimité, selon un ancien cité par la Croix : “« Nous sommes beaucoup d’anciens à trouver disproportionnée la sanction que subit le père René-Luc aujourd’hui. Nous sommes aussi surpris de ne pas avoir été contactés : sur 89 anciens élèves, seuls huit ont été entendus », déplore Jean-Baptiste R., issu de la deuxième promotion de Cap Missio“. Par ailleurs, comme le souligne le conseil d’administration de l’école dans son communiqué, il n’a pas été entendu non plus et ” peu de place semble avoir été accordée à la défense du Père René-Luc et de l’association CapMissio” par la visite canonique.
Un fondateur considéré comme “très intrusif” mais aucun fait grave allégué
Le rapport de la visite canonique a fuité dans Midi Libre : “c’est surtout sur le fond que René Luc, s’exposant volontiers sur les réseaux sociaux, très populaire au sein de l’Eglise, est contesté. Il a été certes encensé pour sa capacité à l’éveil spirituel mais aussi très critiqué. Le rapport complet que nous nous sommes procuré, relève le manque d'”altérité” ou de “place pour une pensée différente”, et une manière désinvolte ou culpabilisatrice de répondre à des contradicteurs : “vous êtes tombés dans le piège du Malin” évacuait-il fréquemment.
Certains jeunes se sentaient aussi trop surveillés, notamment pendant le temps de prière à la chapelle où ils n’avaient pas le droit de se placer derrière le responsable, se sentant épiés. Côté féminin, certaines missionnaires déplorent une attitude parfois “humiliante” parlant de traits d’humour douteux et de “blagues sexistes”. Certains le considèrent comme “un berger qui montre le chemin du Christ”, d’autres comme un “macho”. Enfin, c’est surtout sur la liberté intérieure que la visite canonique est la plus critique et note “des dysfonctionnements sérieux”. Notamment des courts-circuitages “du discernement personnel frisant dangereusement la pression psychologique”, le terme d’emprise étant même lâché“.
Des éléments qui vont dans le même sens que les propos d’un ancien bénévole à la Croix : “le père René Luc cumulait les pouvoirs et les statuts : fondateur, président du conseil d’administration, président du fond de dotation, directeur et aumônier de la structure. Il n’y avait aucun espace pour autre chose que sa vision. J’avais aussi le sentiment d’être observé en permanence, il nous disait par exemple comment on devait prier, il était très intrusif et autoritaire“.
Néanmoins ni le rapport ni les médias locaux ou l’archevêché n’allèguent des faits graves; le rapport écarte aussi le risque de dérives sectaires.
Communiqué de l’archevêché de Montpellier :
Mgr Turini a été informé d’un signalement concernant l’organisation et la gouvernance de CapMissio.
Comme c’est l’usage dans ces situations, il a souhaité qu’une visite canonique ait lieu. Pour ne pas être juge et partie, il a tenu à externaliser cette visite.
Elle a été conduite par Mgr Jean-Pierre Batut, actuellement évêque auxiliaire de Toulouse, ancien évêque de Blois et qui a longuement été formateur au séminaire de Paris. Pour cette visite, il a été assisté de Mme Marie Dominique Corthier ancienne directrice du centre spirituel Jésuite Coteaux Païs à Toulouse. La visite canonique a établi que des personnes ont été fragilisées pendant leur passage à CapMissio, d’autres en ont pris conscience dans la période qui a suivi. Mgr Turini a tenu à leur demander pardon.
Les personnes auditionnées ont vécu cette visite comme un temps privilégié pour parler en toute liberté.
Sans parti pris et sans idée préconçue, les visiteurs :
-
- d’une part, ont écouté avec empathie les personnes auditionnées en prenant au sérieux leur témoignage et
- d’autre part, ont cherché une sortie de crise pour CapMissio avec une lucidité plus grande sur ses manques tout en proposant des atouts nouveaux pour son avenir.
L’archevêque demeure convaincu que rester sans agir aurait été :
- un manque de respect pour les témoins qui se sont exprimés pour dire leur mal-être et
- une marque de mépris pour les personnes qui lui ont écrit longuement et avec précision pour attirer son attention sur les difficultés rencontrés.
Mgr Turini a remercié les uns et les autres pour leur courage.
Les visiteurs ont tenu à souligner :
- la grande qualité humaine des personnes auditionnées,
- leur intérêt pour cette visite canonique dans un souci de vérité.
Les visiteurs ne se sont pas situés comme des procureurs mais ont aidé l’archevêque à porter un regard lucide sur la situation de Capmissio, ce qui pose la question du mode de présence et de gouvernement du Responsable fondateur de CapMissio.
Certains lui témoignent beaucoup de gratitude. Ils ont bien vécu l’année et lui doivent l’essentiel de ce qu’ils ont vécu, D’autres, ceux qui ont eu des difficultés ou des souffrances, sont portés à lui en attribuer la plus grande part de responsabilité. C’est ce contraste que les auditions des visiteurs ont mis en valeur.
L’intuition de Capmissio est bonne. Certains jeunes au cours de cette césure d’un an ont pu :
- s’enraciner davantage dans leur vie de foi,
- apprendre à témoigner avant de s’engager dans un métier ou une démarche vocationnelle.
Mais cela ne doit pas cacher la mise au jour de dysfonctionnements qui ont ébranlé l’équilibre humain, spirituel, psychologique d’un certain nombre de capmissionnaires et cela doit être entendu par le pasteur du diocèse.
Ce qui l’a conduit à prendre des décisions immédiates :
1_ Dans la situation actuelle, il n’est pas possible de recruter une nouvelle promotion pour la rentrée prochaine.
2_ Durant cette année de jachère (septembre 2024-septembre 2025) et l’école CapMissio étant fermée, Mgr Turini propose d’initier une réflexion pour reprendre l’intuition de Capmissio, changer ce qui doit l’être pour partir sur un nouveau projet. Il invitera dans ce groupe de travail des capmissionnaires volontaires et des personnes formées dans des domaines variés comme le rapport l’y invite : secteurs de l’éducation, du discernement spirituel, de la formation biblique, de la formation à la connaissance de soi, à l’écoute et au dialogue, de la formation à l’évangélisation dans la variété de ses approches.
3_ Il se propose de rencontrer dans le cadre d’un groupe de parole, soit en présentiel soit en visio, les capmissionnaires qui ont besoin de mettre à plat tout ce qui n’a pas pu se dire, afin de leur proposer le meilleur accompagnement. Il s’engage également à une démarche de réparation.
4_ Il demande au responsable fondateur de CapMissio de s’en retirer
5_ Pour la promotion actuelle, Mgr Norbert Turini se doit de réunir toutes les conditions pour que les capmissionnaires qui le désirent puissent terminer leur année puisqu’ils s’y sont engagés personnellement. L’archevêque en assume personnellement la veille épiscopale et la responsabilité.
4 avril 2024
+ Mgr Norbert Turini
Archevêque de Montpellier
L’école, de son côté, a aussi émis un communiqué :
A Montpellier, le 9 avril 2024,
Le mercredi 14 février, nous avons été informés que Monseigneur Turini, Archevêque de Montpellier depuis deux ans, avait lancé une visite canonique à la suite d’un signalement concernant l’organisation et la gouvernance de CapMissio.
Il est regrettable que les membres du Conseil d’Administration, organe de direction et de gouvernance de l’association, n’aient pas été auditionnés par les visiteurs, ce qui aurait permis de faire valoir une autre vision et probablement d’apporter plus de nuances dans les conclusions du rapport de la visite.
Depuis l’ouverture en interne de débats concernant l’avenir proche de l’école et la passation de pouvoirs du Père René-Luc prévue l’année prochaine, des différences de points de vue ont mené le couple qui s’occupait de l’école à une vive opposition au Père René Luc.
Une visite canonique a été conduite sur trois jours par Mgr Jean-Pierre Batut, Evêque auxiliaire de Toulouse, assisté de Mme Marie Dominique Corthier ancienne directrice du centre spirituel Jésuite Coteaux Païs à Toulouse. Il ressort de cette visite des témoignages anonymes et peu de place ne semble avoir été accordée à la défense du Père René-Luc et de l’association CapMissio. A l’issue de cette visite, le diocèse a annoncé vouloir fermer l’école et renvoyer le Père René-Luc, alors même qu’aucun fait grave concernant ce dernier n’a pu être avancé ni en privé, ni en public.
Il nous semble qu’il y avait d’autres solutions moins radicales et qu’il n’y avait pas d’urgence, à deux mois de la fin de l’année, à fermer l’école et à renvoyer le Père René-Luc sans autre forme de procès comme s’il y avait un danger pour les jeunes de la promotion en cours.
Il y avait certainement d’autres moyens de régulation et de traitement des dysfonctionnements qui n’ont pas été employés ou favorisés par l’autorité ecclésiale, ce que l’on ne peut que regretter dans cette triste affaire où se mêlent également des rancœurs de différentes personnes.
Il y a, selon nous, une disproportion manifeste entre les dysfonctionnements soulevés, dont le Père René-Luc avait conscience, et les décisions radicales prises : un coup fatal est porté à une œuvre, certes imparfaite, mais utile et qui méritait des autorités ecclésiales un accompagnement plutôt qu’une fermeture immédiate. Nous avions déjà mis en place plusieurs mesures d’amélioration au fil des ans : une coach Talenthéo intervenait pour le fonctionnement de l’équipe des salariés, les jeunes avaient une psychologue à la disposition des capmissionnaires, chaque jeune avait une famille relais référente… Il y avait sans doute bien d’autres ajustements à opérer, comme dans toute institution éducative de jeunes. Le rapport est d’ailleurs très clair sur le fond de l’affaire et mentionne : « les jeunes équilibrés et solides ont bien vécu l’école et sa sortie ; des jeunes déjà fragiles, l’ont vécu douloureusement ». Même si ces derniers sont minoritaires, cette souffrance exprimée doit être prise en considération et mérite un véritable accompagnement de la part du diocèse. Le Père René-Luc et nous-mêmes sommes désolés que certains jeunes aient pu être blessés, notamment par la forte personnalité du Père René-Luc, un peu trop dynamique pour certains et, parfois, un peu bourru : mais nous pouvons aussi attester qu’il sait se remettre en question et opérer des changements quand cela lui est demandé.
Le Père René-Luc est vraiment effondré de savoir que des jeunes ont pu être blessés à ce point, et il leur a demandé pardon publiquement lors de la présentation des conclusions du rapport le mercredi 3 avril à la villa diocésaine.
S’agissant du contraste dont parle Mgr Turini dans son communiqué officiel entre les expériences des jeunes vécues à CapMissio, de très nombreux anciens capmissionnaires, plusieurs dizaines, nous ont fait savoir qu’ils déploraient de ne pas avoir été auditionnés pour dire à quel point CapMissio avait transformé positivement leur vie. Ces jeunes ont également été bouleversés par les conclusions de la visite canonique et ont souligné la disproportion manifeste entre les dysfonctionnements soulevés et les solutions qui auraient pu être mises en place pour permettre à l’œuvre de continuer de grandir et de porter du fruit.
Le renvoi, publiquement et sans autre forme de procès, du Père René-Luc l’atteint profondément dans sa personne et son ministère.
Nous ne minimisons pas la souffrance des jeunes qui se sont plaints, et nous sommes reconnaissants à Mgr Turini de les avoir pris en considération avec sérieux.
Nous regrettons cependant la cessation d’une œuvre qui a porté et porte encore du fruit, comme en témoignent de nombreux jeunes capmissionnaires. Beaucoup d’entre eux sont d’ailleurs aujourd’hui engagés pour l’Eglise dans leurs réalités respectives. A la demande de Mgr Turini, CapMissio sera donc fermée et après une année de jachère, l’archevêque de Montpellier a annoncé vouloir lancer une nouvelle école d’évangélisation en suivant l’intuition source de CapMissio…
Nous sommes très affligés par ce qu’endurent les dix jeunes de la promotion en cours ; nous voulons leur manifester ici tout notre soutien et nous remercions Mgr Turini de mettre tout en œuvre pour permettre à ceux d’entre eux qui le souhaitent de finir leur année sous sa responsabilité.
Nous tenons à remercier du fond du cœur tous ceux qui ont soutenu CapMissio tout au long de ces neuf années, en particulier les donateurs, les intervenants, les familles relais, les bénévoles engagés et les paroissiens de St Bernadette. Nous remercions les jeunes missionnaires qui ont eu l’audace de donner un an de leur vie pour servir l’Eglise et se former à la mission. Nous remercions enfin tous ceux qui ont fait confiance à CapMissio en ouvrant leurs portes aux jeunes pour des missions : les prêtres, religieux et consacrés, les directeurs d’établissements et d’associations, et les laïcs en mission du diocèse de Montpellier.
Nous restons en union de prière avec les jeunes qui ont été blessés et avec toutes les personnes qui ont participé de près ou de loin à notre belle aventure missionnaire. Nous sommes sûrs que les fruits de CapMissio continueront de grandir à travers vous. Que la paix de Jésus descende dans tous les cœurs.
Les membres du Conseil d’Administration
L’école d’évangélisation CapMissio, fondée en 2015 à Montpellier par le Père René-Luc et Mgr Carré, archevêque de Montpellier de 2010 à 2022 a pour but d’accueillir une dizaine de jeunes de 18 à 25 ans, qui prennent une année de césure pour se former à la mission. Ils forment une petite communauté pour un an, avec une vie de prière, une formation donnée par de multiples intervenants du diocèse : laïcs, prêtres, religieux. Ils font des missions dans le diocèse auprès des plus démunis mais surtout auprès des autres jeunes. En 2024, l’école en est à sa 9ème promotion et a déjà accueilli 87 jeunes missionnaires
C’est bien lui qui avait organisé une chorale avec des protestants pour fêter les 500 ans des thèses de Luther?… (D’ailleurs, l’état du Vatican avait, lui, imprimé un timbre pour l’occasion…)