Après le départ du desservant catholique des Iles Féroé, qui se sentait fliqué par la loi danoise qui contrôle les travailleurs religieux étrangers, les 400 catholiques de l’archipel se retrouvent sans prêtre.
“Aux îles Féroé, archipel situé dans l’Atlantique Nord entre l’Islande, l’Écosse et la Norvège, les catholiques se retrouvent sans prêtre, rapporte le média catholique The Pillar. Cette situation est due au départ de Mgr Peter Fleetwood, de l’archidiocèse de Liverpool en Angleterre, qui était au service des îles Féroé et de ses quelque 400 catholiques depuis 2020. Il a célébré sa dernière messe dominicale en l’église Sainte-Marie de Tórshavn, la capitale des îles Féroé, le 20 août.
« La principale raison pour laquelle j’ai décidé de demander à partir, c’est la loi danoise sur les travailleurs religieux étrangers« , a indiqué l’évêque à The Pillar. Selon ce dernier, les exigences liées au contrôle de l’entrée et de sortie du territoire lui ont donné le sentiment que ses mouvements étaient étroitement surveillés « et, dans un certain sens, contrôlés ». En effet, les îles Féroé sont soumises au système législatif du royaume du Danemark, qui prévoit un permis de séjour obligatoire pour tout membre du clergé, missionnaire ou membre d’une communauté religieuse (toutes confessions confondues) désirant effectuer sa mission sur le territoire danois. « À deux reprises, l’autorisation ne m’avait pas été accordée, et je suis resté dans l’incertitude jusqu’à littéralement cinq minutes avant la fermeture du commissariat de police, lorsqu’un e-mail est apparu mystérieusement m’accordant la permission de rentrer aux îles Féroé », relate Mgr Fleetwood.
Par ailleurs, Mgr Fleetwood évoque des difficultés financières à rester dans sa paroisse aux îles Féroé. « Je n’ai pas les moyens de rester », affirme-t-il notamment, évoquant une surimposition de ses revenus et un système fiscal discriminatoire en faveur de l’Église luthérienne exemptée de la taxe sur le chauffage et l’électricité. Enfin, Mgr Fleetwood a confié souffrir d’une forme d’isolement, décrivant sa mission comme « la plus solitaire que j’ai jamais eue » et fustigeant l’existence d’un « petit groupe de mécontents » au sein de la communauté catholique qui, selon lui, a répandu des rumeurs selon lesquelles il n’était pas suffisamment orthodoxe et appartenait même aux francs-maçons“.
Aux iles Féroé, l’église catholique rassemble pour l’essentiel des étrangers – Philippins, Polonais, Indiens, Sénégalais et quelques latino-américains. “« Il y a un peu plus de 300 personnes inscrites dans la paroisse, même si je sais qu’il y a beaucoup plus de Philippins qui ne se sont jamais inscrits », a déclaré Mgr Fleetwood. “Il y a des confirmations tous les deux ans et des premières communions chaque année, mais toujours des chiffres que l’on peut compter sur les doigts d’une main.” Mais deux jeunes convertis feroïens d’origine sont allés aux JMJ à Lisbonne avec un grand drapeau de leur archipel.
Le Danemark en lutte contre toutes les religions sous prétexte de lutte contre l’islam fondamentaliste ?
Dans les colonnes de The Pillar, “Fleetwood a déclaré qu’en tant que travailleur religieux étranger, il était tenu de suivre les règles et réglementations énoncées sur le site Web du service d’immigration danois, New to Denmark .
Il a noté que le site Internet maintenait une liste d’exclusion , comportant les noms et les photographies de « prédicateurs religieux étrangers » interdits d’entrée au Danemark par souci d’ordre public. La liste a été établie en 2016 dans un contexte d’attentats terroristes islamistes en Europe, notamment la fusillade de Copenhague en 2015 .
“Les visages et les noms figurant sur la liste d’exclusion appartiennent tous à des religieux musulmans que l’État danois considère comme une menace pour leur sécurité nationale”, a observé le prêtre. « Implicitement, ils m’ont répété à maintes reprises que moi aussi je méritais d’être surveillé et contrôlé, au cas où quelque chose que je disais inciterait à des sentiments ou à des actions non danois. »
Il a suggéré que les directives envoient un « message clair » selon lequel « le gouvernement danois considère toutes les religions comme potentiellement dangereuses, dans le sens où elles peuvent semer la confusion ou encourager des pratiques inacceptables dans la société danoise ».
Il a déclaré : « J’ai travaillé au Vatican (dans l’équivalent de leur ministère de la Culture) et j’ai ensuite été secrétaire général adjoint du Conseil des conférences épiscopales européennes (CCEE), et une grande partie de ma propre formation était en philosophie politique. »
«Mon expérience de la législation danoise m’a fait sentir que toute personne soumise à la législation traiter avec des religieux étrangers, dont moi, n’est actuellement pas autorisé à exercer la liberté de religion ou de culte. En outre, je suis stupéfait qu’une démocratie occidentale se présente comme une victime potentielle des effets insidieux d’idées venues d’ailleurs. Cela implique également que toute religion est une construction idéologique potentiellement dangereuse. Cela me dit que ceux qui élaborent une législation au nom du Royaume du Danemark ne prétendent plus à un héritage chrétien. C’est une déclaration silencieuse mais puissante selon laquelle le Danemark n’est plus chrétien“.
Un projet de loi pour obliger la traduction des homélies en danois
“En 2021, les dirigeants catholiques avaient exprimé leur inquiétude face à un projet de loi danois qui exigerait que toutes les allocutions dans les contextes liturgiques, y compris les homélies, soient prononcées en danois ou mises à disposition dans cette langue.
Fleetwood a suggéré que l’obligation de fournir des traductions, qui, selon lui, avait été suspendue mais non retirée, soulignait que le gouvernement danois « attribue un pouvoir phénoménal aux idées ».
« Cela souligne, une fois de plus, que toutes les religions sont considérées comme des idéologies et, par conséquent, comme potentiellement déstabilisantes pour les citoyens pauvres, innocents et à l’esprit pur du Royaume », a-t-il commenté”.
« Par pure coïncidence, le dimanche après mon départ, des sœurs sont venues de la maison provinciale des Franciscaines Missionnaires de Marie pour informer les paroissiens de Tórshavn que les sœurs quitteraient les îles Féroé l’année prochaine, après 92 ans », a-t-il déclaré. [Il s’agit d’une congrégation missionnaire fondée en Inde fin XIXe par une bretonne, Hélène de Chappotin, née à Nantes]
« Tout est désormais en suspens et il n’y a pas de solution claire. Mon départ est pour des raisons administratives, financières et psychologiques. Le départ des sœurs est une décision politique de leur institut”. Par ailleurs, bientôt, le diacre local – qui réside, lui, aux iles Féroé en permanence – va avoir 70 ans et prendre sa retraite.
Quid alors des catholiques des iles Féroé ?