L’archiviste du diocèse de Saint-Flour, évoque dans la lettre mensuelle, deux rares objets ayant appartenu à des prêtres réfractaires cantaliens :
La Constitution civile du Clergé est un décret adopté pendant la Révolution française, le 12 juillet 1790, qui réorganisait le clergé séculier. Dans le diocèse de Saint-Flour, le bas-clergé perçut tout d’abord la Constitution civile du clergé comme une bonne chose. En effet, la plupart des curés vivaient de la portion congrue (faible portion de la dîme) et le nouveau système leur assurait une rente correcte.
Le serment constitutionnel qu’on leur demande de prêter à compter du 7 janvier 1791 va poser davantage de problèmes. Ceux qui ne prêteront pas serment seront remplacés. La quasi-totalité des évêques et la moitié des curés refusent alors de prêter serment.
Le 26 août 1792, une nouvelle loi prévoit la déportation vers la Guyane de tous les prêtres réfractaires qui ne s’exileraient pas d’eux-mêmes dans les quinze jours. Ceux qui refusent de s’exiler sont alors hors-la-loi et entrent dans la clandestinité pour se soustraire aux mesures d’emprisonnement, préalables à la déportation.
De nombreux prêtres se rendent aux autorités et sont emprisonnés dans l’ancien couvent du Buis à Aurillac. Les conditions de détentions sont très difficiles ; ceux qui sont malades ou âgés restent en prison, les autres sont déportés. À partir de l’automne 1793, les prêtres réfractaires trouvés sur le territoire français sont condamnés à mort. Ils se cachent tout d’abord dans leurs familles, puis, pour ne pas les exposer, dans les bois, dans des zones peu accessibles aux autorités, comme les gorges du Bès.
On les sollicite néanmoins pour célébrer la messe clandestinement ou administrer l’extrême-onction, au péril de leur vie. Ils se déplacent vêtus comme des paysans, et doivent dissimuler les objets du culte prohibés, sous peine de mort s’ils sont pris en leur possession.
La boîte secrète
Un objet qui a possiblement été utilisé par un prêtre réfractaire a été pieusement conservé au presbytère de Saint-Flour. Il s’agit d’une boîte secrète, constituée de deux livres datant de la fin du XVIIIe siècle, collés ensemble et soigneusement évidés. Un petit boitier permet de recevoir les ampoules portatives recevant les saintes huiles, le reste de la boîte pouvant accueillir les hosties consacrées et l’eau bénite.
La pierre gravée de l’abbé Lèbre
Le second objet est également lié à la Révolution et très certainement à la clandestinité. Il est conservé par une famille de Lorcières et mieux documenté. Il a appartenu à un prêtre, l’abbé Antoine Lèbre, né en 1737 à Frayssinous de Lorcières, qui sera prêtre-filleul (des prêtres sans cure), puis chanoine de l’ordre de Saint-Augustin, curé de Saint-Just et enfin de Lorcières en 1781.
Il prête serment en 1790 mais se rétracte ensuite. Ses biens sont mis sous séquestre et il exerce clandestinement son ministère avec son ancien vicaire Jean Chassang. Il ne semble pas avoir été inquiété mais durant cette période trouble, il va néanmoins fabriquer, ou du moins utiliser, un curieux objet gravé dans la pierre.
L’historien Bernard Berthod, spécialiste de l’art religieux, a identifié cet objet comme étant un moule utilisé pour fondre des médailles (croix latine, croix du Saint-Esprit, cœur). Le métal employé, probablement du plomb ou de l’étain, qui possèdent un degré de fusion assez bas, permettait le façonnage de ces objets de façon artisanale.
Les tiges de fusion partent depuis un orifice central pour que le métal puisse s’écouler jusqu’aux cavités dessinant les objets. « Ce moule a sans doute été utilisé domestiquement pendant la période révolutionnaire, alors que peu d’orfèvres auraient pris le risque de façonner des objets de piété », précise le spécialiste. Un moule du même type conservé au musée de Bruges permet de mieux comprendre le fonctionnement de la pièce de Lorcières et en souligne la rareté.