Prêtre du diocèse de Belley-Ars, historien et canoniste, l’abbé Thierry Blot a été secrétaire du dicastère chargé de la liturgie pendant vingt ans, à l’époque où il s’appelait « Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements ». Dans un article publié sur le site de L’Homme nouveau, il souligne le conflit d’intérêts entre la fonction de professeur de liturgie et celle d’official au sein de ce dicastère.
Dans un article de la Nuova Bussola Quotidiana du 27 février 2023, on apprend que deux des responsables du Dicastère pour le Culte divin et la Discipline des sacrements ont une caractéristique commune : ils enseignent à l’Athénée pontifical Saint-Anselme de Rome. Tel est le cas du secrétaire, S. Exc. Mgr Vittorio Viola, qui y enseigne la liturgie depuis 2000 et y occupe toujours la chaire de professeur de liturgie sacramentelle. Il y a ensuite l’un des deux sous-secrétaires, S. Exc. Mgr Aurelio García Macías, évêque. Lui-même et l’autre sous-secrétaire, Mgr Krzysztof Marcjanowicz, sont docteurs en liturgie de Saint-Anselme.
Cette situation n’est pas nouvelle puisque l’ancien sous-secrétaire, le R.P. Corrado Maggioni, montfortain, continuait lui aussi à enseigner à Saint-Anselme pendant qu’il travaillait au Dicastère. […]
Le service de la Curie romaine, d’une part, et l’enseignement, d’autre part, au moins en ce qui concerne la liturgie, devraient être dissociés. Ces professeurs et chargés de cours qui servent à la Curie romaine devraient être mis en disponibilité pendant toute la période de leur service. Celui qui sert dans le Dicastère pour le Culte divin et la Discipline des sacrements, chargé de la liturgie de l’Église, doit avoir comme seule référence les normes liturgiques en vigueur et comme seul objectif de les appliquer en laissant de côté ses propres idées qui, en revanche et légitimement, sont celles de l’enseignant et du chercheur.
Il est dommage que, dans le cadre de la réforme de la Curie romaine, en ce qui concerne au moins le dicastère chargé de la liturgie, on n’ait pas songé à spécifier une telle incompatibilité qui est source de subjectivisme et de relativisme, ce qui a pour effet d’affaiblir considérablement la valeur et l’impact des décisions du Dicastère qui, il faut le rappeler et le souligner, est un organe de gouvernement. Gouverner ou décider, et non pas ouvrir des débats en multipliant les entretiens médiatisés ou les colloques, est même sa principale raison d’être.
En effet, à la différence du professeur de liturgie, on ne demande pas à un official d’un dicastère – et bien entendu a fortiori à l’un de ses responsables détenteur de la signature – ce qu’il pense de telle norme liturgique, mais qu’il l’applique avec diligence, équilibre et conviction, pour le bien commun de l’Église. Un tel service, qui inclut une réserve absolue – il s’agit en l’occurrence du secret pontifical –, peut apparaître plus austère, voire humainement moins gratifiant que l’enseignement, mais il est indispensable à la vie de l’Église. […]
Le 19 mars sur la BBC, défendant les restrictions croissantes contre la messe traditionnelle, le cardinal Arthur Roche a déclaré que “la théologie de l’Église a changé”, ce qui est une monstruosité.
“Alors qu’auparavant le prêtre représentait, à distance, tout le peuple – ils étaient canalisés par cette personne qui était la seule à célébrer la messe.”
Aujourd’hui, “ce n’est pas seulement le prêtre qui célèbre la liturgie, mais aussi ceux qui sont baptisés avec lui, et c’est une déclaration énorme à faire”.
Le spécialiste de la liturgie Matthew Hazell a souligné que, contrairement à ce qu’affirme le cardinal, l’enseignement de l’Église n’a pas changé. Il a rappelé l’enseignement du pape Pie XII dans son encyclique Mediator Dei de 1947, dans laquelle le pontife a exposé l’enseignement catholique sur le sacrifice de la messe. Il est clair que les fidèles offrent le sacrifice par les mains du prêtre, car le ministre de l’autel, en offrant un sacrifice au nom de tous ses membres, représente le Christ, la Tête du Corps mystique. C’est donc à juste titre que l’on peut dire que toute l’Église offre la victime par le Christ. Le fait que les fidèles participent au sacrifice eucharistique ne signifie pas pour autant qu’ils soient dotés d’un pouvoir sacerdotal. Les fidèles participent à l’oblation, entendue dans ce sens restreint, à leur manière et d’une double manière, à savoir parce qu’ils offrent le sacrifice non seulement par les mains du prêtre, mais aussi, dans une certaine mesure, en union avec lui. C’est en raison de cette participation que l’offrande faite par le peuple est également incluse dans le culte liturgique. Mais la conclusion selon laquelle le peuple offre le sacrifice avec le prêtre lui-même n’est pas fondée sur le fait que, étant membre de l’Église au même titre que le prêtre lui-même, il accomplit un rite liturgique visible, car ce privilège n’appartient qu’au ministre qui a été divinement désigné pour cette fonction : elle se fonde plutôt sur le fait que le peuple unit son cœur en louange, impétration, expiation et action de grâces aux prières ou aux intentions du prêtre, voire du Grand Prêtre lui-même, afin que, dans une seule et même offrande de la victime et selon un rite sacerdotal visible, elles soient présentées à Dieu le Père.
Par conséquent, l’affirmation de Roche selon laquelle la théologie a changé ne semble pas être étayée par l’enseignement de l’Église – tant celui des temps récents que celui des papes des époques anciennes. Son argument selon lequel le peuple se joint désormais au prêtre pour offrir le sacrifice a toujours été enseigné, avec une différenciation soigneuse entre les divers rôles du prêtre et du peuple.
Pourtant, l’affirmation du cardinal selon laquelle “la théologie de l’Église a changé” n’est pas sans précédent. L’année dernière, il a déclaré à Vatican News que les restrictions imposées à la messe traditionnelle n’étaient qu’une “réglementation de l’ancienne liturgie”, nécessaire parce que Vatican II a mis en avant “une nouvelle liturgie pour la vie vitale de l’Église”.
Quelques semaines plus tard, Mgr Roche est allé jusqu’à suggérer que les catholiques attachés à la liturgie traditionnelle étaient “plus protestants” que catholiques. Il a cité une “réforme” nécessaire de la liturgie – une réforme qui, selon lui, a abouti au Novus Ordo.