C’est le sérieux site Cath.ch qui pose la question :
Mais que se passerait-il si le «schisme» se produisait? Une question à laquelle le vaticaniste John Allen a tenté de répondre, dans un article paru début février sur le site américain Crux.
Le journaliste commence par remarquer que «d’un point de vue strictement stratégique», une séparation n’aurait pas beaucoup d’importance en termes de «capital humain». En théorie, l’Allemagne compte 22 millions de catholiques, dont seulement 3,1 millions participeraient activement à la vie ecclésiale. Pour une Eglise totalisant 1,3 milliard d’adeptes dans le monde, le schisme ne serait donc numériquement pas vraiment significatif.
L’Allemagne n’apporte pas non plus une contribution importante en termes de personnel, note John Allen. Il n’y a actuellement que 48 candidats à la prêtrise dans les 27 diocèses du pays. L’Inde, qui compte à peu près la même population catholique, produit chaque année environ dix fois ce nombre de nouveaux prêtres.
Financièrement douloureux
Mais d’autres aspects seraient plus douloureux pour Rome. La perte de l’Allemagne, ou d’une partie de celle-ci, serait en effet un véritable coup dur pour les finances du Vatican. Le journaliste spécialisé Carsten Frerk estime la richesse totale des diocèses du pays à environ 460 milliards de dollars, dont 150 milliards de dollars de capital et le reste de biens immobiliers et autres. L’Eglise allemande bénéficie en effet d’un système fiscal plutôt favorable, dans lequel un petit pourcentage des paiements de l’impôt sur le revenu est dirigé vers l’Eglise à laquelle le contribuable appartient.
Le pays est au coude à coude avec les Etats-Unis pour la place du plus gros contributeur au coffre du Vatican, représentant environ un quart de ses revenus, rapporte John Allen. Un retrait de l’Allemagne pourrait donc créer un manque à gagner annuel d’environ 90 millions de dollars.
Virage à droite?
Le journaliste analyse également l’impact «politique» d’un éventuel schisme. A cet égard «l’effet le plus probable serait de pousser le catholicisme vers la droite», estime-t-il, alors que le centre de gravité de l’Eglise allemande se situe nettement à «gauche». Les voix conservatrices qui ont mis en garde contre une telle issue en Allemagne, y compris certaines figures de l’épiscopat américain, se sentiraient justifiées.
En outre, les dirigeants de l’Église seraient contraints de trouver d’autres donateurs pour compenser les conséquences financières. «Étant donné que les sources de financement les plus faciles à trouver dans le monde catholique se situent plutôt du côté de la droite, il est raisonnable de penser qu’un Vatican tendant son chapeau pourrait devenir plus dépendant des personnalités et institutions conservatrices», pense le vaticaniste américain.
A qui profite le schisme?
Récemment, un groupe de catholiques allemands conservateurs connu sous le nom de Neuer Anfang (Nouveau départ), qui s’oppose à la voie synodale, a appelé de ses voeux un schisme formel, y voyant «la solution la plus directe» pour «clarifier la situation particulière de l’Église allemande». Cela signifierait «un rejet du modèle de l’Eglise du peuple, et un renforcement du profil ecclésiastique des deux parties, qui se décomposerait en options visibles entre lesquelles il faudrait décider», ont-ils déclaré. Neuer Anfang semble partir du principe que ce qui resterait du catholicisme allemand après un tel séisme serait principalement ses éléments les plus conservateurs.
Cela «suggère une dynamique contre-intuitive dans laquelle il serait dans l’intérêt des progressistes dans le monde catholique de freiner la poussée des réformes allemandes, tandis que les conservateurs pourraient encourager à la perte de contrôle», conclut John Allen.