L’utilisation des ordinateurs — quelle que soit leur taille — doit être modérée. Cependant on estime à 6h45, le temps passé quotidiennement devant les écrans par les adolescents de 13 à 18 ans. Tous pourtant ne regardent pas la même chose. Si les filles passent 1h30 à utiliser les réseaux sociaux, les garçons ne leur donnent que 50 minutes ; à l’inverse alors que les filles n’accordent aux jeux-vidéo que 10 minutes par jour en moyenne, les garçons y consacrent 1 heure. Les personnes interrogées semblent conscientes du danger de la technologie mais elles s’inquiètent surtout pour les autres : alors que 10% des gens se jugent dépendants de la télévision, ils pensent que 70% des autres le sont…
On s’inquiète surtout pour les autres …
Même les gens du monde comprennent donc qu’il y a quelque chose de honteux dans l’usage immodéré des écrans et ils cherchent à le cacher, même à eux-mêmes. Des participants d’un sondage répondent qu’ils passent en moyenne 2h55 par jour sur leur téléphone, mais quand on vérifie sur un logiciel « espion » préalablement mis en place sur leur appareil, on découvre qu’ils y ont en fait consacré 3h50.
Toutes les études montrent que l’usage des écrans nuit fortement à l’acquisition des connaissances. On a — c’est un exemple parmi des centaines — soumis des collégiens de 13 ans à ce petit test : après un exercice de mémorisation, on leur proposa une heure plus tard des activités différentes. Un premier groupe joua à des jeux-vidéos violents, un deuxième regarda un film, et un troisième fit des activités quelconques. Le lendemain les trois groupes avaient oublié respectivement 47%, 39%, et 18% de ce qu’ils avaient appris.
Des effets pernicieux
Les effets à long termes sont bien plus graves. Certains troubles de l’attention sont certainement liés à l’usage des écrans. Il existe deux circuits neuronaux différents qui tous les deux font que l’on est « concentré » et que « l’on ne voit pas le temps passer ». Le premier est automatique et exogène ; il permet d’être attentif au monde qui nous environne. Le deuxième est volontaire et endogène : c’est lui qui permet de comprendre, de trouver un ordre logique et d’apprendre. Les écrans excitent le premier de manière artificielle et nuisent au second. Les variations sonores, les flashes visuels, les changements de plans, la multiplication des angles de vues, l’enchevêtrement rapide des séquences narratives… font que le spectateur est tenu en haleine sans faire le moindre effort. C’est ainsi que la capacité à réfléchir ne cesse de diminuer. L’entreprise Microsoft a publié une étude qui montre que la capacité d’attention des hommes est descendu à 9 secondes en moyenne, et elle-même fait la comparaison avec les poissons rouges qui seraient capables de fixer leur regard pendant 8 secondes… Si les messages ne sont pas toujours plus incisifs et provocateurs, les hommes sont distraits par autre chose. Il faut sans cesse susciter leur attention comme seuls les écrans peuvent le faire. La réalité et les livres deviennent ennuyeux.
Homme vertueux ou homme numérique
Fidèles de la Tradition catholique, sommes-nous préservés de la vague qui emporte le monde qui nous entoure ? Il est d’autant plus difficile de se protéger de cette révolution que la présence d’écrans dans la maison, voire dans la poche, est devenue bien souvent inévitable, et que l’on se rassure en affirmant que la nouvelle technologie n’est pas intrinsèquement perverse. Cela est vrai mais elle est dangereuse ! et ce n’est qu’au prix de moyens très stricts que la ruine peut être évitée. Les écrans fascinent ; la lumière et la succession rapide de nouvelles images hypnotisent ; l’attrait de la curiosité – que saint Jean nomme la concupiscence des yeux — est puissant. Bien peu de personnes s’imposent une discipline suffisante dans l’usage des écrans et pourtant il est vrai qu’elle est possible. À Taïwan, il n’est pas permis de laisser un enfant de moins de deux ans avec un écran (une amende de 1 500 € est prévue) et leur usage par un mineur doit être réglé (l’objectif étant de ne pas dépasser 30 minutes consécutives). L’espérance du salut éternel et la recherche de la sainteté ne sont-ils pas des motifs plus puissants qu’une contravention ? Il est primordial de se fixer des horaires avant et après lesquels l’usage de ces machines doit être proscrit. Il faut utiliser le regard des autres pour mieux se restreindre. Le dimanche doit être gardé comme un jour sacré, loin d’une technologie asservissante.
L’homme est responsable des influences auxquelles il se soumet au risque de perdre sa liberté intérieure. Les consciences hypnotisées par les écrans finissent par s’assoupir d’un sommeil coupable. Alors que Dieu a pourvu la nature humaine d’une capacité d’adaptation aux circonstances à travers l’acquisition de saines habitudes libératrices, les moyens modernes de communications exploitent les faiblesses de cette psychologie à des fins commerciales et révolutionnaires. L’homme vertueux s’élève au-dessus des récriminations de la nature blessée ; l’homme « numérique » se laisse entraîner par les sollicitations savamment conçues de l’univers virtuel.
Abbé Thierry Gaudray, FSSPX (Bulletin Sainte-Anne)
Bonne introduction au sujet du numérique. On recommandera aussi, sur Youtube, les reportages “Dopamine” sur les modèles économiques (fondés sur la neurologie) de Twitter, TikTok, etc…
Il me semble que l’abbé, qui ne parle pas dans son champs de spécialité, sous-estime gravement le potentiel addictif et anesthésiant des écrans. Certaines addictions sont de plus cumulatives. Ecrans + jeu ou écran + pornographie sont des cocktails redoutables. Plus que la curiosité (qui est le premier degré de l’orgueil, dit St Bernard), il semble que la concupiscence des yeux va s’exprimer par le fait de ressasser en boucle les mêmes sujets. Les Américains parlent de “military porn” à propos des clips militaires sur fond de musique appuyée, on pourrait parler aussi des AMV pour les amateurs de manga, ou de l’addiction aux séries…
La question du remède se pose effectivement avec acuité. D’expérience, face à ce niveau de sophistication de l’attaque, il faut bien réaliser qu’on est pas seul face à un écran (ce qui induit faussement un biais de duel, et l’espoir qu’on peut vaincre par la volonté). On est face à plusieurs produits finis, contenants ET contenus, qui sont chacun l’aboutissement de décennies d’efforts et de recherche par des milliers de spécialistes de la technique, de la psychologie et maintenant de la neurologie. Donc seul face à une armée.
Dans ce contexte, espérer vaincre par la volonté ou un sursaut moral, même si tout effort commence par là. D’expérience, il n’y a que deux choses qui marchent, et les deux impliquent Dieu :
1) on ne combat pas le mal par le mal, ou une addiction par du négatif. On remplace une jouissance par une jouissance supérieure. Désolé M. L’abbé l’espérance de la sainteté, dans ce cas-là, ça ne marche pas (ah le volontarisme, soooo FSSPX). L’expérience délicieuse de la présence de Dieu dans l’adoration eucharistique, oui.
2) on se prive d’un bien ressenti en vue d’un plus grand bien. Seigneur, si tu m’aides à faire ceci ou cela (exemple : résoudre telles disputes récurrentes), je t’offrirai de diminuer, limiter, ou éliminer mon temps d’écran (dans notre société, il vaut mieux commencer par limiter le temps d’écran aux seules activités professionnelles).
Ces deux remèdes marchent. Si vous comptez sur votre seule volonté, vous êtes fichus. Des démarches de groupe comme Exodus (qui inclut la diminution du temps des écrans en s’appuaynt sur la prière du groupe) peuvent aider aussi à lancer une dynamique vertueuse.
Bien à vous,
PS : u bout de phrase a sauté : face à une armée de spécialiste, espérer vaincre seul ou par la seule volonté, c’est illusoire.
Il faut un sursaut pour lancer la démarche de libération, et savoir que l’utilisation prolongée de la seule volonté, ou la résistance solitaire et purement humaie (sans s’appuyer sur Dieu), sont des facteurs-clés d’échec.
En revanche, c’est une belle occasion, non pas d’espérer, mais de vivre de la présence de Dieu.
Udp,