Dans la lettre 906 de Paix Liturgique (21 décembre), Louis Renaudin précise que la principale cible du Motu Proprio Traditionis Custodes est pour l’instant le clergé diocésain qui n’a plus la liberté de célébrer la messe traditionnelle.
Paix Liturgique : Mais alors contre qui a été promulgué ce motu proprio ?
Louis Renaudin : Il faut avoir en tête plusieurs choses, dont la dernière est la plus importante :
1°/ La manière dont l’Église est gouvernée est relativement chaotique, mais c’est un chaos voulu comme méthode de gouvernement. Une décision est prise en un sens, puis à moitié contredite, et ainsi de suite. Je puis vous dire que les évêques français, dont un certain nombre ont accueilli avec une joie non dissimulée TC, sont aujourd’hui désarçonnés quand ils reçoivent un message du cardinal Parolin, Secrétaire d’Etat, de « mettre la pédale douce ».
2°/ Par ailleurs, je vous l’ai dit, les durs petits esprits de Saint-Anselme et du Dicastère du Culte divin ont cru que leur heure était arrivée et ils ont un peu trop crié victoire, ce qui déplaît fort au pape François, lequel aime décontenancer ses meilleurs appuis pour bien montrer que c’est lui et lui seul qui gouverne. Ce n’est pas pour rien qu’il a fait passer le message qu’on avait essayé de la manipuler. Mais attention, il ne faudrait pas non plus de notre côté crier victoire, car nous pourrions déchanter.
3°/ Mais fondamentalement, ce sont bien sûr les diocésains, évêques conservateurs (ceux des États-Unis spécialement), prêtres diocésains et religieux qui avaient pris goût à la liturgie traditionnelle de plus en plus nombreux. Le pape ne s’intéresse pas vraiment à la liturgie, mais on n’a pas eu de peine à le convaincre que l’esprit du Concile était en danger dans les presbytères.
Paix Liturgique : Mais c’est ridicule. Les diocésains touchés par la liturgie traditionnelle ne sont pas très nombreux.
Louis Renaudin : Vous commettriez alors une grande erreur d’appréciation car si avant Summorum Pontificum les « diocésains et ordinaires » qui célébraient la liturgie traditionnelle étaient peu nombreux, la promulgation de SP a en quelques sortes fait se rompre les digues. N’oubliez pas qu’en dix ans (2007/2017), le nombre des messes traditionnelles dominicales a doublé dans le monde, pour une large part grâce à des diocésains : lors des enquêtes sur la situation de la liturgie traditionnelle dans le monde que Paix Liturgique à publiées en 2017/2018 et 2019, il apparaissait très clairement que le plus grand nombre des prêtres qui célébraient la liturgie traditionnelle étaient des diocésains et ce n’était qu’un début.
Paix Liturgique : Le début de quoi ?
Louis Renaudin : D’une « terrible » contagion liturgique. Je suis convaincu pour ma part qu’au rythme où allaient les choses depuis 2007, et malgré la résistance opiniâtre des évêques, le clergé diocésain était amené à se tourner irréversiblement et en très grand nombre vers la liturgie traditionnelle, ainsi d’ailleurs aussi que vers le catéchisme traditionnel. Voilà quel était le risque auquel étaient confrontés les ennemis de la Paix et de la Foi.
Paix Liturgique : Selon vous se serait contre cette contagion qu’aurait été publié le MP Traditionis custodes ?
Louis Renaudin : Je vous répète que les choses sont complexes : dire qu’on veut interdire la messe traditionnelle aux diocésains, implique par le fait qu’on veut la réserver aux ghettos, hors diocèses, à la marge. Sauf que les ghettos croissent et embellissent, puisque les séminaires traditionnels connaissent tous une nette croissance depuis TC, alors que les séminaires diocésains continuent de plonger. Oui, j’affirme que les prêtres diocésains, pour leur part, ont été depuis un an et demi les vraies victimes de cette décision inique. Cela il faut le dire et il ne faut surtout pas les abandonner : nous devons les aider de toutes nos forces !
Paix Liturgique : Pouvez-vous m’en fournir un exemple ?
Louis Renaudin : Il suffit de relire TC où il est clairement écrit que les prêtres diocésains qui voudraient célébrer selon l’Usus antiquior devront en demander la permission à leurs évêques qui eux-mêmes devront obtenir l’accord de Rome. Or, la totalité des demandes – je dis bien la totalité – qui ont été formulées, en tout cas selon ce processus ont reçu une réponse négative, et cela sur ordre supérieur.
Ce qui me conforte dans l’idée que le motu Proprio Traditionis custodes avait pour premier objectif de freiner le tsunami traditionnalisant, qui irrémédiablement allait bouleverser le clergé catholique en pleine crise de la Foi. Qu’il ait eu aussi pour objet, à l’origine, de stériliser si possible le monde traditionnel, n’est pas douteux. Mais la capacité de résistance de ce monde a été nettement sous-estimée. Rien n’arrive à le briser ni le freiner depuis un demi-siècle.
Paix Liturgique : Que concluez-vous ?
Louis Renaudin : Porter atteinte aux prêtres diocésains c’est tenter de porter un coup fatal à la Renaissance indispensable de l’Eglise catholique.
Car, voyez-vous, ce seront les prêtres diocésains qui, par leur action en faveur du catéchisme et de la liturgie, pourront œuvrer au niveau universel pour cette restauration. Les autres sont seulement des aiguillons indispensables certes, mais des aiguillons provisoires.
Nous devons donc prier pour que le ciel vienne en aide à tous nos amis prêtres qui dans les diocèses seront demain et dans l’avenir les ferments du renouveau de l’Eglise.
Si le pape était catholique tout rentrerait dans l’ordre, avec la messe catholique, le catéchisme et les sacrements traditionnels. Les prêtres auraient enfin la paix pour leur ministère ainsi que les familles pour enseigner la foi aux enfants.
Continuons à rester fidèles et persévérants, tous ces démons ne peuvent rien contre le Christ et son Église.
Restons sur nos gardes et attentifs !!!
Le loup blanc est toujours bien lâ, prêt à nous dévorer, ses apôtres le feront avec d’autant plus de ferveur et zèle.
Qui est Louis Renaudin ? Quelle légitimité a-t-il à aborder ce problème ? Finalement la FSSPX a toujours tort : soit ils ouvrent les bras aux ralliés et on les accuse de récupération; soit ils gardent leurs distances et on les accuse de pharisaïsme, donatisme, égoïsme, et je ne sais quoi d’autre. Ne sont-ils pas simplement prudents, cohérents, méfiants, éclairés par l’histoire religieuse des soixante dernières années ? Je ne vois pas chez les prêtres diocésains SP dans leur ensemble un irrésistible retour à la foi. Tout au plus, et chez beaucoup, de la curiosité, de l’attirance vers quelque chose de nouveau qui les change de leur médiocrité quotidienne. Le pape François commence à donner de la bande. Attendons la suite …