En 2015, Jean Mercier avait été condamné en première instance à un an de prison pour avoir aidé sa femme à mourir alors qu’elle le lui avait demandé. Son procès en appel s’ouvre ce jeudi à Lyon. L’homme de 88 ans, convaincu que son acte était réfléchi et “mérite d’être étudié”, s’est exprimé sur BFMTV. “Ça ne pouvait pas aller mieux, donc à ce moment-là on a le droit de choisir si on veut mourir ou pas”, a-t-il estimé. Selon lui, ils s’étaient “promis l’un et l’autre qu'(ils) le ferait et (il) ne pouvait pas (se) permettre de ne pas le faire”. “Hélas, nos politiques ne sont pas très courageux pour se lancer dans des folies pareilles”, a-t-il déploré.
Pour Jean Mercier, “on a le droit de choisir de mourir ou pas”, c’est même dit il dans la vidéo qui accompagne cet article de BFMTV, un droit fondamental.
Mourir, pas plus que vivre ne sont des droits fondamentaux. Ce qui est un droit fondamental, c’est le respect de la vie. Je me suis déjà exprimé sur cette nuance de taille, je n’y reviens pas ici.
La liberté en revanche est bien un droit fondamental et chacun, en effet, est libre de choisir de mourir. Si tant est que ce choix soit effectivement la preuve d’une vraie liberté, ce qui est un autre sujet.
Que chacun use de sa liberté est un droit dont la limite est le respect des autres droits fondamentaux. Que se passe-t-il alors lorsque je désir user de ma liberté de mourir ? Je n’ai alors d’autre alternative que le suicide. Car demander à une autre personne de “me suicider” signifie lui demander de porter atteinte au droit fondamental du respect de la vie, qui est un droit personnel (le mien comme le sien) mais aussi un droit universel intangible en aucune façon.
Le suicide lui-même porte atteinte au droit fondamental du respect de la vie et porte donc en lui-même un conflit de droits : celui de la liberté et celui du respect de la vie. En rigueur de terme soit je renonce à ma liberté, soit je renonce au respect de ma vie. Les raisons qui conduisent au suicide sont multiples et sont toujours personnelles et privées, même si leurs conséquences peuvent largement dépasser la personne elle-même. Cela étant, la véritable liberté s’entend dans le respect des autres droits. Ce n’est donc pas user de sa liberté que de ne pas respecter le droit à la vie. Au contraire c’est faire preuve de non liberté, puisque je contrains ma liberté à aller au-delà d’elle-même.
Demander l’euthanasie c’est ainsi forcer l’autre à bafouer deux droits fondamentaux, c’est l’impliquer de force dans un acte niant le respect de la vie et allant à l’encontre de ce qu’est la liberté. De force car il lui faut aussi user de sa liberté ou la nier. User de sa liberté pour choisir de mourir est autre chose que de demande l’aide d’une tierce personne pour mettre fin à la vie. C’est se suicider avec les mains d’un autre, sauf que concrètement l’autre ne suicide pas, il tue.
La liberté c’est “la capacité de choisir le bien”. Or le bien n’est pas d’abord sentiment, il tient compte des droits fondamentaux. Du reste c’est pour cela que l’on voudrait faire reconnaître “le choix de mourir”, comme un droit fondamental. Une telle reconnaissance, ouvrirait le champ de la liberté, puisque celle-ci est naturellement conditionnée aux droits fondamentaux. Mais c’est en fait une double perversion. Perversion des droits fondamentaux d’abord et par voie de conséquence de la liberté véritable, puisqu’il s’agit au fond de modifier la notion de ce qui est bien.
L’amalgame affectif, compréhensible face à la souffrance, fait bien souvent perdre la liberté de choix à celui qui donne la mort et la limite entre soulager l’autre et se soulager soi-même de l’épreuve qu’est la souffrance de l’autre est parfois bien délicate à percevoir.
En rigueur de terme, choisir de mourir reste un suicide, même s’il est légalisé sous d’autres termes. Aider à mourir, reste un meurtre quand bien même il est légalisé sous un nom plus doux à porter.