La chercheuse tunisienne, Hela Ouardi, revient sur les derniers jours de Mohammed, malmené par son entourage. Elle signe un ouvrage passionnant qui déconstruit nombre de préjugés et repense l’histoire de l’islam.
C’est un ouvrage qui fera date et plongera son lecteur – le croyant comme l’agnostique – dans un abîme de perplexité. Hela Ouardi, spécialiste de littérature française, rattachée à l’Institut supérieur des sciences humaines de l’université de Tunis El Manar, a voulu élucider l’énigme des derniers jours de la vie du prophète de l’islam, Mohammed, mort en l’an 11 de l’Hégire (juin 632). Près de quatorze siècles après l’événement, un épais nuage de contradictions enveloppe toujours le crépuscule de son existence. Affaibli, accablé par le chagrin et malmené par son entourage, celui que les musulmans considèrent comme le sceau des prophètes sera, ultime offense, abandonné sans sépulture pendant trois jours, le temps que ses plus éminents compagnons mouhajiroun (émigrés de La Mecque) et ses alliés les ansar de Médine, obnubilés par la succession, s’entendent pour désigner un calife.
Il y avait là matière à une enquête historique palpitante et risquée. Le sujet sentait le soufre. Mais c’est précisément parce que l’interdit de toute représentation du Prophète avait transformé Mohammed en un être déshumanisé, en homme sans ombre, que l’auteure a choisi de s’y frotter. Le saisir dans son humanité, non pour le désacraliser mais pour le rendre à son historicité : c’est le but que s’est fixé Hela Ouardi, qui s’est appuyée pour cela sur les sources classiques de la tradition et de l’historiographie musulmanes. Elle a tenté de réunir les morceaux du puzzle, en donnant une forme narrative aux récits éclatés et aux versions divergentes, en les soumettant au feu de l’analyse critique. Étrangement, personne n’avait avant elle osé une telle démarche. Le résultat est un livre passionnant et dérangeant (au point que certains ont obtenu son interdiction au Sénégal) mené comme un roman : Les Derniers Jours de Muhammad.
Elle répond à Jeune Afrique